Réflexions des participants au 9ème voyage d’étude de l'OIT / JCCU pour de dirigeants de coopératives africaines

Depuis 2010, l'OIT, par l’entremise de l’Unité des coopératives (COOP) et de son Bureau de Tokyo, et l’Union coopérative des consommateurs japonais (JCCU) co-organisent des voyages d’étude au Japon à l’intention des dirigeants de coopératives africaines, afin de favoriser l’échange de connaissances et d’expériences et d’examiner les possibilités de coopération entre les coopératives africaines et japonaises.

Actualité | 21 février 2019
Le 9ème voyage d’étude de l'OIT / JCCU pour de dirigeants de coopératives africaines s’est déroulé à Tokyo et ses environs du 15 au 24 octobre 2018, avec la participation de dirigeants de coopératives d’Afrique francophone. Il s’agissait du premier voyage du genre exclusivement destiné aux pays francophones, puisque les participants aux précédents voyages d’étude provenaient surtout de pays anglophones. COOP s’est entretenu avec trois participants pour approfondir les enseignements qu’ils ont tirés de ce voyage et comprendre comment ils entendent les mettre à profit pour le développement coopératif en Afrique.

M. Chouihi fait une présentation lors d'un séminaire public pendant le voyage d'étude
M. Radhouan Chouihi est président de la Mutuelle des services agricoles (SMSA) el Rommena, coopérative de producteurs de grenades de la région de Testour, en Tunisie. M. Chouihi a œuvré dans le secteur agricole tunisien pendant de nombreuses années pour en améliorer la productivité et la rentabilité. En 2018, il a créé la SMSA el Rommena avec une cinquantaine d’agriculteurs, après avoir travaillé au sein de la Coopérative centrale de semences et plantes sélectionnées (CCSPS).

Dans une coopérative agricole JA Hadano
M. Chouihi fait observer que l’esprit de coopération est fermement établi au Japon, et que le sixième principe coopératif («coopération entre les coopératives») est solidement ancré dans le mouvement coopératif japonais. Il estime également que la diversité des entreprises coopératives japonaises – présentes dans l’agriculture, la finance, l’assurance, la vente au détail et en gros, les services médicaux et les soins à la personne – constitue une source d’inspiration pour les coopératives tunisiennes qui, à l’heure actuelle, sont essentiellement implantées dans le secteur agricole. Il s’est également intéressé à la façon dont les coopératives japonaises intègrent les dimensions sociale et environnementale dans leurs stratégies et activités. Sur la base de sa participation au voyage d’étude, il souhaite renforcer la coopération avec d’autres coopératives en Tunisie. Il envisage de s’associer à une coopérative tunisienne de consommateurs, créée en 2015, dont l’un des membres fondateurs s’était inspiré de l’expérience des coopératives de consommateurs japonais, au terme d’un voyage d’étude au Japon organisé en 2009 par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA).

M. Koffi fait une présentation lors du séminaire public
M. Kobenan Maurice Koffi a également travaillé dans le secteur agricole et est actuellement assistant technique du Directeur général de la Fédération des unions de sociétés coopératives des producteurs de la filière coton de la Côte d’Ivoire (FPC-CI). Lors de visites dans des coopératives de producteurs (p. ex. riz, maïs et cacao), M. Koffi, alors étudiant, a réalisé le potentiel des coopératives pour faciliter l’entraide, l’esprit de mutualité et le développement communautaire par la mise en commun des ressources et la coopération. Après avoir mené de nombreuses études et soutenu l’élaboration de plans d’action pour les coopératives de producteurs, il a rejoint la FPC-CI en 2016, fermement convaincu que les coopératives peuvent constituer une force économique viable susceptible de contribuer de manière tangible à la création de richesses et d’emplois, à condition que leurs organes secondaires et tertiaires soient bien structurés.

