Eradiquer le Travail Forcé et la Traite en Jordanie

Le projet vise à renforcer les capacités du gouvernement en matière d’application de la loi en vue d’identifier, enquêter et poursuivre les délits detravail forcé et de traite des êtres humains ; et de soutenir la mise en place d’un mécanisme de recrutement efficace et régulé.

Le contexte

L’intégration progressive de l’économie de la Jordanie dans l’économie mondiale à travers la conclusion de différents accords internationaux et bilatéraux a contribué de manière importante à stimuler la croissance et l’emploi en Jordanie, spécialement dans les secteurs de l’exportation. En 1996, la Jordanie a établi les Zones Industrielles Qualifiées (ZIQ), dont les produits bénéficient d’un accès au marché américain sans taxe ni quota. En outre, en décembre 2001, la Jordanie et les Etats-Unis ont signé un Accord de Libre Echange, qui permettra également un traitement préférentiel hors taxe pour les biens et les services provenant des Etats Unis et de Jordanie. En conséquence, les exportations de la Jordanie vers le marché américain ont augmenté de 1.3 milliards de dollars en 2006, et environ 56 000 emplois ont été crées dans les 97 usines de textiles des ZIQ opérant en 2008. Fait intéressant, près de 60% de la main d’œuvre dans ces usines n’est pas jordanienne, mais originaire de pays comme le Bangladesh, le Sri Lanka et la Chine. Le forte présence de travailleurs étrangers dans les ZIQ peut s’expliquer d’une part par le manque de main d’œuvre qualifiée, le manque d’opportunités de formations fournies par l’industrie et par ce qui est considéré par certains Jordaniens comme de bas salaires, et d’autre part par les barrières culturelles et géographiques qui empêchent les travailleurs potentiels de faire le trajet tous les jours ou de déménager dans les ZIQ.

Le gouvernement jordanien a été confronté à de sérieux défis en ce qui concerne la situation et les conditions de travail des migrants dans ces zones. En mai 2006, un rapport du Comité National du Travail (NLC) fait beaucoup de bruit : selon ce rapport, la combinaison des pratiques de recrutement en vigueur et des conditions de travail dans les ZIQ, telles que les heures supplémentaires forcées, la confiscation des passeports et un paiement incorrect des salaires, s’assimilait à de la traite. En réponse à ce rapport, le Gouvernement de Jordanie et USAID ont mandaté une entreprise pour procéder à une évaluation de la situation et de sa conformité aux normes sociales. Le rapport sur « Les conditions de travail dans le secteur du textile en Jordanie » a confirmé certaines allégations du CNT, principalement en ce qui concerne les paiements incorrects de salaires des travailleurs étrangers, des conditions de travail inférieures aux normes ainsi que des pratiques discriminatoires persistantes, mais a dissipé d’autres allégations Le rapport a également souligné la nécessité de favoriser la coopération entre les autorités jordaniennes et les pays dont est originaire la main d’œuvre en vue de contrôler efficacement les processus de recrutement. En relation avec la publication de ce rapport, le Gouvernement a publié un plan d’action pour améliorer l’administration du travail et les conditions de travail, particulièrement dans les ZIQ (voir www.mol.gov.jo). Les efforts du Gouvernement par la suite ont abouti à quelques améliorations des conditions de travail dans les ZIQ. Cependant, le Gouvernement se rend compte que certains problèmes persistent et qu’ils doivent être résolus.

Il y a, cependant, un autre secteur où des cas rapportés de travail forcé et de traite restent un sujet de préoccupation. En partie à cause de l’entrée des femmes sur le marché du travail, de nombreux ménages en Jordanie ont recours aux services de travailleurs domestiques étrangers. Les chiffres officiels estiment leur nombre à environ 43 500, mais on estime que le nombre réel est plus élevé. Ce sont surtout des femmes qui viennent principalement d’Indonésie, des Philippines et du Sri Lanka. Au cours des dernières années, un certain nombre d’organisations a publié des rapports faisant état de recrutements irréguliers, de non paiements de salaires et d’abus physiques et sexuels. Là aussi le gouvernement a fait des progrès, travaillant avec l’UNIFEM sur le développement et l’introduction d’un contrat de travail standard et d’une large campagne nationale de sensibilisation. Encore une fois, le Gouvernement a reconnu que les problèmes persistaient dans ce domaine, et a pris plusieurs mesures pour y remédier.

De manière indépendante et en collaboration avec l’OIT et d’autres partenaires, le gouvernement a pris des mesures progressives pour mieux traduire dans la législation nationale son engagement politique de combattre la traite des êtres humains et le travail forcé. Certaines propositions d’amendements sur la législation du travail ont été adoptées par le Parlement en juillet 2008. Il s’agit notamment d’étendre le champ d’application de la loi aux travailleurs dans les secteurs agricoles et domestiques. La nouvelle loi a aussi introduit quelques articles relatifs au travail forcé et au harcèlement sexuel, là où il n’y avait pas auparavant de telles dispositions. Il y a également eu une proposition d’amendement pour permettre aux travailleurs migrants de s’affilier à des syndicats. Malheureusement, le Parlement a rejeté cet amendement. Il est entendu que le gouvernement, avec l’appui de partenaires sociaux, prévoit de soumettre de nouveau cet amendement, bien que dans un format différent, avec d’autres amendements.

