Déclin sensible de l'emploi dans les services utilitaires

Fusions et acquisitions dans les services de l'eau, de l'électricité et du gaz ont conduit, depuis 1985, à un déclin progressif de l'emploi dans la plupart des pays, indique un nouveau rapport publié par le Bureau international du Travail (BIT). Ce rapport constituera le document de base d'une réunion tripartite qui se tiendra à Genève du 19 au 23 mai sur «Les défis à relever et les chances à saisir par les services publics».

Article | 22 mai 2003

Les participants examineront les derniers développements intervenus dans ce secteur et discuteront de la nécessité d'un dialogue social entre les gouvernements et les organisations d'employeurs et de travailleurs. Dans leurs conclusions, ils auront à identifier les points requérant un suivi en matière de recherches et d'activités régionales et élaboreront des directives à l'intention des membres de l'Organisation.

Le rapport constate en particulier que la privatisation des compagnies d'Etat de par le monde a inévitablement entraîné un phénomène de redondance. Le recours à la sous-traitance pour les services de technologie informative, l'entretien, la lecture des compteurs, le traitement des factures et l'introduction de nouvelles technologies ont eu pour effet de réduire les niveaux d'emploi dans le secteur.

Les compagnies d'électricité et de gaz étatisées, y compris trois des 15 plus importantes au monde - State Power of China, Korea Electric Power, Electricité de France et Gaz de France - subissent des pressions en faveur de la privatisation et la libéralisation. La State Power of China, qui emploie plus de 1,2 million de salariés et affiche un patrimoine de 145 milliards de dollars, s'est scindée en 11 compagnies privées de taille plus modeste pour encourager la concurrence. La compagnie coréenne, qui a 16 634 employés, est en voie de privatisation. Et les deux compagnies françaises, qui ont d'énormes investissements à l'étranger et emploient 200 000 personnes, sont vouées à la privatisation.

En Europe, le processus de libéralisation engagé en 1996, avec l'adoption par l'Union européenne de la Directive sur l'électricité mettant progressivement en concurrence les acteurs du marché, a également eu un effet sur l'emploi. Entre 1990 et 1998, plus de 250 000 emplois se sont évaporés et, selon certaines estimations, la privatisation, les fusions et les rachats pourraient encore amputer de 25 pour cent la main-d'œuvre dans le secteur d'ici à 2006.

Le processus de dialogue social dans l'Union européenne a contribué à limiter les implications sociales négatives d'un trop plein de main-d'œuvre, mais il reste encore beaucoup à faire dans le monde dans la mesure où, en certaines régions, les mécanismes de dialogue social sont déficients, souligne le rapport. De ce fait, il insiste sur la nécessité d'encourager ce dialogue pour faire face aux conséquences sociales de la mondialisation dans ce secteur.

Selon le Département américain du travail, près de 13 000 des 49 000 employés chargés de la lecture des compteurs perdront leur emploi aux Etats-Unis d'ici à 2010. Il anticipe également, pour la même période, un déclin de l'emploi de 9,2 pour cent dans l'industrie des services électriques, qui, en 2000, comptait 356 700 salariés.

Pour l'auteur du rapport, le premier défi auquel sont confrontés les fournisseurs d'eau, de gaz et d'électricité porte sur le maintien d'un équilibre entre les préoccupations sociales, environnementales et commerciales, ce qui suppose des coûts compétitifs, une exploitation générant des profits et un meilleur service public (par la fourniture d'un produit bon marché, sûr et facilement accessible), que la propriété soit publique ou privée.

La fourniture régulière de tous les services - et le niveau des possibilités d'emploi dans tous les autres secteurs - dépend d'un approvisionnement abondant en eau et électricité. Pourtant, plus de 1,6 milliard de personnes n'ont pas accès à l'électricité, au moins 1,1 milliard d'hommes et de femmes ne disposent pas d'eau potable, et pas moins de 5 millions de personnes meurent chaque année de maladies liées à l'eau. Il est enfin probable que, d'ici à 2025, les deux-tiers de la population mondiale vivront dans des pays appelés à connaître des pénuries d'eau, de caractère modéré ou grave.


1 - Les défis à relever et les chances à saisir par les services publics. Rapport soumis aux fins de discussion à la Réunion tripartite sur les défis à relever et les chances à saisir par les services publics. Document TMCOPU/2003, Bureau international du Travail. Genève, 2003. ISBN 92-2-213616-0. Prix: 17,50 francs suisses.