Atteindre les travailleurs migrants de la construction en Inde

Article | 19 octobre 2011

Ce projet d'un genre inédit tentait de montrer la valeur ajoutée d’une intervention sur le VIH/sida conduite par un syndicat.


Meena, 28 ans, et Shanti, 26 ans, sont deux sœurs vivant à Varanasi, dans l’Uttar Pradesh. Elles ont épousé deux frères qui travaillaient dans la construction dans l’Etat du Maharashtra. Aujourd’hui, elles sont veuves et séropositives. «Mon mari est mort du sida en 2002. J’ai deux enfants, dont un séropositif, et je dois travailler pour subvenir à leurs besoins. Je veux leur donner la meilleure éducation possible», confie Meena. «Après la mort de mon mari, j’ai commencé à travailler comme cuisinière dans un centre d’accueil pour femmes. Mon superviseur m’a interrogée sur mon statut VIH et m’a licenciée. Maintenant, je suis femme de chambre. Je suis un traitement antirétroviral depuis six mois», raconte Shanti. Meena et Shanti participent au projet du syndicat Nirman Mazdoor Sanghtna (NMS) en tant que pairs-éducatrices. «Notre plus grande satisfaction est de permettre aux travailleurs d’accéder aux services sociaux et de santé du gouvernement, et notamment d’avoir pu mettre très vite cinq personnes sous traitement antirétroviral. Cela n’aurait pas été possible sans ce projet de l’OIT», explique Madhukant Pathariya, président du syndicat.

En 2008, avant de lancer cette intervention, l’OIT avait conduit une étude à Panvel (Etat du Maharashtra) qui faisait état d’un risque élevé d’infection par le VIH parmi les travailleurs migrants de la construction. Vingt-cinq pour cent d’entre eux déclaraient des rapports sexuels non protégés avec des professionnelles du sexe et un faible taux d'utilisation du préservatif. L'étude montrait également que des femmes étaient harcelées sexuellement et pratiquaient de surcroît le commerce du sexe à temps partiel, parce qu’elles y étaient forcées ou faute d'emploi régulier.

Le syndicat NMS tente d’organiser les travailleurs de la construction et d’améliorer leurs conditions d’emploi, leur protection sociale et leur accès aux soins de santé. Cette intervention touche 10 000 de ces travailleurs et leur famille dans six nakas (marchés de l'emploi), trois bastis (communautés de travailleurs) et six chantiers. Les stratégies de prévention incluent la communication pour le changement de comportement, la promotion du préservatif et la gestion des infections sexuellement transmissibles, ainsi qu’un meilleur accès aux services de prise en charge et de soutien par l’intermédiaire d’un réseau d’orientation établi en collaboration avec la société de contrôle du sida de l’Etat du Maharashtra. NMS a formé des comités de travailleurs grâce auxquels, ainsi qu'aux séances d’éducation par les pairs, les travailleurs de la construction reçoivent une formation complète sur le VIH : prévention, traitement, prise en charge et soutien. NMS a affilié des travailleurs aux régimes de sécurité sociale du gouvernement et amélioré leur accès aux services liés au VIH. Les employeurs sont sensibilisés et mobilisés pour proposer un environnement de travail sain et permettre les activités d’éducation par les pairs sur le lieu de travail. Les comités créés par NMS aident les travailleurs à se faire moins exploiter par les entrepreneurs, à obtenir des indemnités en cas d’accident et à être payés dans les temps. Les comités présents sur les nakas proposent des services liés à l’emploi utiles aux travailleurs, recensent les travailleurs, leur procurent des cartes d’identité et les affilient au régime d’assurance Janshree Bima du département du Travail. Le syndicat NMS dispose d’une équipe de dix travailleurs de proximité, dont deux sont séropositifs.

«Nous affirmons aux entrepreneurs que notre objectif n’est pas la syndicalisation des travailleurs sur les lieux de travail. En effet, cela nuirait à nos activités. Nous nous plaçons sur le terrain de la santé et du bien-être. Cela rassure les entrepreneurs. Nous les avons convaincus de contribuer à l'organisation de camps de santé», ajoute Madhukant. «Je reçois ici environ 400 personnes par mois, dont quelque 20 pour cent de travailleurs migrants. Je donne aussi des préservatifs au personnel de NMS pour qu’il les distribue», indique Awasarmal, conseiller du Centre intégré de conseil et de dépistage de Panvel. La distribution de préservatifs et l’information sur leur utilisation sont des activités régulières impliquant les commerces locaux et les pairs-éducateurs. Rupesh Verma, jeune travailleur migrant originaire du Rajasthan, gère une buvette sur un chantier. Ce pair-éducateur dispose aussi d'une boîte de préservatifs. «Je distribue jusqu’à 100 préservatifs par mois et les travailleurs peuvent s'en procurer à tout moment. Mon magasin est ouvert jusqu’à 22 heures et, de plus, c’est là que j’habite», témoigne Rupesh.

Enseignements

Les syndicats sont bien placés pour assurer des interventions sur le VIH/sida complètes et respectueuses des droits auprès des travailleurs migrants.

  • Les syndicats peuvent faciliter l’accès des travailleurs aux programmes de santé publique ainsi qu'aux régimes d'aide sociale et d’assurance du département du Travail.
  • L’implication des personnes vivant avec le VIH sur le terrain constitue une stratégie très efficace.
  • Les syndicats peuvent aider les travailleurs à obtenir des indemnités des entrepreneurs en cas d’accident.
  • Cela prend du temps et requiert des efforts soutenus mais les syndicats peuvent amener les employeurs et les entrepreneurs à contribuer aux activités du projet.
  • L’intervention sur le VIH aide aussi les syndicats à organiser les travailleurs.
  • Les syndicats doivent consentir un gros effort de renforcement des capacités les premières années mais peuvent jouer un rôle majeur dans la réponse nationale au VIH/sida.

Document sur les bonnes pratiques:

Prevention of HIV/AIDS in the World of Work: A Tripartite Response (en anglais)