« 100 Ans – 100 Vies » | AFRIQUE DU SUD - “La convention sur les travailleurs domestiques peut devenir un outil essentiel en matière de justice”

Une dirigeante syndicale sud-africaine explique comment la convention de l’OIT sur le travail domestique a fait franchir un grand pas en avant à la lutte pour l’amélioration des conditions de travail des travailleuses et des travailleurs domestiques qui sont particulièrement vulnérables.

Feature | South Africa | 02 September 2019
GENEVE – “Mon histoire a commencé dans une petite pièce du jardin de la maison de la personne qui m’employait en Afrique du Sud, là où j’ai travaillé pendant douze ans. On m’a enlevé mon enfant à l’âge d’un mois parce qu’une domestique ne pouvait pas avoir une famille”, raconte Myrtle Witbooi.

Elle se souvient de ce qu’était sa vie à l’époque : « On travaillait sept jours par semaine et l’on vivait dans cette petite pièce à l’arrière de la maison. Nous étions des esclaves dans notre propre pays et personne ne parlait en notre nom. Nous recevions un salaire de misère et même parfois pas de salaire du tout ».

Près de cinquante ans plus tard, l’ancienne travailleuse domestique est désormais secrétaire-générale du syndicat sud-africain des travailleurs domestiques et présidente de la Fédération internationale des travailleurs et travailleuses domestiques. C’est grâce aux efforts déployés par cette dernière organisation et ses partenaires ainsi que par d’autres associations de travailleurs domestiques à travers le monde que leur combat est parvenu au-devant de la scène.

Selon l’OIT, il existe 67 millions de travailleurs domestiques à travers le monde. La plupart sont des femmes. Sans description de poste bien définie, avec des échelles de salaires inexistantes et sans statut légal, les travailleurs domestiques constituent le groupe le plus vulnérable au sein du monde du travail.

La vie de Myrtle Witbooi changea totalement le jour où elle décida de parler. “En une minute, ma vie a été bouleversée parce que j‘avais osé demander pourquoi nous étions différents ? Pourquoi nous devions souffrir ainsi ?”

Avec l’aide d’un journaliste de sa région, la jeune femme organisa des réunions avec d’autres travailleuses et travailleurs domestiques. « On était alors en 1965. Et le combat continue de nos jours », ajoute-t-elle.

« Ce n’était pas facile. On a essayé de me faire taire mais, aujourd’hui, nous sommes libres ».

Une convention historique

En effet, les choses ont beaucoup changé pour Myrtle Witbooi et pour les travailleurs domestiques en général.

En juin 2011, la Convention de l’OIT sur le travail domestique (No.189) est devenue la première norme internationale du travail garantissant aux travailleurs domestiques des droits de base identiques à ceux des autres travailleurs, y compris en matière de temps de travail, de jours de congés hebdomadaires, de salaire minimum, de paiement des heures supplémentaires, de sécurité sociale et de contrats de travail.

Depuis l’adoption de cette convention et de la recommandation qui l’accompagne, elle avait été ratifiée par 28 pays en mai 2019, y compris l’Afrique du Sud. L’OIT a également observé des changements en matière de textes de loi et de politiques à propos du travail domestique dans de nombreux pays et ce mouvement semble s’accentuer.

En effet, le travail décent pour les travailleurs domestiques commence d’abord sur le lieu de travail avec des employeurs et des employés qui se connaissent et respectent leurs responsabilités et leurs droits respectifs.

Les employeurs ont également montré qu’ils étaient prêts à engager le dialogue avec les différents acteurs du secteur pour améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs domestiques. Au niveau national, il existe des exemples d’organisations patronales ayant entamé ce processus.

De son côté, l’OIT collabore à la fois avec les organisations de travailleurs et d’employeurs afin de développer les capacités nécessaires pour répondre aux besoins des travailleurs domestiques.

« L’OIT a un rôle important à jouer, notamment pour atteindre les pays dans lesquels il existe encore de l’exploitation dans ce secteur et pour aider la fédération à former les travailleurs, afin que la convention No 89 devienne un outil essentiel en matière de justice », explique Myrtle Witbooi.

« Notre tâche ne fait que commencer », conclut-elle.
 

Select a country or a theme