L’industrie mondiale de l’habillement

Les dessins humoristiques de Better Work permettent d’entamer la discussion dans les salles de réunion et les ateliers

Le programme conjoint OIT-SFI promeut une approche innovante pour améliorer les relations professionnelles dans l’industrie mondiale de l’habillement.

Reportage | 25 août 2017

GENEVE (OIT Infos) – Dans une fabrique de vêtements de Jordanie, Fatema longe les rangées de travailleurs penchés sur leurs machines à coudre qui ronronnent, marque un temps d’arrêt puis montre une série de dessins humoristiques affichés au mur.

Autrefois opératrice de machine dans son Bangladesh natal, Fatema a quitté son pays à la recherche d’un emploi plus rémunérateur il y a sept ans, et a gravi les échelons pour devenir contremaîtresse d’une ligne de production à quelque 4 000 km de chez elle.

«Ce sont ces images qui m’ont amenée là où j’en suis sur le plan professionnel», dit-elle. «Elles m’ont appris les normes à suivre dans les usines et m’ont aidée à développer mes compétences d’encadrement».

Fatema faisait référence aux dessins humoristiques produits par Better Work, un programme phare de l’OIT, géré conjointement avec la Société financière internationale (SFI) et consacré à l’amélioration des conditions de travail et de la compétitivité dans l’industrie mondiale de l’habillement.

D’abord orientées vers des sujets liés à la sécurité et la santé au travail, cinq ans après, les affiches de Better Work traitent maintenant des bonnes et des mauvaises pratiques relatives à de nombreux domaines de la vie de l’usine.

Trente dessins humoristiques en couleur et deux vidéos d’animation sont utilisés à travers les sept pays où le programme est opérationnel, donnant vie aux interactions entre gouvernement, direction et travailleurs – un domaine officiellement appelé relations professionnelles.

Des conventions complexes aux dessins humoristiques

«L’idée de ces dessins humoristiques est venue quand nous avons réuni un groupe de spécialistes des relations professionnelles pour réfléchir à des solutions permettant d’améliorer notre travail», a expliqué Daniel Cork, spécialiste technique de Better Work et principal initiateur de ce projet.

«L’une des requêtes qui a émergé était de transcrire les principes techniques et les conventions compliqués de l’OIT dans un langage facile à comprendre pour les gens», a-t-il déclaré.

Les animations et les affiches créées par le dessinateur jordanien Omar Momani sont basées sur la simplicité, l’immédiateté et l’humour.

Après avoir visité plusieurs usines de confection pour mieux saisir le contexte dans lequel ses personnages prendraient vie par la suite, M. Momani a estimé que des dessins humoristiques permettraient de surmonter les barrières culturelles au sein d’une main-d’œuvre internationale.

«Les dessins humoristiques nous aident à discuter avec les marques de leurs pratiques d’approvisionnement et de l’origine de la pression qui s’exerce sur la chaîne logistique», a déclaré M. Cork. «Les relations professionnelles ressemblent souvent à des montagnes russes. Ces dessins humoristiques sont un bon outil pour évoquer les tensions prévalant dans le secteur et leurs répercussions sur les usines et les travailleurs».

Promouvoir la productivité au Vietnam

Au Vietnam, où plus de 400 usines participent à Better Work, touchant quelque 650 000 ouvriers, le conseiller d’entreprise et chef d’équipe Nguyen Duc Thien a affirmé que les dessins humoristiques avaient aplani les problèmes de productivité.

M. Thien a expliqué que le salaire minimum dans le pays – environ 200 $ par mois dans la capitale, Ho-Chi-Minh-Ville – faisait l’objet d’augmentations tous les ans. C’est un véritable défi pour les entreprises qui produisent ici parce que le secteur du prêt-à-porter est très intensif en main-d’œuvre. Tant que la production n’est pas plus efficace, les entreprises ne pourront pas suivre les pays où les coûts de main-d’œuvre sont beaucoup plus bas.

«Les dirigeants veulent que les travailleurs produisent davantage», a ajouté M. Thien. «Ils peuvent crier sur leurs employés pour qu’ils atteignent leurs objectifs plutôt que de promouvoir le dialogue ce qui, nous l’avons montré, accroît vraiment la productivité. C’est pour cela que nous utilisons les dessins humoristiques, en particulier celui qui montre l’importance de faire connaître aux travailleurs les plans de l’usine pour que les objectifs soient atteints».

Ouvrir la porte au dialogue en Haïti

En Haïti, les manifestations et les grèves revendiquant de meilleures conditions de travail et une hausse substantielle du salaire minimum ont bloqué l’activité du secteur textile depuis la mi-mai. Ici aussi, le recours aux dessins humoristiques est important pour favoriser le dialogue social.

«Après quelques réticences initiales, nous avons réussi à exposer les affiches dans chacune des 27 usines de confection du pays», a déclaré Rolf Berthold, chargé des relations professionnelles pour Better Work Haïti. «C’est vital pour les travailleurs de savoir que nous sommes présents».

«Une bonne partie des travailleurs sont illettrés ou ont un niveau d’instruction limité», a ajouté M. Berthold. «Pourtant, ils comprennent parfaitement le message des affiches. Cela contribue à instaurer le dialogue dont le secteur manque cruellement aujourd’hui».

Faire tomber les barrières linguistiques en Jordanie

Maysa Al-Hmouz, conseillère d’entreprise de Better Work Jordanie, a déclaré que communiquer au moyen de dessins humoristiques était bien adapté à la Jordanie en raison de la présence d’un grand nombre de travailleurs migrants dans le secteur et de l’absence de langue commune.

«Les affiches sont utilisées pour instaurer la confiance parmi tous les acteurs du secteur», a-t-elle expliqué. «Elles nous permettent d’entamer la conversation».

Quand il s’agit d’aborder des sujets délicats comme les droits au travail, avec de multiples acteurs et des perspectives diverses, parfois il suffit juste d’avoir un déclencheur.

Selon une étude réalisée par l’Université Tufts, Better Work a eu un impact considérable et positif sur les conditions de travail. Le programme a permis de réduire l’écart salarial de près de 17 pour cent et de diminuer les problèmes de harcèlement sexuel d’au moins 18 pour cent. Dans le même temps, la rentabilité des usines où Better Work s’est engagé a augmenté jusqu’à 25 pour cent.

L’étude a aussi clairement indiqué que le dialogue social jouait un rôle important dans l’amélioration des résultats des travailleurs, surtout quand des élections justes de représentants des travailleurs étaient organisées et que des femmes figuraient parmi les élus.

Pour en savoir plus, veuillez consulter le site web de Better Work. site web de Better Work