Dans un centre de recyclage d'une coopérative de consommateurs Co-op Deli
Sa collaboration avec des coopératives japonaises de différents secteurs lui a permis de mieux comprendre l’apport des coopératives à la création de richesses et d’emplois. Parallèlement, il a pu se former une idée du rôle social et environnemental des coopératives, notamment en visitant un centre de recyclage des déchets d’une coopérative de consommateurs employant des personnes handicapées. Il a l’intention d’organiser divers événements avec d’autres coopérateurs, afin de partager ses observations et les enseignements tirés du voyage d’étude. En outre, il espère développer un plan d’action afin de renforcer le mouvement coopératif et de diversifier les entreprises coopératives en Côte d’Ivoire, en vue de créer des emplois, d’améliorer les revenus des membres des coopératives et d’offrir des services essentiels à la communauté.

M. Yebga Bingan fait une présentation lors du séminaire public
M. Joseph Alain Yebga Bingan est Président du Réseau local d’économie sociale et solidaire (RELESS) de Matomb et, à ce titre, œuvre au développement des coopératives et de l’économie sociale et solidaire (ESS) au Cameroun. Il est également expert en ESS au sein de l’ONG Partenariat France et Afrique pour le co-développement (PFAC). M. Yebga Bingan a d’abord constitué un groupe d’initiatives communes (GIC) de producteurs de maïs et de poivre en vertu de la loi n° 92/006, restructuré en coopérative agricole en 2010 lorsque le Cameroun a ratifié l’Acte uniforme OHADA sur le droit des sociétés coopératives. Afin de promouvoir le nouveau cadre juridique des coopératives, fondé sur les valeurs et principes coopératifs, il s’est associé à l’ONG PFAC, qui a signé avec le gouvernement un accord visant la structuration systématique de l’ESS pendant l’Année internationale des coopératives 2012. L’ONG soutient le renforcement des capacités des communautés locales en créant un RELESS dans chacune des 374 municipalités du pays.

Au Kagawa Archives and Resource Centre
M. Yebga Bingan a été frappé par la diversité des entreprises coopératives japonaises qu’il a pu observer durant le voyage d’étude, y compris les coopératives de détail appartenant à des consommateurs, qui encouragent la commercialisation des produits locaux, ainsi que les banques associatives créées par et pour les travailleurs syndiqués et les membres de coopératives de consommateurs, aux fins d’assistance mutuelle et d’auto-financement. Il se dit particulièrement inspiré par les valeurs communes sous-tendant le modèle coopératif présenté au Kagawa Archives and Resource Centre, qui expose la vie et l’œuvre du père du mouvement coopératif japonais, M. Toyohiko Kagawa. Il a apprécié l’occasion qui lui a été donnée de partager les expériences des coopératives africaines et d’échanger des connaissances avec les coopérateurs japonais et les ambassadeurs du Cameroun, de Tunisie et de Côte d’Ivoire lors du séminaire public organisé à la fin du voyage d’étude. Il prévoit d’organiser un atelier à Yaoundé pour partager les enseignements tirés du voyage d’étude avec les partenaires coopératifs nationaux et les partenaires de l’ESS (p. ex. ministères, agences étatiques, représentants diplomatiques et organisations internationales investissant dans le développement local). Il aimerait également organiser des voyages d’étude pour renforcer l’échange de connaissances et la collaboration entre les coopératives et d’autres entreprises d’ESS dans les 374 municipalités du Cameroun et en Afrique centrale.

L'OIT, par l’entremise de COOP et de son Bureau de Tokyo, poursuivra sa collaboration avec la JCCU et l'Alliance coopérative japonaise (JCA) afin de renforcer le réseau des participants aux voyages d’étude et mettre en œuvre le principe de «coopération entre les coopératives», éventuellement au moyen d’actions de coopération entre les coopératives africaines et japonaises, pour promouvoir le travail décent dans les chaînes mondiales de distribution. La 10ème voyage d’étude de l'OIT / JCCU sera organisée en septembre 2019.