Questions/réponses

Questions-réponses sur les compétences requises pour relever le défi des emplois verts

La création de nouvelles compétences ou l’amélioration de celles qui existent déjà est l’élément clé pour débloquer le potentiel d’emplois verts. L’Initiative pour des emplois verts de l’OIT, du Programme environnemental de l’ONU, de l’Organisation internationale des Employeurs (OIE) et de la Confédération syndicale internationale (CSI) s’est employée à faire de ce potentiel une réalité depuis 2008. Nouvelles du BIT a interrogé Olga Strietska-Ilina, spécialiste du développement des compétences au sein du Département des compétences et de l’employabilité du BIT, au sujet d’une nouvelle étude de référence, élaborée en coopération avec le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) sur les besoins de qualifications dans les économies respectueuses de l’environnement.

Article | 7 novembre 2011

Vous venez de publier une nouvelle étude intitulée «Des compétences pour des emplois verts – un aperçu à l’échelle mondiale». Quels en sont les points forts?

Pour avancer vers des économies plus respectueuses de l’environnement, nous avons besoin de nouvelles compétences. Sans une main-d’œuvre correctement formée, la transition risque de se faire attendre. Les études par pays montrent que ce défaut de compétences constitue dès aujourd’hui un obstacle majeur pour la transition vers des économies respectueuses de l’environnement et des emplois verts, une tendance qui est susceptible de s’exacerber à l’avenir. L’intégration durable du développement des compétences dans les stratégies visant à accélérer l’écologisation des économies nationales demeure limitée à des initiatives isolées. Une pénurie d’enseignants et de formateurs sur les thèmes de la sensibilisation à l’environnement et dans les secteurs verts en plein essor est constatée dans de nombreux pays.

Comment peut-on mettre un terme au manque de qualifications?

La sensibilisation à l’environnement doit faire partie de l’enseignement et de la formation à tous les niveaux, sous forme de compétence de base enseignée dès le plus jeune âge. Les pays ont besoin de stratégies qui regroupent les objectifs, les politiques et les ministères concernés par l’énergie, l’environnement, l’éducation et le développement des compétences. Les pays qui le font accordent la plus haute priorité à un dialogue social authentique, à la coordination entre ministères et à la communication entre employeurs et formateurs. Les partenariats public-privé, associant les ressources publiques et les connaissances empiriques des entreprises – et parfois leurs ressources également – ont prouvé leur efficacité dans la plupart des cas. Les gouvernements et les organismes de formation doivent anticiper ces changements en collaboration avec les entreprises.

Les nouveaux métiers vont-ils se multiplier?

Le changement va essentiellement affecter les professions existantes et donc le système d’enseignement et de formation. Il sera donc nécessaire de procéder à des ajustements des programmes scolaires et des normes de qualification. De nouveaux profils de poste, la plupart à un haut niveau de qualification, vont émerger, en particulier dans le domaine des nouvelles technologies et des réglementations – comme des éco-concepteurs, des consultants en émission de carbone ou des ingénieurs en géothermie.

Comment les établissements d’enseignement et de formation s’en sortent-ils face à cet enjeu?

Les entreprises ont été les premières à répondre aux besoins de qualification. Les écoles et les universités ont fait preuve d’adaptation dans la plupart des cas en intégrant de nouveaux cours, tels que la sensibilisation à l’environnement et des compétences techniques, mais l’enseignement technique et la formation professionnelle doivent faire des progrès.

Les gouvernements peuvent-ils espérer une forte hausse de l’emploi?

La transition vers une économie respectueuse de l’environnement recèle un potentiel de création de millions d’emplois. Elle pourrait aussi conduire à une réduction des effectifs dans les industries à fortes émissions de carbone, mais la plupart des scénarios suggèrent que le bilan net sera positif. La durée et la pénibilité de la transition dépendront largement de la planification et de la coordination politique préalables. La reconversion des travailleurs et l’amélioration des qualifications seront cruciales parce que ceux qui obtiennent ces emplois «verts» ne sont pas nécessairement ceux qui ont perdu leur emploi dans les industries «brunes».

Quels sont les secteurs qui seront affectés?

Une restructuration en profondeur est attendue dans de nombreux secteurs. La production agricole sera affectée par la croissance des biocarburants et des fermes biologiques. Dans de nombreuses régions du monde, les agriculteurs doivent aussi s’adapter à des conditions de sécheresse plus difficiles exigeant d’eux qu’ils apprennent à faire pousser de nouvelles cultures ou à utiliser de nouvelles méthodes pour cultiver certaines plantes. La production d’énergies fossiles va décliner par rapport à l’essor des sources d’énergie renouvelables; les industries à fortes émissions de carbone vont s’orienter vers des procédés de fabrication plus respectueux de l’environnement.

De nombreuses compétences ne risquent-elles pas d’être dépassées?

Alors que certaines activités seront progressivement abandonnées, les compétences qu’elles requièrent pourront toujours être exploitées, parfois par les mêmes travailleurs – qui devront suivre une nouvelle formation pour tirer le meilleur parti des compétences dont ils disposent.

Chacun aura-t-il accès à un emploi vert?

Certes, la croissance verte offre l’occasion de rendre accessible à tous de nouveaux emplois et de s’attaquer aux inégalités, mais elle ne sera intégratrice que si l’on cible les catégories désavantagées pour les former afin qu’elles puissent décrocher ces emplois. Les professions émergentes offrent également une chance de faire tomber les barrières liées au genre. Des incitations à accroître la participation des femmes dans les programmes de formation technique amèneront davantage de femmes dans les professions liées aux technologies et combleront en partie les déficits de qualification.

La discussion sur les compétences et les emplois verts concerne-t-elle les pays en développement?

Les pays en développement sont ceux qui portent le moins de responsabilités dans le changement climatique mais ils sont les plus durement touchés par ses conséquences. Les personnes qui vivent de l’agriculture, de la pêche ou de l’artisanat traditionnel tombent rapidement sous le seuil de pauvreté quand ils se voient privés de ces sources de revenus. Ils ont besoin d’urgence de compétences pour pouvoir s’adapter. L’atténuation du changement climatique et les investissements dans les secteurs verts créent des possibilités de générer des revenus, de lutter contre le chômage et de réduire la pauvreté. Mais il faut pour cela adopter des mesures spéciales comme la formation à l’entrepreneuriat et l’accompagnement dans la durée des entrepreneurs, conjointement à des projets de microfinance, pour contribuer à créer et pérenniser des entreprises vertes. Il convient aussi de sensibiliser à l’environnement, de développer les capacités pour renforcer les mécanismes du dialogue tripartite, et d’améliorer l’éducation formelle et la formation pour offrir des compétences de base à tous et améliorer le niveau de qualifications de la main-d’œuvre nationale.