Bulgarie: aider les entreprises à s'intégrer à l'économie structurée

GENÈVE (BIT en ligne) - En 2003, une nouvelle réglementation qui oblige tous les employeurs à enregistrer tous les contrats de travail a été adoptée en Bulgarie, et, comme beaucoup d'employeurs et d'entreprises ne connaissent pas la nouvelle réglementation, il est aujourd'hui indispensable de les informer des mesures à prendre pour s'aligner sur le nouveau système. Le Bureau des activités pour les employeurs du BIT (ACT/EMP) appuie les efforts que fait l'Union patronale des industriels bulgares (BIA), la principale organisation d'employeurs de Bulgarie, pour aider les entreprises à passer du secteur informel à l'économie structurée. BIT en ligne a eu un entretien avec Henrik Moller et Jean-Marie Standaert, de ACT/EMP, qui aident la BIA à faire de ce projet une réalité.

Article | 4 octobre 2005

1. De quoi s'agit-il exactement?

En Bulgarie, la loi sur la sécurité sociale adoptée en 2001 dispose que les centres de paiement des cotisations doivent aider les petites et moyennes entreprises (PME) et les travailleurs indépendants à s'acquitter de leurs obligations de paiement des cotisations de sécurité sociale. Ce projet encourage et aide les membres de la BIA à créer des services de gestion des salaires de ce genre pour les entreprises qui sont membres au niveau local. Cela permettra aux entreprises du secteur informel de s'intégrer au secteur structuré et à l'économie moderne.

Un centre de paiement des cotisations peut aider les employeurs, quelle que soit la taille de leur entreprise, à fonctionner en conformité avec la législation sociale et fiscale, les conventions collectives, les différentes assurances sectorielles et sociales, et les règles en matière de dégrèvement fiscal. C'est un service que chaque employeur doit payer après s'être inscrit.

2. Ce nouveau projet fait partie d'un vaste programme de réformes fiscales et sociales du pays …

Comme il faut absolument améliorer le recouvrement des cotisations sociales et fiscales en Bulgarie, le gouvernement a décidé de créer un bureau central pour le recouvrement des cotisations fiscales et sociales des employeurs et des entreprises, conformément à une recommandation de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Mais, de toute évidence, il faudra trouver des moyens simples et pratiques qui permettent à toutes les entreprises privées, petites et grandes, de se conformer à la réglementation en matière de paiement des cotisations sociales.

La création de services de gestion des salaires chez les membres de la BIA est un mécanisme relativement simple qui permet à chaque entreprise de verser ses cotisations sociales et fiscales. Ce système fonctionne bien dans un certain nombre d'autres pays européens, comme la Belgique, les Pays-Bas, la France et l'Italie, où des services de ce genre existent depuis plusieurs décennies.

3. Comment ce projet est-il relié à la situation sociale et économique de la Bulgarie?

La Bulgarie a beaucoup à gagner d'un passage des entreprises du secteur informel au secteur structuré, car ces entreprises payeraient alors leurs cotisations fiscales et sociales.

Il faudrait également replacer tout cela dans le cadre de la forte augmentation des taux de chômage, qui ont dépassé les 10 pour cent ces dix dernières années. Ce chiffre a légèrement diminué récemment, mais les statistiques nationales ne prennent pas en considération les nombreuses personnes qui souhaiteraient travailler sans pour autant rechercher activement du travail.

Officiellement, les salaires bulgares sont relativement faibles comparés aux normes d'Europe centrale et orientale. Aussi bien en dollars des Etats-Unis qu'en termes réels les niveaux des salaires et des revenus fluctuent considérablement depuis 1989. En 2003, le revenu mensuel moyen était d'environ 160 dollars des Etats-Unis pour les personnes ayant un emploi. Toutefois, ce chiffre ne donne pas directement les revenus des ménages, car il ne tient pas compte de l'économie informelle, qui représente, d'après les estimations, 25 à 30 pour cent du PIB dans la région. De plus, la production familiale est très importante.

