World AIDS Day 2010

Journée mondiale de lutte contre le sida 2010 – Des politiques de lutte contre le VIH/sida en milieu de travail

En juin 2010, les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs qui constituent l’Organisation internationale du Travail (OIT) ont adopté la première norme internationale du travail consacrée spécifiquement au VIH/sida. La Recommandation (n° 200) concernant le VIH et le sida et le monde du travail, 2010 aborde la pandémie avec une approche fondée sur les droits; elle prévoit des mesures détaillées pour améliorer l’accès à la prévention, au traitement et à la prise en charge et pour éliminer la stigmatisation et la discrimination du lieu de travail. A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida 2010, BIT en ligne s’est entretenu avec le Dr Sophia Kisting, directrice du Programme mondial du BIT sur le VIH/sida et le monde du travail au sujet des progrès accomplis pour mettre en vigueur la recommandation depuis son adoption en juin.

Article | 30 novembre 2010

La Conférence internationale du Travail de l’OIT a adopté une nouvelle recommandation concernant le VIH et le sida et le monde du travail en juin 2010. Quel écho a-t-elle eu depuis son adoption?

Sophia Kisting: L’écho a été vraiment retentissant et l’enthousiasme avec lequel les mandants se sont emparés de cette recommandation est très encourageant pour nous.

Ceux qui étaient présents pendant la seconde discussion sur la recommandation lors de la CIT de 2010 sont rentrés dans leur pays avec le sentiment de disposer d’une solide norme des droits de l’homme au travail qui pourrait les aider à faire reculer la stigmatisation et la discrimination sur les lieux de travail.

Au-delà de cette première réaction, chacun est bien conscient que les pays doivent faire rapport à la Commission d’experts lors de la CIT de juin 2011 sur les progrès réalisés dans la mise en vigueur de la recommandation. La première étape consiste à traduire la norme du travail et à consulter les différents ministères afin qu’elle devienne un document juridique qui appartienne au gouvernement dans son ensemble. Lors d’une session parlementaire, les parlements nationaux doivent ensuite consacrer du temps à débattre de la manière de donner effet à la recommandation.

Nous avons reçu des requêtes de plusieurs pays pour traduire la recommandation. Nombre de fédérations syndicales et d’organisations patronales ont réclamé notre appui et des supports matériels pour présenter la recommandation à leurs adhérents. Des ministres du Travail ont aussi souhaité que l’OIT lance des ateliers tripartites consacrés à la recommandation.

En outre, ce qui a été particulièrement frappant c’est la réaction pleine d’enthousiasme exprimée par les réseaux de personnes vivant le VIH au sujet de la recommandation.

En novembre 2010, le Conseil d’administration du BIT s’est mis d’accord pour que soit élaboré un Plan d’action mondial pour donner effet à la recommandation. En quoi consiste ce plan d’action et comment sera-t-il mis en œuvre?

Sophia Kisting: Parallèlement à la recommandation, la CIT 2010 a également adopté une résolution qui demandait qu’un plan d’action mondial soit établi pour parvenir à une large application de la recommandation. Ce plan est élaboré dans le cadre d’un processus de consultation et sera soumis au Conseil d’administration du BIT en mars 2011.

L’une des étapes les plus importantes pour nous est d’élaborer des politiques nationales concernant le lieu de travail et de s’assurer qu’elles font partie des stratégies et des programmes nationaux relatifs au VIH, afin que la réponse apportée par le monde du travail ne soit pas isolée mais fasse plutôt partie d’une réponse nationale plus large au VIH/Sida.

Du point de vue législatif, nous espérons que nos Etats Membres donneront effet à la recommandation en actualisant leur législation, notamment pour ce qui concerne la discrimination au travail, en modifiant la législation existante qui pourrait être discriminatoire à l’égard des personnes vivant avec le VIH, ou en rédigeant une législation entièrement nouvelle basée sur la recommandation.

Nous voulons apporter notre soutien à 50 Etats Membres au moins pour élaborer leur politique nationale sur les lieux de travail d’ici à la fin 2011 et à 90 au moins d’ici à 2015. Je pense qu’au vu des réponses que nous avons reçues jusqu’à présent, nous pouvons viser un objectif beaucoup plus ambitieux que 90 pays.

L’échéance de 2015 est une référence explicite à l’Objectif du Millénaire pour le développement (OMD) n° 6 sur la lutte contre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies. Cependant, il est clair qu’en particulier dans les pays qui portent le plus lourd fardeau du VIH, le virus est un obstacle à la réalisation des OMD. Pour atteindre tous ces objectifs, nous devons trouver un moyen de gérer le VIH et le sida.

La vision de l’ONUSIDA pour 2015 est «zéro nouvelle contamination, zéro mort du sida et zéro discrimination». C’est un objectif ambitieux à la réalisation duquel le monde du travail peut apporter une contribution efficace.

Le BIT a-t-il reçu jusqu’à présent des engagements de la part de gouvernements que la recommandation serait transcrite dans leur législation nationale?

Sophia Kisting: Suite à la première discussion de la recommandation en 2009, le gouvernement du Brésil a élaboré une législation spécifique qui prohibe la discrimination sur la base du statut VIH, réel ou supposé, aux fins de travail.

Depuis l’adoption, nous avons au moins trois Etats Membres de l’OIT en Afrique qui nous ont demandé de les aider à réviser leur législation à la lumière de la nouvelle recommandation. Au cours des ateliers tripartites prévus pour développer les politiques nationales relatives aux lieux de travail dans les Etats Membres, du temps sera spécialement réservé à la dimension législative.

Cette année, le thème de la Journée mondiale est Accès universel et droits de l’homme; l’OIT dispose dorénavant d’un instrument des droits de l’homme relatif au VIH et au sida dans le monde du travail. Pouvez-vous nous en dire plus sur le VIH/sida comme enjeu des droits de l’homme?

Sophia Kisting: Par le passé, le VIH était d’abord un problème de santé, mais nous avons appris au travers des effets de la stigmatisation et de la discrimination par exemple, que la question était beaucoup plus vaste. C’est une question qui touche au développement économique et, plus important encore, une question de droits de l’homme.

Aujourd’hui encore, trente ans après que les premiers patients furent diagnostiqués séropositifs, la stigmatisation et la discrimination sont très répandues. Nous pensons que les représentants des gouvernements, des travailleurs et des employeurs, de l’OIT nous ont permis de disposer d’une norme du travail pour que nous nous attaquions à ces questions et protégions les droits de l’homme.