Faire progresser le travail décent au Vietnam: renforcer le dialogue tout au long de la chaîne de valeur mondiale de l'électronique

La rapide croissance du secteur de la fabrication de produits électroniques au Vietnam a transformé le marché du travail et créé un nombre important d’emplois. Cependant, à mesure que de nouvelles opportunités d'emploi apparaissent, les conditions de travail de la main-d'œuvre de montage, principalement composée de travailleurs peu qualifiés et essentiellement féminine, font l'objet d'une attention toute particulière. Depuis 2015, l'OIT a mis en place une approche de partenariat unique dans ce secteur dominé par les entreprises multinationales afin d'impliquer toutes les parties prenantes dans la promotion du travail décent.

Une approche unique

Quatre-vingt-dix-neuf des cent plus grandes entreprises d’électronique opérant au Vietnam sont des filiales de multinationales étrangères. Ces entreprises multinationales ont énormément contribué au développement économique du Vietnam et ont créé de nombreux emplois. Les entreprises vietnamiennes locales, toutefois, ont du mal à intégrer les chaînes de valeur mondiales en raison du manque de capacités techniques et produisent généralement des intrants non essentiels comme les matériaux d'emballage. Les produits de la plupart des entreprises locales nécessitent une technologie de fabrication moins sophistiquée, tels que des équipements d'éclairage et des appareils électroménagers électroniques destinés au marché intérieur.

La Chambre de commerce et d’industrie du Vietnam (VCCI), la Confédération générale du travail du Vietnam (VGCL), le ministère du Travail, des Invalides et des Affaires sociales (MoLISA) et un certain nombre d’entreprises ont rejoint le projet de l’OIT («Des emplois plus nombreux et de meilleure qualité à travers des pratiques de travail socialement responsables au Viet Nam», connu comme le projet MNED) financé par le gouvernement japonais pour promouvoir des pratiques commerciales socialement responsables au Viet Nam. Le projet travaille avec les entreprises multinationales, leurs fournisseurs directs et les partenaires sociaux pour promouvoir l'application des principes de la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l'OIT (Déclaration sur les entreprises multinationales).

Depuis sa création en 2015, le projet a adopté une double approche, engageant d’une part un dialogue avec les entreprises sur leurs responsabilités, tout en renforçant d’autre part l'administration publique du travail, en particulier l'inspection du travail. Il fonctionne également d’un bout à l’autre de la chaîne logistique, en connectant les acteurs à différents niveaux pour promouvoir un dialogue continu - aux niveaux de l’entreprise et des secteurs et au niveau national, ainsi qu’entre les pays d’origine et les pays d’accueil des EMN - afin de susciter une action commune impliquant toutes les parties prenantes pour faire progresser le travail décent.

Du développement d'une base de connaissances à la mise en œuvre d’actions communes

Reconnaissant la nécessité d'une base de connaissances solide, associée à des activités de sensibilisation, le BIT a mené des études sur la manière dont les entreprises peuvent créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, tout en améliorant les compétences des travailleurs et le respect de la législation du travail dans le secteur de l'électronique. Les entreprises multinationales et leurs fournisseurs, ainsi que des représentants du gouvernement, des organisations d'employeurs et de travailleurs et d'autres acteurs clés du secteur ont été interrogés dans le cadre de ces études. Des séminaires de sensibilisation à la Déclaration sur les entreprises multinationales se sont également tenus dans le nord et le sud du Vietnam, en tant que partie intégrante d'un processus de recherche orienté vers l'action visant à générer de nouvelles informations par le biais d'un engagement avec les parties prenantes, tout en proposant un ensemble de recommandations sur la voie à suivre.

La première étude a cartographié la situation du secteur et a cherché à déterminer comment les entreprises pouvaient créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité grâce à des pratiques de travail socialement responsables dans le secteur de l’électronique au Viet Nam, en tenant compte de l’évolution du système de production transnational à mesure que le pays s’intégrait davantage dans l’économie mondiale. La deuxième étude a analysé les conditions de travail dans l’industrie électronique vietnamienne.

