Travail forcé, discrimination et réduction de la pauvreté concernant les peuples indigènes de la Bolivie, du Pérou et du Paraguay

Les recherches récentes du BIT indiquent que le travail forcé touche au moins 1,3 million de personnes en Amérique Latine.

Le contexte

Des travaux de recherche récents du BIT indiquent que le travail forcé affecte au moins 1,3 million de personnes en Amérique latine. Des recherches approfondies sur le terrain dans les zones rurales de la Bolivie, du Paraguay et du Pérou ont confirmé les suppositions selon lesquelles la population indigène est particulièrement vulnérable à une certaine forme de travail forcé appelée servitude pour dettes. Les travailleurs indigènes sont recrutés par des sous-traitants qui – par le biais d’avances sur salaire et d’autres manipulations – induisent ces travailleurs à contracter une dette artificielle qu’ils ne peuvent pas rembourser. Les longues heures de travail ne suffisent pas pour rembourser et les travailleurs se retrouvent piégés par une dette trop lourde pour eux et une période de remboursement de plus en plus longue. Ce système perpétue la pauvreté ou la pauvreté extrême des travailleurs. Ces pratiques ont été étudiées par l’OIT dans la région de l’Amazone au Pérou concernant l’exploitation illégale du bois, en Bolivie concernant la cueillette des noix, dans les fermes d’élevage et les plantations de sucre et dans les fermes d’élevage traditionnel du Paraguay de la région du Chaco. Etant donné que de nombreuses victimes sont des travailleurs migrants internes, cette pratique représente aussi une forme de trafic des personnes aux fins d’une exploitation de main-d’œuvre.

A la suite d’un engagement important de l’OIT au cours des deux dernières années, les gouvernements de la Bolivie, du Paraguay et du Pérou ont tous reconnu l’existence du travail forcé. Les programmes techniques du BIT dans ces pays ont commencé par des études approfondies sur le terrain pour comprendre les mécanismes de la servitude pour dettes et élaborer des recommandations. Ces études ont été discutées lors d’une série d’ateliers avec les gouvernements et avec les organisations d’employeurs et de travailleurs; ces ateliers ont permis une sensibilisation initiale et ont engendré un certain nombre d’événements importants. La Bolivie et le Pérou ont créé des commissions nationales afin de mettre au point des plans d’action nationaux effectifs contre le travail forcé, tandis que le Paraguay a annoncé qu’il ouvrait un bureau du ministère du Travail dans le Chaco pour augmenter le nombre des inspections. En Bolivie, les bureaux régionaux du ministère du Travail se sont également engagés formellement à accroître leur action contre le travail forcé. Les trois pays ont explicitement demandé davantage de coopération technique à l’OIT. Cette coopération bénéficiera de l’expérience accumulée par l’OIT dans d’autres pays, notamment au Brésil, où un projet de l’OIT contre le travail forcé est en cours depuis 2002.

Les organisations nationales d’employeurs et de travailleurs dans les trois pays soutiennent fermement cette initiative. Les employeurs, y compris les associations représentant divers secteurs agricoles, considèrent que l’élimination du travail forcé contribue au développement et au bien-être global, et qu’elle améliore l’image et la productivité des divers secteurs. Les organisations de travailleurs, qui ont déjà trouvé le moyen d’atteindre les travailleurs indigènes et agricoles et qui s’efforcent de les organiser, souhaitent participer à l’initiative afin de renforcer ces efforts et d’étendre leur portée.

La coopération initiale en matière de travail forcé fournit également une opportunité sérieuse d’améliorer la coopération concernant le problème plus vaste de la discrimination contre les personnes indigènes sur le marché du travail. Certes le travail forcé est une manifestation extrême de ce type de discrimination, mais le rendement plus faible de l’éducation pour les personnes indigènes que pour les autres groupes de population est une préoccupation très répandue. C’est notamment le cas pour les femmes indigènes. Les écarts de gains entre les travailleurs indigènes et les autres sont élevés, et l’évidence statistique montre que même si l’on maîtrise les différences ethniques en matière d’atouts humains et physiques le fossé demeure très profond. Par conséquent, il est évident que les personnes indigènes sont au bas de l’échelle professionnelle; elles se voient offrir des emplois mal payés, irréguliers et non protégés, et elles sont victimes de discrimination en matière de rémunération. La discrimination sur le marché du travail explique au moins en partie pourquoi l’incidence de la pauvreté est particulièrement élevée parmi les personnes indigènes et pourquoi elles sont représentées de manière disproportionnée parmi les pauvres. La discrimination et la pauvreté expliquent pourquoi les travailleurs indigènes sont vulnérables et peuvent tomber dans la servitude pour dettes.

Le projet

Le présent projet vise à promouvoir une approche intégrée de la lutte contre le travail forcé et la discrimination, en établissant un lien entre les initiatives contre le travail forcé et les politiques sociales élargies tendant à lutter contre la discrimination ethnique et à promouvoir la justice ethnique dans le monde du travail. Ce projet est fondé sur l’engagement – qui le renforce – des organisations d’employeurs et de travailleurs à collaborer avec les groupes cibles et les bénéficiaires, et vise notamment le renforcement de leurs organisations et l’amélioration de la participation à des processus nationaux de consultation et de négociation. Il cherche à établir un lien entre l’éradication du travail forcé et l’application des droits des peuples indigènes tels qu’ils sont précisés dans la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, l’instrument international contraignant le plus récent sur ce sujet, qui a été ratifié par les trois pays en question, et qui précise que ces peuples «doivent jouir pleinement des droits de l’homme et des libertés fondamentales». En Bolivie, le projet fera également référence aux documents de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) qui identifient clairement la discrimination comme une cause structurelle de la pauvreté des peuples indigènes.