Le travail domestique, ce n’est pas pour les enfants

En novembre dernier, le gouvernement du Cambodge a organisé une consultation nationale sur le travail décent pour les travailleurs domestiques. A la fin de la réunion, le gouvernement et les organisations de travailleurs et d’employeurs du pays se sont mis d’accord sur la nécessité d’une nouvelle norme internationale du travail qui étende la protection sociale à ceux qui sont employés chez les autres. Voici un article de Bill Salter, directeur du bureau sous-régional pour l’Asie de l’Est, qui a été adapté d’une précédente version publiée dans un journal local.

PHNOM PENH – Quelle est la pire des situations? Abuser des enfants pour la satisfaction sexuelle commerciale d’adultes, ou battre et torturer des enfants contraints de travailler comme esclaves domestiques?

C’est la question que je me suis posée quand j’ai lu dans le Phnom Penh Post l’histoire récente d’une fillette de 11 ans – une domestique – qui aurait été vendue à un couple de Phnom Penh et aurait été torturée à l’aide de pinces, de coups de fouet et de fil électrique, ce qui aurait laissé pas moins de 200 cicatrices sur l’ensemble de son jeune corps.

Quand il s’agit d’enfants abusés, c’est aussi atroce que ça en a l’air. Malheureusement, ce n’est pas la première fois que je vois des reportages comme celui-là. Une jeune Birmane de 17 ans avait été presque tuée par son employeuse à Bangkok et une jeune Vietnamienne était régulièrement battue par ses patrons à Hanoi.

On suppose que la torture de la fillette cambodgienne a duré au moins un an – et sans doute plus longtemps – jusqu’à ce que les voisins interviennent et contactent la police. Le couple d’employeurs s’est vu refuser sa mise en liberté provisoire – tout comme le soi-disant «gardien» de la jeune fille qui a été accusé de l’avoir vendue comme domestique. Tous trois vont être jugés pour plusieurs chefs d’accusation, y compris la traite d’être humain.

Malheureusement, les enfants travailleurs domestiques sont beaucoup trop nombreux à Phnom Penh. Une étude financée par l’OIT en 2003, menée par l’Institut national de statistiques du royaume du Cambodge au sein du ministère de la Planification a conclu qu’il y avait près de 28000 enfants domestiques rien qu’à Phnom Penh – soit 10 pour cent des enfants âgés de 7 à 17 ans.

Travail domestique – travail décent: Un «guide malin» pour les travailleurs domestiques

Ce guide du BIT fait la promotion des droits et des responsabilités des travailleurs domestiques. Initialement publié en Thaïlande dans diverses langues, il a pour premier destinataire l’employé(e) de maison et explique les bénéfices et les risques associés au travail domestique tout en offrant au travailleur des conseils sur la manière d’interagir avec son employeur/euse pour obtenir un environnement de travail et un système de rémunération mutuellement satisfaisants, ainsi que des prestations pour le travailleur.

Travail domestique – travail décent est publié en anglais, birman, karen, laotien, shan et thaï; il est diffusé parmi les mandants de l’OIT au sein du mouvement syndical et parmi les partenaires des organisations de la société civile. Adapté et publié au Cambodge et dans la République démocratique populaire lao pour les travailleurs domestiques de ces pays, le guide est également disponible pour adaptation et diffusion dans d’autres pays.

L’Organisation internationale du Travail s’efforce d’améliorer la sensibilisation sur le travail des enfants et son impact négatif sur la société. Grâce au Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC), le gouvernement royal du Cambodge et l’OIT ont pu démontrer qu’avec des interventions adéquates les enfants travailleurs domestiques pouvaient être retirés du travail et réhabilités grâce à l’école et que l’on pouvait prévenir l’entrée de nouveaux enfants dans le travail. Nous travaillons ensemble, en toute confiance, dans le but de libérer entièrement le pays du travail des enfants d’ici 2016. De fantastiques progrès ont été accomplis et la situation continue de s’améliorer.

Le fait que les voisins soient intervenus pour sauver cette fille est une bonne indication que les messages passent et que les Cambodgiens n’acceptent pas ce type d’abus à l’encontre des enfants.

Mais il y a un autre aspect troublant, c’est l’abus systématique des travailleurs domestiques en général: leur profession est par nature source de vulnérabilité parce que le travail s’exerce derrière les portes closes des foyers des autres. Alors que cette fillette était nettement trop jeune pour travailler où que ce soit, les travailleurs domestiques de tous âges sont souvent marginalisés par la société, ignorés par les lois qui régissent les lieux de travail, privés de la protection sociale et des conditions de travail que d’autres travailleurs sont en droit d’espérer.

Le travail domestique est un travail ardu. Souvent exécuté par des femmes, il libère les membres de la famille qui les emploie de certaines tâches; ils peuvent donc poursuivre leur propre activité et améliorer leurs moyens de subsistance. Mais, bien trop souvent, cette main-d’œuvre cachée et son travail sont méconnus et sous-évalués. De nombreux employés de maison sont victimes d’abus physiques et sexuels et privés des droits humains fondamentaux.

Il existe cependant quelques raisons d’être optimiste.

Le Cambodge a ratifié les deux conventions de l’OIT concernant l’abolition du travail forcé (la convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930, et la convention (n° 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957) et, en 2008, une nouvelle loi contre le trafic d’êtres humains est entrée en vigueur. Ces instruments confèrent une protection aux travailleurs domestiques de tous âges contre les pires formes d’abus. Le gouvernement royal du Cambodge a également ratifié la convention (n° 182) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, 1999, et a élaboré un plan national d’action pour l’élimination des pires formes de travail des enfants pour la période 2008-2012, un plan que soutient l’OIT. En effet, le travail domestique a été identifié comme l’une des douze formes inacceptables et dangereuses de travail auxquelles les enfants doivent être soustraits de toute urgence.

Alors que nous approchons de la Conférence internationale du Travail de juin – et de la discussion générale sur l’élaboration de normes pour les travailleurs domestiques –, souvenons-nous tous que le travail domestique est un véritable travail. C’est un travail d’adulte qui requiert une compensation appropriée, un temps de repos et le droit de garder des contacts avec l’extérieur, et qui doit se dérouler dans un environnement sans risque.

Et finalement, réaffirmons tous que ce n’est pas un travail pour des enfants.