En septembre 2016, un dialogue politique de haut niveau sur l'avenir d'une industrie électronique compétitive et socialement responsable au Vietnam a réuni plus de 80 représentants du gouvernement, d'organisations d'employeurs et de travailleurs, d'associations professionnelles sectorielles et bilatérales, d'entreprises électroniques vietnamiennes et d’EMN opérant dans le secteur. Les deux études du BIT ont servi de base à la discussion sur les défis et les opportunités du secteur, permettant ainsi un dialogue fondé sur des données factuelles concernant les moyens de maximiser l'impact des investissements directs étrangers (IDE) et des activités des multinationales sur le travail décent. Le dialogue a également été l’occasion d’élaborer conjointement un plan d’action visant à créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité grâce à des pratiques de travail socialement responsables dans le secteur. Les questions clés incluaient: la marginalisation des entreprises vietnamiennes (en particulier des PME) dans la chaîne de valeur mondiale de l'électronique; la pénurie de compétences pertinentes sur le marché du travail local; le manque d'institutions de formation professionnelle adéquate et de qualité; les conditions de travail, en particulier dans les PME; et les potentielles incohérence entre les lois et les politiques qui affectent les performances des EMN, des entreprises vietnamiennes locales et des travailleurs.

En dépit de ces difficultés, les mandants de l’OIT ont reconnu que les multinationales font déjà partie intégrante de l’économie et de la société vietnamiennes et sont particulièrement bien placées pour contribuer davantage au développement durable à long terme et à la croissance inclusive par le biais de partenariats visant à promouvoir des pratiques de travail socialement responsables. Reconfirmant l’importance du dialogue social à tous les niveaux - au sein des entreprises, entre acheteurs et fournisseurs, et le principe «tripartite plus» associant les pouvoirs publics, les organisations d’employeurs et de travailleurs et les EMN, et utilisant la Déclaration de l’OIT sur les EMN comme cadre général, les mandants de l’OIT ont décidé de créer un groupe de travail tripartite plus sur les pratiques de travail socialement responsables dans le secteur de l'électronique. Ce groupe de travail vise à promouvoir la cohérence des politiques et l'action commune en renforçant le dialogue et les cadres nationaux pour la création d'emplois plus nombreux et de meilleure qualité grâce aux opérations en faveur des IDE et des EMN, tout en encourageant un alignement plus étroit de l'action des entreprises sur les priorités de développement du Vietnam en matière de travail décent. L'OIT joue un rôle essentiel en facilitant le dialogue entre le pays hôte et les pays d'origine des EMN lors de la mise en œuvre du plan d'action.

Les inspecteurs du travail travaillent à une meilleure conformité

Sur la base de l'étude de l'OIT sur le respect du droit du travail dans les entreprises du secteur de l'électronique, l'inspectorat MoLISA a élaboré une stratégie pour améliorer les conditions de travail dans le secteur en consultation avec la VGCL et la VCCI. En avril 2017, le MoLISA a lancé une campagne nationale d’inspection du travail visant à faire respecter le droit du travail et à sensibiliser le public au moyen de dialogues régionaux entre employeurs et travailleurs sur les principaux problèmes de conformité identifiés dans le secteur, tels que les contrats de travail, le dialogue sur le lieu de travail, les négociations et conventions collectives, le temps de travail et les heures supplémentaires, les salaires, la sécurité sociale et la sécurité et santé au travail. Pour la première fois, de vastes consultations avec l’organisation de travailleurs (VGCL) et les organisations d’employeurs (VCCI et associations professionnelles) ont été tenues afin de solliciter leurs contributions à la rédaction de rapports de cartographie des risques et d’une stratégie nationale de respect du droit du travail dans le secteur de l’électronique. En décembre 2017, avec le ferme soutien de l'inspection des départements provinciaux du Travail, des Invalides et des Affaires sociales (DOLISA) et des conseils de gestion des Fédérations du travail et des zones industrielles, près de 400 usines ont été directement inspectées et les formulaires d’évaluation nouvellement développés du secteur électronique pour signaler les problèmes et les niveaux de conformité ont été largement distribués au cours de la campagne.