Au niveau institutionnel, début 2007, le Gouvernement a formé un Comité Interministériel pour la coordination des questions relatives au travail, notamment la traite des êtres humains. Le travail du Comité s’est tout d’abord centré sur une seule usine ZIQ et a abouti aux premières condamnations en Jordanie pour abus physique sur les travailleurs par plusieurs superviseurs directs des usines ZIQ. Selon les membres du Gouvernement, depuis sa restructuration le Comité a résolu directement 8 cas de violations sérieuses des droits des travailleurs et a renvoyé à différentes instances pénales/judiciaires 14 cas d’infractions relatives à la traite.

Depuis début 2007, le Gouvernement a travaillé en partenariat avec l’OIT sur la mise en place d’un programme pilote pour Combattre le Travail Forcé et la Traite dans les ZIQ. En août 2008, le Premier Ministre a formé un Comité Ministériel sur la Traite, composé des ministères des Affaires Etrangères, de la Santé, de la Justice, du Travail, des Affaires Sociales, du Commerce et de l’Industrie, et du département de la Sécurité Publique.

En dépit d’importants efforts déployés par le Gouvernement pour éliminer le travail forcé et la traite en Jordanie, particulièrement dans les ZIQ, il y a toujours un besoin important pour des actions approfondies en vue de consolider la stratégie nationale et le plan d’action pour éliminer la traite des êtres humains et le travail forcé dans le pays. Reconnaissant ce besoin, le gouvernement jordanien ainsi que les organisations d’employeurs et de travailleurs ont exprimé leur intérêt de poursuivre la collaboration avec l’OIT à cet égard. Le projet décrit dans ce document vise à développer et prolonger le Programme Pilote sur les ZIQ en cours, se terminant en décembre 2008. Le nouveau projet, qui s’étendra sur une période de 18 mois, a été conçu pour assister le gouvernement jordanien et les partenaires sociaux quant au suivi et à la capitalisation des mesures prises pour combattre et poursuivre la traite des êtres humains, en incluant une dimension spécifique sur la régulation et la surveillance du processus de recrutement.

Le projet

Le projet visera à répondre aux défis spécifiques du gouvernement, des organisations d’employeurs et de travailleurs afin de construire les capacités locales et nationales ainsi que la coopération transfrontalière et renforcer l’application de la législation contre la traite des êtres humains.

En conséquence, au niveau national, les groupes cibles sont les inspecteurs du travail, les officiers de police, le personnel judiciaire, les agents de l’immigration et des frontières, les organisations d’employeurs et de travailleurs, les travailleurs sociaux et les organisations non gouvernementales. Au niveau international, les membres du Gouvernement de Jordanie et certains représentants des pays d’origine joueront également un rôle crucial dans la régulation du recrutement et dans la prévention de la traite des êtres humains.

En outre, le projet encouragera une étroite collaboration avec d’autres agences des Nations Unies et des Organisations Internationales, en particulier avec l’UNIFEM, qui sont actives en ce qui concerne l’éradication du travail forcé dans le secteur du travail domestique en Jordanie.

Les bénéficiaires finaux du projet sont les victimes actuelles et potentielles du travail forcé et de la traite des êtres humains en Jordanie, qui bénéficieront d’une protection et de services améliorés.

En mettant en place ce projet, le Programme d’Action Spécial pour Combattre le Travail Forcé (SAP-FL) de l’OIT mettra à profit son approche large et globale pour combattre le travail forcé et la traite des êtres humains.

  • Le soutien au gouvernement de la Jordanie, soit directement à travers ce projet ou indirectement à travers d’autres projets, sera basé sur l’expérience et les outils développés par SAP-FL, tels que le manuel sur le travail forcé et la traite des êtres humains pour les inspecteurs du travail et les programmes de formation spécialisés développés avec le Centre de Formation à Turin pour les juges, avocats et procureurs. Des programmes de formation ciblant les inspecteurs du travail prendront en considération les changements introduits dans la législation du travail relative aux travailleurs domestiques.
  • Les activités avec les employeurs seront en ligne avec « l’Alliance du secteur privé pour combattre le Travail forcé » qui a été lancée récemment et vise à renforcer les capacités des organisations d’employeurs sur le travail forcé et à mieux intégrer cette question au sein de leurs objectifs globaux.
  • De la même façon, les activités avec les travailleurs bénéficieront du support de « l’Alliance syndicale internationale contre le travail forcé et la traite » et du plan d’action adopté par le Congrès des syndicats en décembre 2007 sur le sujet.

De plus, SAP-FL amène les pays d’origine de la main d’œuvre, tels que le Pakistan, le Bangladesh, le Vietnam et la Chine, à s’engager. Les activités et les études faites dans ces pays sont une contribution essentielle aux activités proposées dans ce projet visant la régulation et la surveillance du processus de recrutement, les violations commençant généralement dans les pays d’origine et peuvent se poursuivre dans les pays de destination.