Afrique: Eradiquer la pauvreté

L'Afrique est aujourd'hui engagée dans un dur combat contre la pauvreté. Au cours du Sommet extraordinaire sur l'emploi et la réduction de la pauvreté tenu à Ouagadougou en septembre 2004, de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement africains ont solennellement adopté une Déclaration faisant de la création d'emplois la condition première d'une réduction de la pauvreté. Et en novembre, le Conseil d'administration du BIT (Bureau international du Travail) a engagé des discussions sur ce thème. Comment ces prises de position sont-elles reçues sur le terrain, en Afrique? BIT-en-ligne donne ici deux exemples.

Article | 17 novembre 2004

OUAGADOUGOU – Non loin de l'agitation de la capitale, Paul Nikiema et sa femme Pauline Ilboudo travaillent la terre dans la province de Saaba. Elever leurs huit enfants signifie travailler dur jour après jour et veiller au bien-être et à la santé de leur grande famille.

Récemment encore, ils étaient confrontés à d'énormes problèmes financiers quand survenait un ennui de santé. Et si, d'aventure, il fallait accompagner les enfants au dispensaire le plus proche, Paul se trouvait dans l'obligation d'interrompre son travail, se privant d'un revenu vital ce jour-là.

Mais les temps ont changé. Aujourd'hui, toute la famille est affiliée à une caisse mutualiste dénommée " Laafi la bumbu" (‘La santé d'abord"). Depuis mars 2004, cette caisse est ouverte aux habitants des 13 localités de la province de Saaba, à 15 km de Ouagadougou.

Aucune protection sociale n'existait jusque-là dans cette région agricole où les revenus des familles leur permettaient à peine de survivre. Il devenait urgent de jeter les bases d'un dispositif permettant à tous les villageois d'accéder à des services de santé et de bénéficier d'un régime, fut-il embryonnaire, de protection sociale.

"Laafi la bumbu"

Le sort enviable fait aux familles agricoles de Saaba est l'expression concrète de nouvelles initiatives prises pour améliorer la vie de tous les habitants sur le continent. Il y a aujourd'hui consensus pour rechercher et dégager les moyens de créer des emplois, d'accélérer le développement et d'améliorer le niveau de vie.

Ces efforts se situent certes dans un contexte qui reste, à tout le moins, difficile. Des millions d'Africains, en particulier femmes et jeunes, sont encore au chômage. Et le dénuement ne fait qu'exacerber la situation: 33 des 55 pays les plus pauvres de la planète se trouvent en Afrique.

Les leaders africains accordent la priorité à l'agriculture, au développement rural, aux infrastructures, aux petites et moyennes entreprises, et au secteur informel qui englobe des branches d'activité à forte capacité d'emplois.

Et pour le continent, le message est clair: la création d'emplois est vitale si l'on veut atteindre les objectifs de développement du Millénaire de l'ONU, tendant à réduire de moitié la pauvreté dans le monde d'ici à 2015.

Raison de plus, sans aucun doute, pour développer les réseaux de santé: c'est là une des voies propres à combattre la pauvreté et à améliorer le développement. Au Burkina Faso, comme dans de nombreux pays africains, «les agriculteurs ne peuvent pas être malades car ils gagnent leur vie en labourant le sol», souligne Gabriel Compaoré, coordinateur, au Burkina Faso, du programme STEP du BIT (Stratégies et Techniques contre l'Exclusion Sociale et la Pauvreté).

Grâce à ce programme, toutes les familles de la région ont accès aux services dispensés par une caisse mutualiste, moyennant un versement initial de 1 000 francs CFA (environ 2 dollars des Etats-Unis) par groupe de dix membres d'une même famille. Outre ce droit d'entrée, tout affilié doit verser une cotisation annuelle de 200 francs CFA.

"En échange de cette cotisation, les bénéficiaires ont droit à quatre consultations médicales par an", précise M. Compaoré. "De fait, la moyenne nationale est de 0,2 contact par an."

Denne Saidou, infirmier dans un dispensaire local, ajoute que cette caisse dispense des soins de qualité, tenant compte des besoins spécifiques de chaque malade..

Partenariat BIT-FAO pour la promotion de l'emploi et la lutte contre la faim

Le 8 septembre, le Directeur général du BIT, Juan Somavia, et son homologue de la FAO, Jacques Diouf, ont rendu visite à cette caisse pour rencontrer les bénéficiaires de projets soutenus par les deux institutions.

Non loin du lieu où se tenait le Sommet extraordinaire de l'Union africaine sur l'emploi et la réduction de la pauvreté, les représentants des deux agences ont également souhaité donner un début d'application à la recommandation de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation, portant sur une meilleure coordination des activités déployées par le système international.

A Saaba, les deux directeurs ont rencontré les représentants de la caisse mutualiste et des membres de l'organisation locale de développement, l'ASMADSE (Association Songui Manegré/Aide au Développement Endogène). Selon le représentant de cet organisme, Dieudonné Kaboré, le but poursuivi est d'élargir le système existant, encore limité à des centres médicaux locaux.

De Saaba, les chefs des deux agences se sont rendus à Ladwenda, où la FAO lance des projets destinés à améliorer la nutrition par la création de nouveaux systèmes d'irrigation, une amélioration des récoltes, de l'élevage et de la sylviculture.

"Les deux projets, qui intéressent la même population, sont complémentaires", souligne M. Somavia. "La productivité de ces travailleurs agricoles va s'améliorer grâce aux nouvelles techniques d'irrigation introduites par la FAO, mais aussi en raison de l'existence de cette caisse, qui leur permet de veiller, comme il se doit, sur leur santé et, ce faisant, de continuer à travailler, à gagner leur vie et à combattre la pauvreté."

Pour clore cette journée, les deux Directeurs généraux ont signé un protocole les engageant à intensifier leur collaboration sur le terrain et à multiplier les activités communes «orientées sur les populations et visant à un développement durable et une mondialisation équitable.»