Traitement du VIH/SIDA sur le lieu de travail: le rôle de l'OIT

L'OIT s'efforce de soutenir l'Organisation mondiale de la santé et l'ONUSIDA pour apporter de l'aide à des millions de personnes affectées par le VIH/SIDA. Dans le cadre du coparrainage de l' initiative «Trois millions d'ici 2005», l'OIT exploitera le potentiel des services de santé au travail pour fournir et contrôler un traitement, et mobilisera ses partenaires sociaux pour favoriser la diffusion du message «Faites un test» pour encourager le test volontaire. Le docteur Benjamin O. Alli, coordonnateur, Coopération technique et services consultatifs, Programme de l'OIT sur le VIH/SIDA et le monde du travail, explique comment l'OIT peut favoriser la réussite de l'initiative «Trois millions d'ici 2005».

Article | 25 juin 2004

Quelle peut être la contribution de l'OIT dans l'initiative «Trois millions d'ici 2005» pour lutter contre le VIH/SIDA?

La plupart des personnes séropositives appartiennent au groupe d'âge des 15-49 ans, c'est-à-dire au segment le plus productif de la population active. C'est pourquoi les services qui veillent sur la santé des travailleurs sur le lieu de travail constituent un moyen très efficace d'atteindre un maximum de personnes et de traiter la séropositivité et les maladies connexes. Le lieu de travail est particulier. L'effet de toute mesure qui y est prise est immédiatement visible.

Il ne suffit donc plus de considérer le VIH/SIDA comme une question de santé. Faut-il également le voir comme un problème du lieu de travail?

Il ne s'agit pas seulement d'une question de santé publique, il s'agit d'une question de développement. C'est aussi une question d'égalité entre les sexes. En fait, c'est une question qui affecte tous les aspects de la vie ainsi que la croissance économique à cause de son impact sur les ressources humaines. Lorsqu'une entreprise procède à l'analyse coût-avantage du traitement de ses travailleurs, elle constate qu'il lui permet en premier lieu de maîtriser ses coûts de recrutement car, lorsqu'elle perd des travailleurs expérimentés, elle doit en recruter de nouveaux et les former. Lorsque des travailleurs expérimentés meurent, la productivité s'en trouve affectée et la production est également touchée. Pour toutes ces raisons, les employeurs ont besoin d'investir dans le traitement de leurs travailleurs. Un travailleur heureux, en bonne santé et satisfait est un travailleur plus productif. Donc une entreprise qui emploie ce type de travailleurs réalise d'autant plus de profits. Si, en traitant les travailleurs infectés l'entreprise peut faire davantage de bénéfices, elle choisira de les traiter.

Les grandes entreprises disposent parfois des ressources leur permettant d'appliquer de tels programmes, mais beaucoup de petites entreprises ont le sentiment qu'elles ne peuvent pas se le permettre. Qu'avez-vous à leur dire?

A l'OIT, nous essayons de faire en sorte que les grandes entreprises s'occupent des petites, parce que ces dernières sont une partie essentielle de la chaîne de l'offre. Sur le plan économique, le raisonnement est logique parce que, si une grande entreprise n'obtient pas les matières premières ou les produits semi-finis dont elle a besoin, sa productivité s'en trouve affectée. Certaines entreprises s'occupent déjà des plus petites. En Afrique du Sud, l'entreprise Ford Motor dispose de son propre programme VIH qu'elle a étendu à des entreprises plus petites qui lui fournissent les matériels dont elle a besoin pour assembler ses produits.

S'agissant de l'application de programmes efficaces contre le VIH/SIDA sur le lieu de travail, quels types d'obstacles pensez-vous que représentent la peur et la stigmatisation?

Malheureusement, c'est là la question clé et il y a encore beaucoup à faire. La stigmatisation et la discrimination empêchent les activités telles que le traitement, les soins et le soutien sur les lieux de travail. Lorsqu'on en vient à bout, on peut faire davantage, prendre soin des travailleurs et les traiter sur leur lieu de travail. Un programme efficace sur le lieu de travail exige un niveau de tolérance zéro à l'égard de la stigmatisation et de la discrimination. Des cas ont été cités où un travailleur se rend à la cafétéria, prend place et, parce que les autres pensent qu'il est séropositif, ils se lèvent en disant: «Nous avons fini de manger!». Par conséquent, la discrimination n'est pas uniquement un problème entre l'employeur et les travailleurs, il existe aussi entre les travailleurs. Cependant, les choses s'améliorent. Je connais un agriculteur au Swaziland. Il a découvert que le mécanicien de son tracteur était séropositif. Il a d'abord pensé à le licencier. Puis il s'est dit: «Il y a vingt-cinq ans que ce type travaille avec moi et il est doté de ce qu'on appelle en médecine des «oreilles cliniques». Ainsi, lorsqu'on démarre le moteur du tracteur, il sait exactement ce qui ne va pas.» Par ailleurs, recruter quelqu'un d'autre coûtera de l'argent. Le nouvel employé aura besoin d'une formation et risque de dépenser davantage en achetant sans nécessité des pièces détachées de tracteur. L'agriculteur a donc décidé de garder son mécanicien et de le faire soigner. Il nous a dit qu'il n'a jamais regretté cette décision parce que son mécanicien est toujours vivant, qu'il est productif et qu'il travaille bien.