93ème Conférence internationale du Travail Arménie: pas de travail décent sans sécurité au travail

En Arménie, depuis l'effondrement de l'Union soviétique, on assiste à une détérioration constante de la situation en matière de sécurité au travail. Il est vrai que beaucoup de pays en transition sont dans le même cas, mais l'Arménie a commencé à faire le nécessaire pour promouvoir la sécurité et la santé au travail. Ce thème était également à l'ordre du jour de la Conférence internationale du Travail, qui a prévu à cet effet l'élaboration d'un nouveau cadre de promotion, ce par le biais d'une convention complétée par une recommandation. L'élaboration de programmes nationaux de sécurité et de santé au travail et l'amélioration constante des systèmes nationaux dans ce domaine seraient au cœur même de cette nouvelle convention.

Article | 22 juin 2005

GENÈVE - "Si cet instrument est adopté, l'Arménie sera partie prenante. Nous pensons qu'il peut être d'une grande utilité, surtout pour des pays comme l'Arménie qui n'ont pas encore un cadre exhaustif de sécurité et de santé.", nous dit Ashot Yesayan, Premier vice-ministre du Travail et des Affaires sociales de l'Arménie et délégué du gouvernement à la Conférence internationale du Travail.

Depuis l'effondrement de l'Union soviétique, on assiste à une détérioration constante de la situation en matière de sécurité et des conditions de travail. Depuis la date de son accession à l'indépendance, l'Arménie n'a promulgué aucun texte de loi sur le travail, et l'inspection du travail a cessé d'exister. D'après les statistiques officielles, il n'y aurait eu en 2004 que 85 accidents du travail, dont 23 accidents mortels. Toutefois, ces chiffres sont bien loin de la réalité car il n'existe pas dans ce pays de système d'enregistrement qui fonctionne.

D'après des estimations prudentes de l'OIT, c'est en dizaines de milliers par an qu'il faudrait compter ces accidents, ce qui est énorme. D'après l'OIT, les accidents et les mauvaises conditions de travail coûtent aux employeurs et au pays jusqu'à 4 pour cent du PIB.

Toutefois, nous dit Jukka Takala, directeur du programme du BIT Safework, "Pour un pays qui n'a signé son premier programme de coopération technique avec l'OIT qu'à la fin de l'année dernière, l'Arménie s'en tire plutôt bien, et elle s'efforce d'aligner sa législation et sa pratique sur les normes internationales. Grâce aux efforts concertés du gouvernement, des partenaires sociaux et de l'OIT, un nouveau Code du travail et une loi sur l'inspection du travail ont été adoptés."

On mentionnera par ailleurs la création d'un système d'inspection du travail entièrement nouveau regroupant plus de 140 inspecteurs qui couvrent toutes les régions du pays. Il est vrai qu'il reste encore beaucoup à faire, surtout dans les entreprises, mais là aussi les choses ont commencé à changer, comme on le pourra le voir à travers l'exemple suivant.

En 2005, l'Arménie a célébré pour la première fois la Journée mondiale pour la sécurité et la santé au travail, un événement d'autant plus important qu'il coïncidait avec la création de la première commission bipartite de sécurité, mise sur pied par les employeurs et les travailleurs d'Almaz, un fabricant de matériel unique de traitement de certaines surfaces dures comme le diamant.

Cette entreprise avait réuni la veille dans sa salle de conférences tous les membres du personnel, ainsi que les représentants du gouvernement, de l'association d'employeurs, des syndicats, de l'OIT et les média. "C'est pour nous un grand honneur d'avoir été choisis pour la célébration de cet événement. Lorsque nos partenaires sociaux ont proposé à Almaz de créer une commission bipartite de sécurité, nous avons tous décidé, responsables administratifs et travailleurs, de soutenir ce projet", a déclaré le directeur exécutif d'Almaz, Sergei Mkrtchyan, dans son discours d'ouverture.

Rien de tout cela n'aurait été possible sans une culture du dialogue social, a-t-il ajouté. Avant de préciser: "Tous nos employés sont membres du syndicat, et le dialogue social entre l'administration et le syndicat fonctionne bien, comme le montre l'existence des accords collectifs annuels. Nous en sommes d'ailleurs à notre cinquième accord."

Le ministre du Travail et des Affaires sociales de l'Arménie, Aghvan Vardanyan, a déclaré quant à lui: "Ces quinze dernières années, les relations professionnelles ont totalement été négligées dans notre pays, mais l'Arménie a enfin réussi à gérer, avec l'aide de l'OIT, le passage du système soviétique de relations professionnelles à un nouveau type de relations fondé sur les principes de l'économie de marché." Le ministre a également fait référence au tout nouveau Code du travail, axé sur le partenariat social, et à la loi sur l'inspection du travail.

D'après lui, on ne peut pas dire que l'employeur ne cherche qu'à exploiter les travailleurs. Est un bon employeur, selon lui, celui qui se préoccupe de la santé et de la sécurité de son personnel, deux conditions essentielles à l'efficacité de son entreprise.

Insistant sur la valeur du dialogue social, Wiking Husberg, spécialiste principal des questions de santé et de sécurité au travail auprès du bureau de l'OIT à Moscou, affirme qu' "une entreprise ne peut être efficiente et viable que si elle pratique le dialogue social. Les avantages d'un tel système finiront par apparaître à chacun des trois partenaires. Le gouvernement verra que les travailleurs travaillent en toute sécurité, l'entreprise qu'elle a intérêt à offrir un travail sans danger, et les syndicats qu'ils peuvent défendre la sécurité des travailleurs".

Outre les mesures additionnelles de renforcement du partenariat social, l'Arménie a prévu de former les inspecteurs du travail et d'informer les Arméniens de l'adoption du nouveau Code du travail et de leurs droits, ce grâce aux systèmes d'information sur la sécurité et la santé au travail, et au centre de formation qui seront mis en place.

"Les accidents du travail et les maladies professionnelles tuent en moyenne 6 000 personnes par jour. Pour l'OIT, l'idée que les accidents et la maladie font partie du travail est tout simplement inacceptable. L'exemple de l'Arménie montre à l'évidence qu'il n'est pas impossible d'offrir aux travailleurs un lieu de travail plus sain et plus sûr. Il est de notre devoir de progresser continuellement dans ce domaine", déclare Jukka Takala.

Si elle était adoptée, la nouvelle convention de l'OIT, telle qu'envisagée à la Conférence internationale du Travail (CIT) 2005, servirait à compléter les instruments de l'OIT existants, dont plus de 70 conventions et recommandations relatives à la sécurité et la santé, 30 codes de directives pratiques sur la sécurité et la santé au travail, et les principes directeurs de l'OIT concernant les systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail, autant d'instruments dont elle encouragerait la mise en œuvre.