BIT en ligne: Combien d’enfants sont aujourd’hui victimes de la traite et quelles répercussions attendez-vous de la crise économique mondiale?

Hans van de Glind: En l’absence de nouvelles données fiables sur la traite des enfants, notre estimation la plus récente date du Rapport global de 2005 et se situait entre 980 000 et 1 250 000 enfants – filles et garçons – victimes de travail forcé consécutif à la traite. La crise économique affecte les pays de différentes manières, mais en général la hausse du chômage, de la pauvreté et de la vulnérabilité peut conduire des enfants à abandonner l’école pour travailler précocement. Cela peut mettre les enfants en danger d’être victimes de la traite sous diverses formes comme l’exploitation de leur force de travail, en particulier ceux qui ont émigré loin de leurs familles (vers des villes), en quête de travail.

BIT en ligne: Comment la traite des enfants et l’exploitation de la main-d’œuvre sont-elles liées?

Hans van de Glind: La convention (n° 182) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants (1999), classe la traite des enfants parmi «les formes d’esclavage ou de pratiques similaires à l’esclavage» qui doivent être éliminées de toute urgence. La plupart des enfants victimes de traite finissent dans la domesticité, l’exploitation sexuelle commerciale, l’agriculture, le trafic de drogue, la mendicité organisée, ou comme enfants soldats, ou encore dans des pratiques d’exploitation, parfois proches de l’esclavage, dans l’économie informelle.

BIT en ligne: En quoi la traite des enfants et les migrations sont-elles liées et en quoi diffèrent-elles?

Hans van de Glind: La traite des enfants est la combinaison ou l’enchaînement d’événements qui peuvent survenir dans la communauté d’origine de l’enfant, aux lieux de transit et dans les zones de destination finale. Ceux qui y contribuent avec l’intention d’en tirer parti – recruteurs, intermédiaires, fournisseurs de papiers, transporteurs, fonctionnaires corrompus, prestataires de services ou employeurs sans scrupules – sont des trafiquants, même quand ils ne participent que partiellement au processus global. Dans les endroits où les filets de sécurité sociale sont faibles et où les services sociaux n’atteignent pas les exclus, les familles les plus démunies sont de plus en plus enclines à envoyer leurs enfants travailler dans les villes. La plupart de ces enfants émigrent pour travailler mais, s’ils ne sont pas bien préparés et informés avant leur expatriation, ils se mettent en danger d’être entraînés dans l’exploitation. Ce qui commence comme une émigration peut alors se transformer en traite des enfants. S’il est certainement légitime que les enfants en âge de travailler souhaitent émigrer, nous devrions œuvrer pour éviter que la traite ne survienne au cours du processus d’émigration.

BIT en ligne: Quelles mesures peut-on prendre pour prévenir la traite des enfants?

Hans van de Glind: La clé de la lutte contre la traite est de mettre fin à sa rentabilité par une stricte application de la loi, la confiscation des profits des trafiquants et la protection renforcée (et la vulnérabilité réduite) des enfants. Comprendre les facteurs de risque et de vulnérabilité et se doter des moyens de les reconnaître chez les enfants et leurs familles – puis travailler à réduire voire à éliminer cette fragilité – est une autre façon primordiale de protéger les enfants de la traite. Il est vital que les pays reconnaissent l’impact négatif de la crise économique sur les membres les plus faibles de la société et le fait qu’elle pourrait réduire à néant de nombreuses années de progrès dans la mise en œuvre de l’objectif du Plan d’action global qui consiste à éliminer les pires formes de travail des enfants, y compris la traite, d’ici 2016. Les pays doivent améliorer leurs politiques de protection et atténuer les effets de la crise économique sur les marchés du travail et les systèmes d’éducation. Cela peut être fait, par exemple, si l’on réduit le coût de la scolarité en offrant les uniformes, les manuels scolaires et les repas à la cantine, et si l’on facilite l’accès au crédit pour les ménages les plus pauvres. Les pays doivent revoir leurs priorités en matière de dépenses au bénéfice des plus pauvres et des plus fragiles.

BIT en ligne: Que fait l’OIT pour lutter contre la traite des enfants?

Hans van de Glind: A travers l’IPEC, l’OIT travaille avec les gouvernements, les organisations d’employeurs et de travailleurs, et les ONG pour lutter contre la traite des enfants dans le contexte propre à chaque pays et chaque région. Nous dispensons des conseils stratégiques, de la formation, de l’assistance technique et financière. En collaboration avec des centaines d’organisations partenaires, nous avons récemment lancé un kit de ressources intitulé «Combattre la traite des enfants à des fins d’exploitation de leur travail: kit de ressources à l’usage des responsables politiques et des praticiens». À présent, nous l’avons complété avec ce manuel de formation.

BIT en ligne: Pourquoi un manuel sur la traite des enfants et qu’a-t-il de particulier?

Hans van de Glind: La plupart des manuels de formation concernant la traite ne sont pas spécialement consacrés à la traite des enfants et à sa dimension «exploitation du travail». Ce nouveau manuel explique ce qu’est la traite des enfants et comment elle peut être abordée dans les cadres plus larges de la main-d’œuvre, des migrations et des droits de l’enfant. Il est conçu pour être utilisé dans des formations institutionnalisées ou pour être étudié à titre individuel. Ce manuel a été élaboré grâce à un partenariat de l’OIT et de l’UNICEF sous l’égide de l’Initiative mondiale de lutte contre la traite des êtres humains de l’ONU (UNGIFT).

BIT en ligne: Quel est l’intérêt de s’adresser aux fonctionnaires du gouvernement, aux organisations syndicales et patronales, aux ONG et aux organisations internationales en matière de stratégie et de diffusion?

Hans van de Glind: Tous ont un rôle essentiel à jouer pour combattre la traite des enfants. Le manuel contribue à faire tomber les barrières qui parfois nous divisent, offre des possibilités d’apprécier nos avantages comparatifs et prépare le terrain pour une collaboration en vue d’atteindre l’objectif d’élimination des pires formes de travail des enfants, y compris la traite des enfants, d’ici 2016.

BIT en ligne: Quels sont les principaux thèmes et messages relayés par ce manuel de formation?

Hans van de Glind: Le manuel replace la question de la traite des enfants dans un contexte plus large des droits de l’enfant, des marchés du travail et des dynamiques migratoires; il montre la nécessité d’une réponse globale pluridimensionnelle à cette question complexe de la traite des enfants. Il souligne le besoin impérieux de comprendre ce qu’est la vulnérabilité – d’aller au-delà de la «pauvreté» et d’explorer une série de facteurs de vulnérabilité qui ont un impact sur le degré de risque pour chaque enfant: facteurs de risque individuels, familiaux, communautaires, institutionnels, sur le lieu de travail; et dans les zones d’origine et de destination. Dans nos réponses à la traite, nous devons être clairs sur quels sont les enfants (les plus) vulnérables et sur qui crée la demande d’exploitation (et où); et nous devons cibler nos actions en fonction des réponses à ces questions. Pour en savoir plus sur la dimension «exploitation du travail» de la traite des enfants et sur les autres messages essentiels du manuel de formation, merci de consulter Principaux messages du Manuel de formation.

Pour plus d’informations sur la traite des enfants: Contactez Hans van de Glind: vandeglind@ilo.org

Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) – Date de parution: 28 août 2009.