« 100 Ans – 100 Vies » | ZAMBIE - “Ne pas envoyer son enfant travailler, c’est bon pour toute la famille et pas seulement pour lui”

Febby Kahale est une jeune fille de 17 ans qui n’a pu finir ses études parce qu’elle travaillait dans des champs de tabac. Malgré tout, grâce à un projet de l’OIT, elle commence petit à petit à sortir de la pauvreté en compagnie d’autres jeunes victimes du travail des enfants

Feature | Zambia | 16 July 2019
KAOMA - Le long chemin que parcourt Musole Fufu avec son oncle et son frère âgé de 6 ans n’est pas celui qui mène à l’école. En effet, il traverse le champ qui les conduit aux feux de charbon souterrains allumés par son oncle il y a quelques jours.

Pieds nus dans l’humidité et la poussière, elle et son frère creusent et ramassent des morceaux de charbon de bois qui rempliront des sacs de 25 kilos à la fin de la journée. Leur oncle Mike pourra alors les revendre au bord de la route pour quelques dollars chacun.

Située à l’Ouest de la Zambie, la région de Kaoma est connue pour ses plantations de tabac. En attendant la saison des récoltes, les enfants occupent leur temps libre à la production de charbon de bois ou encore en ramassant des chenilles dans les arbres, qui seront cuites et séchées dans le sable.

“Je n’aime pas faire ça”

D’autres enfants travaillent sur les plantations pendant des heures en portant de lourds bidons d’eau afin d’entretenir les jeunes plants de tabac.

Certains enfants comme Mubila Ngilish viennent au point d’eau deux fois par jour.

« Je m’occupe de l’arrosage des plants de tabac pour aider ma famille et avoir de quoi manger. Je n’aime pas faire ça. Quand vient la saison des récoltes, je manque souvent l’école pour les aider. Je me suis même déjà blessé à la jambe en déchargeant un sac de tabac d’un chariot ».

L’OIT a mis en place un projet appelé ARISE visant à réduire le travail des enfants dans les régions de Zambie dans lesquelles on cultive le tabac. Des commissions ont ainsi été créées, que l’on appelle « comités locaux contre le travail des enfants » afin d’aboutir à une approche intégrée pour combattre ce fléau au sein des populations les plus vulnérables de la région.

« Nous travaillons aussi bien au niveau de la sensibilisation que du renforcement des capacités puis à travers des interventions directes afin d’identifier les enfants en danger ainsi que ceux déjà impliqués dans les différentes formes de travail des enfants », explique Mukatimui Chabala, qui dirige le programme national ARISE Zambie.

« Nous collaborons avec ces structures sur le terrain car elles sont les seules qui pourront poursuivre la surveillance et continuer d’apporter un soutien à ces enfants et à ces familles de leur région », ajoute-t-elle.

« Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale travaille très étroitement avec les membres des comités locaux, ce qui fait que dès qu’ils procèdent à des tournées de routine sur les plantations et les divers lieux de travail et qu’ils trouvent des cas de travail des enfants ou encore des enfants impliqués dans des formes dangereuses de travail, des inspections officielles sont immédiatement déclenchées. Et lorsque l’on retire des enfants du travail, nous nous rendons sur place pour vérifier que c’est bien le cas et que des enfants ne sont plus là à travailler », souligne Edgar Mainza, président du comité local de lutte contre le travail des enfants à Kaoma.

Formation et éducation

Le programme aide également à former localement les jeunes engagés auparavant dans le travail des enfants dans des secteurs comme la maçonnerie, la menuiserie, l’élevage, l’agriculture ou encore la couture.

Des centaines d’enfants ont déjà reçu des formations et des milliers d’autres ont été sensibilisés aux risques et aux dangers que le travail dans les plantations de tabac fait courir à leur santé et à leur croissance.

Des groupes d’entraide ont également été créés et près de 200 familles ont reçu des micro-crédits afin de les aider à lancer des activités leur permettant de générer de petits revenus.

Febby Kahale est une jeune fille de 17 ans. Elle a travaillé pendant plusieurs années dans les champs de tabac et n’a malheureusement pas pu terminer ses études. Cependant, grâce au programme ARISE, elle suit actuellement une formation afin de se lancer dans l’élevage de poulet ou la pisciculture.

Ces nouvelles compétences ont donné un nouveau sens à sa vie. « Plus tard, je veux posséder une grande ferme et je vais aider mes parents », nous dit-elle.

Théâtre et musique

A travers le programme ARISE, l’OIT organise également des représentations théâtrales et musicales dans les écoles qui réunissent parents et enfants. Elles ont pour but de souligner les dangers que le travail des enfants entraîne pour la santé des enfants et de sensibiliser à l’importance d’aller à l’école pour leur avenir.

« Au début, nous avions des problèmes avec les parents mais, désormais, ils ont compris. (…). Nous leur disons que ne pas envoyer son enfant travailler, c’est bon pour toute la famille et pas seulement pour l’enfant », conclut Brenda Namakau Mwendende, enseignante à l’école Munkuye A.

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