Chapitre 1 – Comment déterminer le salaire minimum?

1.6 Prestations en nature

Les prestations en nature sont une rémunération reçue autrement qu’en espèces par un employé pour le travail effectué, par exemple: nourriture, boisson, carburant, vêtements, chaussures, logement ou transport gratuit ou subventionné, électricité, stationnement, services de garderie ou de crèche, prêts à faible taux ou à taux zéro, prêts hypothécaires subventionnés, etc.

Convention n° 95 de l'OIT

L’article 4.1 de la convention (n° 95) sur la protection des salaires, 1949 de l’OIT autorise «… le paiement partiel du salaire en nature dans les industries ou professions où ce mode de paiement est de pratique courante ou souhaitable en raison de la nature de l'industrie ou de la profession en cause. Le paiement du salaire sous forme de spiritueux ou de drogues nuisibles ne sera admis en aucun cas.». La convention demande cependant que des mesures soient prises pour veiller à ce que:

(a) les prestations en nature servent à l'usage personnel du travailleur et de sa famille et soient conformes à leur intérêt et que

(b) la valeur attribuée à ces prestations soit juste et raisonnable.

Il faut cependant rester conscient que ce mode de paiement tend à limiter les revenus financiers des travailleurs, ce que reflète le Système de comptabilité nationale (SCN 1993):

Par ailleurs, les prestations en nature apportent parfois moins de satisfaction aux travailleurs qu’un revenu en espèces parce qu’ils ne peuvent pas choisir comment les dépenser. En outre, certains biens ou services fournis aux employés ne présentent pas toujours les caractéristiques (type ou qualité) qu’ils rechercheraient normalement1.

Nécessité d'une réglementation

Il existe aussi des risques d'abus. Par conséquent, même dans les industries ou professions où ce mode de paiement existe depuis longtemps et est couramment accepté par les travailleurs concernés, il est nécessaire d’encadrer cette pratique par une protection législative.

Cela peut se faire de différentes manières:
  • Interdire les prestations en nature dans le cadre du salaire minimum. En Espagne, la législation dispose que les prestations en nature peuvent représenter jusqu'à 30 pour cent du salaire, mais interdit cette pratique en ce qui concerne le salaire minimum. Au Cambodge, les prestations en nature ne peuvent pas faire partie du salaire minimum.
  • Permettre les prestations en nature à concurrence d’un pourcentage maximum du salaire. Bien qu'aucune convention ou recommandation ne fixe de seuil précis pour les prestations en nature, la CEACR a exprimé des doutes au sujet des prestations en nature excédant 50 pour cent du salaire2. La plupart des pays ont fixé des seuils inférieurs, et bon nombre d’entre eux les limitent à 30 pour cent du salaire.
  • Fixer un niveau maximal pour les prestations en nature. Certains pays mentionnent expressément la valeur des prestations en nature, comme la Suisse, où la nourriture et le logement dans le secteur du travail domestique peuvent représenter au maximum 33 CHF par jour. Un système semblable existe en France.
  • Valoriser les prestations en nature à leur coût pour l’employeur, ou à un coût moindre. Pour empêcher les employeurs d’abuser de la possibilité de payer une partie du salaire en nature, certains pays précisent qu’ils ne peuvent valoriser ces prestations à un prix supérieur à leur coût réel. D'autres pays se fondent sur le prix qu’un travailleur devrait payer pour un produit, un service ou un logement s’il devait se le procurer.
  • Limiter la valeur des prestations en nature à un multiple du salaire minimum. Au Tchad et au Sénégal, la valeur d'un repas équivaut à une heure de travail au salaire minimum.

Cotisations de sécurité sociale

Les prestations en nature font partie intégrante de la rémunération totale ; elles doivent donc en principe être prises en compte pour calculer l’assiette des cotisations sociales. Par exemple, si le salaire minimum est de 100 $ par mois et que 30 pour cent sont payés en nature, les cotisations de sécurité sociale (patronales et salariales) doivent être calculées sur 100 $ (et non 70 $).

1Système de comptabilité nationale, 1993, paragraphe 7.38.
2 BIT, 2003, Rapport III de la Commission d’experts. Etude d’ensemble sur les rapports concernant la convention (n° 95) et la recommandation (n° 85) sur la protection des salaires.