« 100 Ans – 100 Vies » | COTE D’IVOIRE - “La micro-assurance a un réel impact sur les personnes les plus vulnérables”

La micro-assurance permet à un nombre croissant d’Ivoiriens disposant de bas revenus d’être couverts en cas de graves problèmes comme le décès d’un proche. Ainsi, par exemple, un partenariat de l’OIT avec un grand acheteur de cacao et une compagnie d’assurances a récemment sauvé la mise à une famille de cultivateurs de cacao.

Reportage | COTE D'IVOIRE | 16 juillet 2019
DIVO – Quand son père est tombé malade, un cultivateur de cacao ivoirien de la région de Divo, Kan Joel N'Guessan, a pensé qu’il allait perdre tout ce pour quoi sa famille et lui avaient travaillé. Les frais médicaux s’accumulaient.

Il a emprunté de l’argent à un voisin. Mais quand son père est décédé quelques mois plus tard, il s’est retrouvé accablé par d’autres dettes, à devoir payer les funérailles.

Incapable de rembourser le prêt, il était sur le point d’abandonner une partie de sa plantation de cacao quand il a reçu de bonnes nouvelles : son père avait souscrit une assurance-vie – par l’intermédiaire de la coopérative des cultivateurs de cacao – qui couvrirait ses dettes et lui laisserait même un peu d’argent pour les dépenses du foyer.

M. N'Guessan ne savait pas que son père était assuré. Mais les employés de la coopérative lui ont donné les informations dont il avait besoin et l’ont aidé à faire une demande pour obtenir l’argent rapidement.

Vulnérabilité

Les planteurs de cacao comme M. N'Guessan sont exposés à de nombreux risques. Quatre-vingt-dix pour cent des 900 000 cultivateurs de cacao de Côte d’Ivoire – le plus gros producteur de cacao au monde – sont de petits exploitants qui possèdent moins de cinq hectares de terre et ont un accès limité aux services financiers formels.

Leur revenu est fortement tributaire du succès de la récolte qui est facilement menacée par les changements climatiques ainsi que par la fluctuation des prix. En 2017, par exemple, les prix mondiaux du cacao ont brutalement chuté suite à des récoltes exceptionnelles.

S’efforçant de gérer ces risques qui menacent à la fois leur ferme et leur foyer, les planteurs se tournent souvent vers des prêts informels, parfois assortis de taux d’intérêt allant jusqu’à 100 pour cent pour un prêt de quelques mois seulement.

C’est pourquoi le Programme « Impact Insurance » de l’OIT (Assurance à large impact) s’est associé avec l’un des grands fabricants de chocolat et de produits à base de cacao, et avec une compagnie d’assurances panafricaine, pour proposer aux petits planteurs de cacao une offre abordable de produits d’assurance-vie et de prêts d’aide à la production.

Les prêts leur donnent accès aux matériels dont ils ont besoin, ainsi qu’à des formations, à un compte épargne, à un porte-monnaie électronique et à un encadrement par les pairs.

C’est grâce à ce type d’offre de services financiers que le père de M. N'Guessan avait obtenu son assurance.

« L’histoire de M. N'Guessan illustre parfaitement la manière dont l’assurance peut avoir un impact réel, en particulier pour les plus vulnérables », souligne Craig Churchill, qui dirige l’équipe d’Impact Insurance à l’OIT.

L’OIT s’adresse maintenant à de nouveaux partenaires pour dupliquer cette initiative à plus grande échelle.

Echapper à l’endettement
Lorsqu’elle a perdu son papa, Elise Djé, une mère de famille d’Abidjan exerçant la profession de commerçante, a vu son deuil facilité sur le plan financier par l’assurance qu’elle avait souscrite quelques mois plus tôt.

Pour bénéficier de cette police, elle a versé 1700 francs CFA par mois, une cotisation à la hauteur des revenus de cette mère de 6 enfants.

Ainsi elle a pu éviter de se retrouver dans la situation qu’elle avait connue lors du décès de sa mère, où elle avait eu beaucoup de mal à réunir la somme nécessaire pour financer les obsèques.

« A l’époque, j’avais été contrainte d’aller voir mon patron pour qu’il m’aide mais il n’a pas pu me donner le somme nécessaire », a-t-elle confié à la télévision publique ivoirienne RTI dans un reportage consacré à la micro-assurance.

Mais cette fois, grâce à son assurance, elle a reçu 150 000 francs CFA quelques jours seulement après le décès de son père, une somme qui l’a aidée à ne pas être totalement dépendante de son entourage pour l’organisation des funérailles.

S’adapter à une nouvelle clientèle

Reste encore à populariser l’existence de ces micro-assurances et de bien expliquer leur fonctionnement à des personnes qui ne maîtrisent pas forcément le français. C’est pourquoi l’OIT développe des formations destinées aux assureurs afin qu’ils comprennent bien les enjeux spécifiques pour les populations vulnérables.

Expert en finance solidaire et formateur en micro-assurances pour l’OIT, Edgar Aguilar Paucar estime qu’il existe un fort potentiel de développement de la micro-assurance.

« Il y a potentiellement un marché de 80 pour cent de la population en Côte d’Ivoire et en Afrique. Il y a donc un marché tout à fait vierge que l’on pourrait viser, mais c’est un métier différent de l’assurance classique », conclut-il.

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