Une vision dynamique de la prévention: L’Association internationale de la sécurité sociale (AISS)

La sécurité sociale est l’affaire de tous. Elle influe sur notre vie quotidienne en nous protégeant contre les risques au travail et dans la vie – soins médicaux, handicap, vieillesse et chômage. Le secrétaire général de l’AISS, Hans-Horst Konkolewsky, explique comment la sécurité sociale et la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles vont de pair.

GENÈVE – L’Association internationale de la sécurité sociale (AISS) est une organisation internationale dont le siège est à Genève et dont les membres sont des administrations et des agences nationales en charge de la sécurité sociale. Réunissant des experts de la sécurité sociale et de la prévention venus de 350 institutions de sécurité sociale issues de 150 pays, l’AISS offre une plateforme et un réseau uniques pour partager les nouvelles bonnes pratiques, y compris celles concernant l’amélioration de la santé des travailleurs.

La prévention: le secret de la réussite pour la sécurité sociale

La sécurité et la santé au travail se trouvent au cœur de la sécurité sociale. Chaque jour, investir dans la prévention contribue à éviter des accidents du travail et des maladies professionnelles. La prévention sauve des vies et protège le bien-être des individus et des familles.

Investir dans la prévention est aussi une bonne affaire au plan économique. Des lieux de travail plus sûrs sont un facteur de productivité. La prévention paie.

Dépassant ses centres d’intérêt traditionnels que sont la sécurité et la santé au travail, l’AISS soutient des approches préventives qui protègent et favorisent la santé des travailleurs dans toutes les branches de la sécurité sociale. Elle donne de l’information sur les bonnes pratiques, la recherche et des avis d’experts, et elle offre des plateformes à ses membres et à d’autres acteurs pour échanger sur l’innovation en matière de promotion de la santé en milieu de travail, sur les politiques actives d’emploi, la réhabilitation et la réintégration.

Les approches préventives ont élargi la nature des politiques de sécurité sociale. Elles constituent la pierre angulaire de ce que l’AISS appelle un système de sécurité sociale dynamique.

Les défis se durcissent

Les décès liés au travail s’accroissent. Selon l’OIT, 2,3 millions de personnes meurent chaque année en raison d’accidents ou de maladies liés au travail et 337 millions de personnes sont victimes d’accidents non mortels sur leur lieu de travail.

Le coût annuel du financement des indemnités financières, des soins médicaux et de la rééducation pour les handicaps liés au travail est colossal: une somme équivalente à 4 pour cent du produit national brut (PNB) mondial pour les seules lésions professionnelles. Et, pour certains pays en développement, le coût équivaut à 10 pour cent du PNB.

La phase actuelle de la mondialisation se caractérise par une croissance de l’emploi informel et des flux migratoires et par de profonds bouleversements sociaux; autant de nouveaux défis pour la prévention, en particulier dans les pays qui ont les cultures préventives les moins développées. Dans le même temps, les nouvelles technologies et les nouveaux statuts des travailleurs, et les défis du stress sur le lieu de travail et des risques psychosociaux rendent la prévention encore plus compliquée.

Nouvelles technologies, nouveaux risques

Des rapports de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indiquent que la main-d’œuvre mondiale est de plus en plus exposée aux épidémies, aux accidents industriels, aux catastrophes naturelles et aux autres situations d’urgence sanitaire. Ces rapports indiquent également que seulement 10 à 15% de la main-d’œuvre mondiale a accès à un service de santé professionnelle de base.

Une récente étude de l’AISS montre que, comparées aux blessures survenues sur le lieu de travail, les maladies professionnelles sont réellement en hausse dans certains pays. La cause semble en être le nombre grandissant de ce qu’on appelle les «nouvelles maladies professionnelles»; nombre d’entre elles ayant des temps de latence longs, elles pourraient devenir un problème beaucoup plus sérieux que les accidents du travail à l’avenir.

«Les politiques de prévention proactives et globales, menées par les institutions de sécurité sociale et de sécurité et de santé au travail, peuvent réduire de manière significative les niveaux d’accidents et de maladies liés au travail, diminuer les souffrances humaines qui en découlent et éviter les pertes économiques qui en résultent», déclare le secrétaire général de l’AISS, Hans-Horst Konkolewsky. «En Allemagne, par exemple, les experts estiment que la prévention des accidents depuis 1960 a préservé une activité de 10 milliards d’euros par an.»

