L’éducation au VIH/Sida sur le lieu de travail en Jamaïque: Modifier les attitudes, sauver des vies et protéger l’emploi

Le Sida demeure l’une des principales causes de décès chez les Caribéens âgés de 25 à 44 ans, faisant de cette région du monde la seconde la plus touchée après l’Afrique subsaharienne. Le Programme «SHARE» du BIT travaille avec les gouvernements, les employeurs et les travailleurs pour apporter prévention et soins, contribuant à sauver la vie de travailleurs et à les maintenir dans des emplois décents. Reportage de BIT en ligne depuis la Jamaïque, à l'occasion de la journée internationale de lutte contre le SIDA.

Article | 29 novembre 2007

KINGSTON, Jamaïque - Pour beaucoup des 230 000 personnes vivant dans les Caraïbes avec le VIH, une journée au travail peut être difficile à supporter – ils peuvent être confrontés aux discriminations et à l’ostracisme des employeurs et de leurs collègues tout en manquant d’information et de soutien au sujet de leur maladie.

Mais pour d’autres personnes dans le monde du travail, les choses commencent à changer. Depuis que l’OIT a entamé ses programmes d’éducation sur le lieu de travail dans la région, le monde du travail est progressivement devenu un lieu où employeurs et travailleurs, soutenus par le gouvernement, joignent leurs forces pour relever les défis posés par le VIH/Sida.

La nouvelle approche touche, au-delà des travailleurs réguliers, l’économie informelle, difficile à atteindre. Par exemple, les coiffeurs et les esthéticiennes du secteur informel ont récemment participé à l’un des ateliers de sensibilisation de l’OIT aux côtés de grandes entreprises. Dans la plupart de ces ateliers de formation, des personnes atteintes du virus VIH jouent les modérateurs tout au long de l’événement mais ne révèlent pas leur statut sérologique avant le dernier jour.

«Tous les participants se mélangent et prennent leur repas ensemble, ce qui signifie beaucoup ici où il reste de nombreux tabous sur la préparation des repas et le VIH», explique le coordinateur national du projet Nasolo Thompson. «La révélation du statut du meneur de groupe à la fin est un choc pour les participants et cela change radicalement leur perception du Sida».

C’est un petit secteur d’activités mais l’Association nationale des coiffeurs et esthéticiennes de Jamaïque (NAHC) est très active et disposée à faire tout ce qui est possible pour soutenir ses membres dans leur lutte contre le Sida. Avec la formation et le soutien du Programme SHARE (Réponses stratégiques des entreprises à la question du VIH/Sida) du BIT, la NAHC a sensibilisé 90 pour cent de ses 500 membres et assisté des centaines de propriétaires de salons sur tout le territoire pour partager l’information et soutenir un changement de comportement avec leurs clients et leur personnel en réponse à l’épidémie.

Carolyn Flowers-Smith, propriétaire d’un salon dans la capitale jamaïcaine, Kingston, a été formée comme éducatrice pour ses pairs en 2006 avec quatre autres membres du Comité VIH/Sida de la NAHC. Depuis lors, elle a initié un programme d’éducation par les pairs dans son salon où elle reçoit environ 50 clients par semaine et sensibilise activement la plupart d’entre eux. Elle les aide ainsi à évaluer leur risque personnel en partageant des informations de base sur le VIH/Sida, en fournissant de la documentation et en affichant des posters dans son salon.

«La formation a eu énormément d’effet sur moi. Je connais maintenant beaucoup mieux les questions liées au VIH/Sida et cela m’a aidée à partager une information de meilleure qualité avec ma famille, mes amis, mes clients et mes employés. Rencontrer et parler avec une personne qui est séropositive m’a vraiment touchée», affirme l’esthéticienne Vanessa Hayles, autre membre de la NAHC.

Selon Nasolo Thompson, le programme a réussi à pénétrer dans une quinzaine d’entreprises locales avec lesquelles il travaille depuis trois ans et demi. «Nous avons la preuve que les choses sont en train d’évoluer dans la bonne direction: nous constatons un certain degré de changement de comportement, y compris une diminution du nombre de partenaires sexuels et une utilisation plus fréquente des préservatifs», dit Nasolo.

Bénéficiant à plus de 20 000 travailleurs directement, le projet de l’OIT a jusqu’ici formé 80 fonctionnaires et 112 membres clés des organisations d’employeurs et de travailleurs dans l’agriculture, l’industrie, la finance, les services publics et l’économie informelle.

«La NAHC est un excellent exemple de la manière dont les PME et les entreprises du secteur informel peuvent contribuer à réduire l’impact et la propagation du VIH/Sida dans le monde du travail», déclare Sophia Kisting, Directrice du Programme du BIT sur le VIH/Sida et le monde du travail.

«Avec l’engagement du gouvernement, des organisations patronale et syndicale, le programme SHARE est aussi un bon exemple de partenariat public/privé au niveau du lieu de travail, impliquant des milliers de personnes, des ministres aux routiers, des syndicalistes aux employés des usines textiles, des organisations patronales aux plus hauts dirigeants d’entreprises», ajoute-t-elle.

Grâce au soutien d’un certain nombre de partenaires financiers internationaux, le programme Sida du BIT conduit des projets dans près de 40 pays, avec des activités liées au VIH dans de nombreux autres, tous visant à garantir que le lieu de travail joue tout son rôle pour la réalisation d’un accès universel à la prévention du Sida, aux traitements, aux soins et au soutien.