4. Pour quelles raisons avez-vous associé la BIA à l'exécution du projet?

La BIA est la plus grosse organisation d'employeurs de Bulgarie, et son secrétariat comprend 75 salariés. Il a également un département de services de technologies de l'information qui fonctionne très bien. Il s'agit de BIA-net (www.bia-bg.com). La BIA regroupe 81 organisations régionales, associations municipales et chambres, et des organismes locaux qui correspondent aux divisions administratives du pays. Elle compte également 73 membres qui représentent tous les secteurs de l'économie bulgare. La BIA dit représenter environ 15 000 à 18 000 entreprises. Il va de soi qu'il n'y a pas mieux que la BIA, avec sa structure et son organisation, pour mettre en place des services de gestion des salaires.

Par ailleurs, en tant que représentante principale des intérêts du secteur privé, la BIA souhaite vivement voir l'économie passer du secteur informel au secteur structuré, les entreprises de ces deux secteurs faisant partie d'un même environnement général.

5. Qu'attendez-vous d'une participation de la BIA?

Nous attendons en gros trois effets principaux: la BIA renforcerait sa position vis-à-vis du gouvernement en manifestant une volonté très claire de faire passer les entreprises du secteur informel dans le secteur structuré. Cette organisation montre également que les entreprises qui opèrent actuellement dans le secteur informel peuvent utiliser les services fournis par ses membres et passer ainsi au secteur structuré, ce qui suppose le paiement des cotisations fiscales et sociales, entre autres. La BIA aidera aussi ses membres à créer d'autres services nouveaux.

Par exemple, la BIA a aussi lancé récemment un projet qui vise à créer des services de sécurité et de santé au travail chez ses membres. Elle a organisé à Sofia un atelier auquel ont participé certains de ces membres. Ceux-ci ont déclaré vouloir tester la viabilité de la création de services de sécurité et de santé au travail chez eux.

La BIA devra par ailleurs intervenir auprès du nouveau gouvernement pour faire modifier la réglementation sur les centres de paiement des cotisations: actuellement, seuls les employeurs qui emploient dix salariés au maximum peuvent faire partie de ces centres. Comme rien ne justifie cette limite, la BIA cherche à obtenir un amendement qui permette à tous les employeurs de bénéficier de ce nouveau service sans aucune discrimination. L'OIT soutient la BIA dans les efforts qu'elle déploie à cet effet.

6. L'OIT envisage-t-elle de lancer des programmes du même genre dans d'autres pays en transition?

Oui, les programmes de ce genre sont très demandés par les organisations d'employeurs d'autres pays en transition. Ces trois dernières années, plusieurs organisations d'employeurs d'Europe centrale, et notamment de Roumanie, de Croatie, de Slovaquie et de la municipalité de Zepce (Bosnie-Herzégovine), ont manifesté un intérêt pour la création de services de gestion des salaires destinés expressément aux PME. Les organisations d'employeurs de Slovaquie et de Zepce sont en train de travailler sur des études de faisabilité concernant la création de services de ce genre. Les expériences en cours en Bulgarie pourraient stimuler le développement de ces services dans d'autres pays en transition.

7. Quelles sont les réalisations obtenues jusqu'ici?

En Bulgarie, nous espérons que des services de gestion des salaires opérationnels seront en place chez certains membres de la BIA d'ici la fin de 2005. Nous aidons actuellement la BIA à créer des logiciels informatiques qui puissent aider ses membres à administrer et gérer leur service de gestion des salaires. Parallèlement, nous avons lancé une campagne de marketing, avec une composante générale et une composante plus spécifique orientée vers les entreprises du secteur informel. D'ici la fin de l'année, la BIA communiquera ses conclusions et expériences à certaines organisations d'employeurs d'Europe centrale et orientale et aux membres du Forum des employeurs de l'Europe du Sud-Est (SEEEF), qui a été créé en 1999 avec le soutien de ACT/EMP. Il le fera dans le cadre d'une conférence qui doit se tenir à Plovdiv, en Bulgarie, en novembre 2005.