La prévention paie

La bonne nouvelle, c’est que les statistiques, aussi bien pour les pays développés que pour les économies émergentes, montrent que là où des mesures de prévention ont été mises en place suffisamment longtemps, on enregistre un recul significatif des accidents du travail et des maladies professionnelles et donc une réduction considérable des coûts.

L’AISS peut mettre en exergue des exemples où les politiques ciblées de prévention des accidents conduites par les institutions de sécurité sociale ont réduit le nombre d’accidents du travail de 25 à 50 pour cent – et pas seulement dans les pays industrialisés. En Côte d’Ivoire par exemple, les institutions de sécurité sociale estiment que le nombre d’accidents déclarés a été réduit de 50 pour cent depuis les années 80, alors que pendant la même période le Niger connaissait une baisse d’environ 25 pour cent des accidents du travail, grâce à un programme d’éducation à la prévention pour les travailleurs.

80 ans de prévention

Les pionniers de l’AISS avaient déjà à l’esprit le concept de prévention des accidents et des maladies sur le lieu de travail quand ils l’ont inclut dans les principes politiques fondamentaux adoptés par leur Assemblée constituante dès 1928; un an plus tard, la relation entre assurance maladie et hygiène professionnelle figurait déjà sur leur agenda. Mais ce n’est qu’en 1957, avec la mise en place du Comité permanent sur la prévention des risques professionnels, que l’AISS s’est formellement impliquée dans la sécurité et la santé au travail.

En 1969, sous l’égide de la Commission spéciale de prévention, la Section internationale sur la prévention des risques professionnels dans l’agriculture a été formée, et au cours des décennies suivantes dix autres sections internationales furent créées, dont six représentant un domaine de risque professionnel comme l’agriculture, la chimie, la construction, les mines, l’électricité, la sécurité des machines et systèmes, et la métallurgie. Trois autres sections internationales couvrent des questions transversales, intéressant tous les praticiens de la SST – éducation et formation, recherche et information.

Le domaine partagé de l’AISS et de la prévention ne se limite pas à la Commission spéciale et à ses sections internationales. Un grand nombre des commissions techniques de l’AISS, y compris celles sur les accidents du travail, les soins médicaux et les politiques d’emploi, qui furent mises en place dès 1947 pour fournir aux spécialistes des réseaux pour collaborer à des discussions approfondies sur les questions techniques de sécurité sociale, se sont consacrées à des sujets liés à la protection et à la promotion de la santé des travailleurs.

AISS: 80 ans et plus forte que jamais

Fondée à Bruxelles en 1927, les débuts de l’Association internationale de la sécurité sociale étaient directement liés aux étapes franchies par l’Organisation internationale du Travail pour introduire des réglementations internationales en faveur de la santé des travailleurs à travers des systèmes d’assurance sociale. Lors de la 10ème Conférence internationale du Travail qui s’est tenue au printemps 1927, deux conventions sur l’assurance maladie furent adoptées. Albert Thomas, le premier Directeur général du BIT, qui avait besoin d’un soutien populaire pour garantir leur ratification, a donné un accueil favorable à la suggestion de personnalités de premier plan issues de sociétés mutualistes et d’institutions d’assurance maladie de mettre sur pied une conférence internationale dont le propos serait d’étendre et de renforcer l’assurance maladie dans le monde. C’est ainsi que la Conférence internationale des syndicats nationaux des sociétés mutualistes et de fonds d’assurance maladie fut créée à Bruxelles en octobre 1927. Des délégués de 17 organisations, représentant quelque 20 millions d’assurés d’Allemagne, d’Autriche, de Belgique, de France, du Luxembourg, de Pologne, du Royaume-Uni, de Suisse et de Tchécoslovaquie, ont participé à l’Assemblée constituante. L’objectif de la Conférence était de se coordonner au plan international et de renforcer les efforts pour protéger, développer et améliorer la protection sociale et l’assurance maladie.

Les fondations de l’AISS

Ce sont les difficultés nées des deux guerres mondiales qui ont démontré la nécessité pour la population de bénéficier d’une sécurité sociale et d’une protection professionnelle. Il s’est vite avéré que ce n’est qu’à travers une coopération internationale soutenue que le concept même de sécurité sociale et son application pratique pourraient être perfectionnés et développés.