Renforcement des compétences pour l'avenir du travail

Le projet a également soutenu une autre étude sur le «déficit de compétences» et l'avenir du travail dans le secteur de l'électronique, qui a ensuite été discutée lors d'un dialogue politique national sur l'avenir du travail en décembre 2016. Ce dialogue politique s'est concentré sur l'identification des compétences pertinentes sur le marché du travail local, un problème identifié comme l’un des défis majeurs du secteur de l’électronique lors du dialogue politique de haut niveau tenu en septembre. L’événement a attiré quelque 150 participants, dont des représentants d’organisations d’employeurs et de travailleurs, d’institutions universitaires, de groupes de réflexion, d’instituts de formation, d’entreprises, de donateurs, des médias, ainsi que des fonctionnaires de l’OIT et d’autres parties prenantes. L'OIT a contribué à renforcer la collaboration entre les décideurs, les employeurs et les établissements de formation afin de moderniser le système de développement des compétences afin de l'adapter aux changements sur le lieu de travail et aux innovations technologiques.

Les employeurs en tête

Le 20 octobre 2017, la Chambre de commerce et d'industrie du Vietnam (VCCI) et l'Association vietnamienne de l'industrie électronique (VEIA) ont lancé la Coalition du secteur de l'électronique au Vietnam afin de promouvoir des pratiques de travail socialement responsables avec le soutien du projet. La coalition offre aux entreprises multinationales, aux entreprises locales et aux associations professionnelles une plate-forme leur permettant d’échanger de bonnes pratiques sur le lieu de travail, conformément aux principes de la Déclaration sur les entreprises multinationales. Elle vise également à rassembler et à représenter les voix du secteur dans le cadre d'un dialogue politique plus large avec d'autres parties prenantes, et à prendre d'autres mesures communes pour relever les défis auxquels le secteur est confronté.

En présentant et en mettant en valeur de nouvelles initiatives visant à améliorer la productivité, la compétitivité et la rentabilité de l'industrie électronique, la Coalition encourage les entreprises multinationales à contribuer de manière positive au développement économique et social grâce à des pratiques de travail socialement responsables. L'engagement des entreprises multinationales avec leurs fournisseurs dans le cadre de dialogues réguliers les aide à accroître leur compétitivité tout au long de la chaîne d'approvisionnement et constitue un argument commercial clair permettant d'aligner les pratiques de travail socialement responsables sur les performances de l'entreprise. Deux ateliers de consultation ont été organisés pour venir en aide à 50 entreprises du secteur électronique à Ho Chi Minh-Ville (au sud du Vietnam) et à Hai Phong (au nord du Vietnam) afin de renforcer les réseaux et les capacités de ces multinationales et de leurs fournisseurs en vue de promouvoir des pratiques de travail socialement responsable.

Cette Coalition dirigée par l’organisation d’employeurs pourrait encourager la création d’une plate-forme de dialogue national sur la RSE, allant au-delà des activités du secteur électronique.

Une approche intégrée pour une coopération au développement efficace

Grâce à une collaboration plus étroite entre les différents projets de coopération pour le développement mis en œuvre au Vietnam, l’OIT a exploré une nouvelle approche intégrée visant à aider les partenaires tripartites et les principales parties prenantes à améliorer leur productivité, leurs conditions de travail et leurs relations professionnelles. Des synergies continueront d'être explorées entre le nouveau cadre de relations industrielles (NIRF), et les projets liés à la SST, au programme Better Work et à la MNED.

La voie à suivre

Dans le cadre de ce projet, le BIT collabore également avec le siège de multinationales japonaises, car la manière dont les emplois sont générés au Vietnam est déterminée par les politiques et les pratiques du siège. Des tables rondes ont été organisées en collaboration avec l'Association japonaise des industries de l'électronique et des technologies de l'information (JEITA) pour discuter des défis en matière d'emploi et de main-d'œuvre auxquels sont confrontées les entreprises japonaises dans leurs activités à l'étranger et du rôle de leur siège dans la promotion du travail décent dans toutes leurs activités mondiales.

Un forum de dialogue politique entre pays d'origine et pays d'accueil proposé pour mai 2018 discutera des possibilités de collaboration entre le Vietnam et le Japon pour optimiser l'impact des IDE / EMN japonais sur l'emploi.