Article

Une protection sociale pour les travailleurs de l’économie informelle en Thaïlande

Les travailleurs de l’économie informelle sont vulnérables et manquent souvent de protection sociale. Quand surviennent des catastrophes naturelles comme les inondations de 2011 en Thaïlande, on les laisse fréquemment sans aucun soutien approprié. Mais aujourd’hui l’OIT et les autres agences des Nations Unies travaillent avec le gouvernement thaïlandais pour remédier à cette situation et créer un système de protection sociale convenable. Reportage d’Alice Molinier et Kakkanang Ghettalae, consultants en protection sociale auprès du BIT, et de Poonsap Tulaphan, de la Fondation pour la promotion du travail et de l’emploi.

Article | 5 avril 2012
BANGKOK, Thaïlande (OIT en ligne) – Les inondations de 2011 furent la pire catastrophe naturelle qu’ait connue la Thaïlande en 70 ans. Les gens ont perdu leur maison, leur emploi, leurs possessions et – pour certains – ils ont même perdu des membres de leur famille.

La maison de Neeramol Sutipannapong, située dans la région de Laski à Bangkok, a été inondée le 21 octobre 2011. L’eau est montée à plus d’un mètre et a stagné pendant un mois, détruisant presque tout ce qu’elle possédait.

Mère de trois enfants, Neeramol gagnait sa vie en cousant des vêtements à domicile. Elle vivait avec son mari qui travaillait comme réparateur de montres le jour et chauffeur de mototaxi la nuit.

L’inondation a frappé leur maison avec tant de rapidité qu’ils n’ont pas eu le temps de mettre la machine à coudre ou la moto à l’abri. Toutes deux ont été endommagées et sont hors d’état de fonctionner. Pendant plus d’un mois, Neeramol et son mari n’ont plus eu aucune source de revenus. Ils ont dû dépenser toutes leurs économies pour acheter de la nourriture et d’autres fournitures, à des prix qui avaient flambé en raison des inondations.

Qui plus est, le couple s’est inquiété de savoir où il pourrait trouver de l’argent afin de réparer sa maison, acheter une nouvelle machine à coudre et une moto, ou d’envoyer ses enfants à l’école. Il n’avait aucune garantie subsidiaire pour obtenir un prêt auprès d’une banque. Il pourrait emprunter auprès d’un usurier mais les taux d’intérêt très élevés pourraient le mettre en danger de sombrer dans un cycle d’endettement.

Depuis longtemps, les personnes les plus pauvres et vulnérables de Thaïlande ont accès à des programmes d’aide ponctuels, sous condition de ressources. Cependant, ces dernières années, la Thaïlande a réalisé d’importants progrès en vue d’une protection sociale de base universelle, en introduisant deux grands régimes universels qui forment les principaux piliers du socle de protection sociale thaïlandais.

Le programme de couverture universelle a été institué en 2001 pour offrir une couverture santé universelle à ceux – une majorité – qui n’étaient pas encore couverts par les mécanismes publics de protection de la santé déjà en vigueur. En 2008, un régime financé par une taxe universelle de 500 bahts a été établi en vue de garantir une sécurité de revenu aux plus de 60 ans.

Atteindre l’économie informelle

L’un des principaux défis qui demeurent est l’extension de la couverture aux travailleurs de l’économie informelle (travailleurs à leur propre compte, travailleurs familiaux non rémunérés) et à leur famille qui constituent 76 pour cent du reste de la population thaïlandaise. Les tentatives d’étendre la couverture à cette catégorie comprennent la fourniture (au titre de l’article 40 de la loi sur la sécurité sociale) d’un ensemble gratuit de garanties, subventionné en partie par les pouvoirs publics, qui couvre la maladie, l’invalidité, la mort et une prestation vieillesse facultative sous forme d’un montant forfaitaire.

Malgré la hausse sensible du nombre de personnes couvertes, la majorité de la population en âge de travailler dans le secteur informel n’a toujours pas de sécurité de revenu, et les possibilités d’acquérir de meilleures qualifications font défaut. Quand des catastrophes naturelles comme les inondations de 2011 frappent, ces travailleurs sont souvent abandonnés à leur sort.

Le gouvernement royal thaïlandais a récemment déclaré son intention de s’attaquer à ce problème et a fait de l’expansion de la protection sociale un objectif prioritaire du 11e Plan national de développement économique et social pour 2012-2016 avec pour ambition d’instaurer «davantage de justice dans la société».

En mars 2010, une Equipe conjointe du socle de protection sociale (SPFJT en anglais) a été mise en place pour appuyer les efforts du gouvernement thaïlandais afin de mettre progressivement en place un régime de protection sociale systématique et approprié, fondé sur les droits. L’Organisation internationale du Travail (OIT) dirige cette équipe et bénéficie du soutien coordonné d’autres organismes des Nations Unies (ONU).1

Vers une protection sociale de base universelle

«L’objectif de la SPFJT est de développer une approche cohérente et holistique de la protection sociale en Thaïlande et de s’acheminer progressivement vers la mise à disposition de tous d’une protection sociale de base universelle», explique M. Jiyuan Wang, Directeur du Bureau de pays de l’OIT pour la Thaïlande, le Cambodge et le Laos.

L’équipe SPFJT a rassemblé une documentation sur les expériences de la Thaïlande et a fait la promotion d’un socle de protection sociale plus complet à travers diverses activités, comme des ateliers, des conférences et des formations.

Pour le secteur informel, la SFPJT des Nations Unies préconise l’instauration de mesures de sécurité sociale pour compenser la perte de revenu provoquée par des lésions professionnelles, la maladie ou la maternité. Elles seront associées à des primes et des programmes de formation professionnelle afin de développer les capacités individuelles.

La SPFJT a également produit une vidéo, Instaurer un socle de protection sociale en Thaïlande (en anglais), pour défendre les droits des personnes comme Neeramol et sensibiliser aux problèmes qui perdurent.



L’ONU a retenu le socle de protection sociale parmi les neuf initiatives visant à répondre aux effets de la crise économique et sociale mondiale. Dirigée conjointement par l’OIT et l’Organisation mondiale de la santé, cette initiative a pour but de promouvoir un ensemble de droits fondamentaux et de transferts sociaux, ainsi que des services essentiels dans les domaines de l’emploi, de la santé, de l’eau et l’assainissement, de l’alimentation, de l’éducation et du soutien aux familles, afin de protéger les plus pauvres et les plus vulnérables et de leur donner les moyens d’échapper à la misère.

En juin 2012, la 101e session de la Conférence internationale du Travail de l’OIT débattra de l’élaboration d’une recommandation sur le socle de protection sociale.

Y compris le Coordinateur résident des Nations Unies, l’UNICEF, le FNUAP, l’OMS, l’UNESCO, le PNUD et l’ONU Femmes.