Lors de la Conférence internationale du Travail de Philadelphie, les véritables fondations de l’AISS ont été posées grâce à l’adoption d’une résolution qui est devenue son programme d’action: promouvoir, sur une base internationale ou régionale, une coopération systématique et directe entre institutions de sécurité sociale pour poursuivre les échanges réguliers d’information et l’étude des problèmes communs.

Coopération internationale

Aujourd’hui, l’objectif de l’association est de «coopérer, au niveau international, pour la promotion et le développement de la sécurité sociale à travers le monde, principalement en l’améliorant sur le plan technique et administratif, de façon à faire progresser la situation économique et sociale de la population sur la base de la justice sociale».

Pour la communauté internationale, l’AISS est le principal catalyseur des idées et du débat sur la sécurité sociale, offrant des plateformes pour échanger des informations et discuter, un centre de connaissances unique pour collecter et diffuser la recherche et l’information sur la sécurité sociale, y compris la prévention des lésions au travail et des maladies professionnelles. Pour le cycle triennal 2008-2010, l’AISS se concentre sur les domaines de priorité suivants identifiés par ses membres:

  • Gouvernance et sécurité sociale
  • Gestion du risque et direction
  • Extension de la couverture
  • Technologies de l’information et de la communication comme outil de gestion stratégique
  • Respect des règles et recouvrement des cotisations
  • Réponse aux changements démographiques

Coopération avec l’OIT

La coopération entre l’AISS et l’OIT sur la sécurité et la santé au travail (SST) a commencé en pratique pendant le Premier Congrès mondial pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles à Rome. Depuis lors, le Congrès mondial, le plus grand événement international en matière de SST, a été organisé conjointement par l’AISS et l’OIT tous les trois ans. Une fois mise en place, la Commission de prévention a mis en œuvre plusieurs projets conjoints en collaboration avec le Service de la sécurité et de la santé au travail du BIT. Parmi eux figurait le Centre international d’information de sécurité et de santé au travail (CIS), qui complète les différents centres nationaux, en France, en Italie et au Royaume-Uni.

Pour maintenir une étroite collaboration entre l’OIT et l’AISS en matière de SST, les membres de la Commission de l’AISS et de ses sections techniques ont été intégrés dans divers groupes techniques consultatifs de l’OIT. De la même manière, des spécialistes en SST de l’OIT ont rejoint leurs homologues de l’AISS pour concevoir les programmes des sections techniques du Comité permanent. Ces dernières années, l’AISS a appuyé les activités promotionnelles pour la Journée internationale pour la sécurité et la santé au travail, lancée par l’OIT en 2003.

La coopération entre l’AISS et l’OIT dans le domaine de la santé des travailleurs a contribué à la réalisation de leurs buts respectifs; elle est toujours aussi fructueuse et importante qu’il y a cinquante ans. Plus récemment, l’AISS et l’OIT ont cofinancé le XVIIIe Sommet mondial accueilli à Séoul en juillet de cette année par l’Agence coréenne pour la sécurité et la santé au travail (KOSHA). Elles ont également organisé, juste avant l’ouverture du Congrès mondial, un Sommet de la sécurité et de la santé qui a conduit à la Déclaration de Séoul, adoptée par 50 dirigeants de haut niveau venus du monde entier, et qui servira de cadre de référence pour élaborer une culture mondiale de la sécurité et de la santé au travail. Reconnaissant l’impact positif de l’amélioration de la santé et de la sécurité au travail sur les conditions de travail, la productivité et le développement social et économique, la déclaration met aussi l’accent sur le droit à un milieu de travail sûr et salubre qui soit reconnu comme un droit humain fondamental.

La déclaration reconnaît l’important rôle des organisations de sécurité sociale dans la promotion de la prévention et dans la fourniture de services de traitement, de soutien et de réhabilitation. La prévention des risques professionnels et la promotion de la santé des travailleurs constituent une part essentielle du mandat de l’AISS.

Depuis son inauguration, l’AISS a toujours recherché et alimenté la coopération internationale avec d’autres agences, y compris celles impliquées dans la prévention des risques professionnels.

L’AISS reconnaît clairement la nécessité d’une meilleure coopération internationale pour rendre l’information sur les bonnes pratiques de SST simple, applicable et accessible aussi bien aux professionnels qu’aux travailleurs; pour garantir l’engagement du gouvernement et des employeurs envers la sécurité et la santé; et pour établir un lien plus étroit entre prévention, indemnisation et réhabilitation. A cette fin, la convention (n° 187) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006, et la recommandation n° 197 qui l’accompagne, ainsi que le Plan d’action global de l’OMS sur la santé des travailleurs 2008-2017 donnent de solides directives pour les efforts à venir.

Les changements démographiques, la mondialisation et les exigences d’une plus grande justice sociale confirment que la protection de la santé des travailleurs est vitale pour le progrès économique et social. La santé peut être déterminée par des facteurs professionnels et non professionnels, mais des individus en bonne santé, en particulier des travailleurs, contribuent à des sociétés plus saines et plus justes. L’AISS est pleinement consciente que des sociétés saines contribuent également à la bonne santé financière des programmes de sécurité sociale.

Pour relever les immenses défis d’aujourd’hui et dans la droite ligne de l’Agenda de l’OIT pour le travail décent, de sa nouvelle Déclaration sur la justice sociale au service d’une mondialisation équitable, adoptée par la Conférence internationale du Travail en juin 2008, et de la Déclaration de Séoul, l’AISS s’est engagée à renforcer sa relation de longue date au bénéfice de la santé des travailleurs de par le monde.

Promouvoir l’investissement dans la santé des travailleurs

Investir dans la santé des travailleurs est au cœur de la mission de sécurité sociale et un facteur important de sa pérennité.

L’AISS est impliquée dans la SST, principalement par le biais de ses 11 commissions techniques et de la Commission spéciale de prévention. S’appuyant sur une histoire unique, la Commission spéciale de prévention est l’étendard de l’AISS dans la prévention aujourd’hui: elle initie, coordonne et conduit des actions internationales pour promouvoir la sécurité et la santé au travail et des actions spécifiques sont menées par les 11 sections internationales.

Toutes ces sections organisent, souvent avec d’autres sections, des séminaires, des tables rondes et des ateliers internationaux. Elles publient également une documentation relative aux questions pertinentes en matière de prévention, offrent un appui technique et gèrent des projets communs. Au sein des sections, des groupes de travail conçoivent des outils et des solutions pratiques pour la formation, l’information et la communication. Toutes les sections sont activement impliquées dans l’organisation du Congrès mondial sur la sécurité et la santé au travail.

Un exemple typique est celui de la section internationale pour la prévention des risques professionnels dans l’industrie chimique, qui a déjà organisé quelque 20 colloques internationaux depuis sa création en 1970. Elle a mis en place des groupes de travail d’experts sur, respectivement, les substances dangereuses, la protection contre les explosions et les biotechnologies, ainsi que des groupes de travail ad hoc. La section a également produit une série de brochures illustrées, parmi lesquelles certaines sont disponibles en plusieurs langues.

La section internationale sur l’agriculture a produit en 2007 un DVD pour promouvoir la sécurité des enfants qui grandissent à la ferme. Le DVD présente une série d’histoires faciles à comprendre qui dépeint les risques potentiels encourus par ces enfants. Puisqu’il ne contient pas de dialogues, ce DVD est absolument visible par tous les enfants qui vivent dans une ferme en exploitation dans le monde entier.

La section électricité, en tête de ses réunions et de son programme de publications actifs, organise avec la section de l’information le prestigieux Festival international du film et du multimédia, une composante essentielle du Congrès mondial. En 2008, la compétition était acharnée, avec plus de 100 participants du monde entier.

AISS: Répondre aux défis prioritaires pour la santé des travailleurs

L’amiante, un enfer sans fin

Bien que ses dangers soient bien connus depuis des décennies, la menace de l’amiante demeure très présente. La Commission spéciale de l’AISS de prévention a ardemment fait campagne pour son interdiction. En 2004, elle a adopté une déclaration qui presse tous les pays d’interdire la fabrication, le commerce et l’utilisation de tous les types d’amiante aussi vite que possible. D’autres efforts comprennent une série de rapports sur la prévention et l’indemnisation des maladies professionnelles liées à l’amiante et une brochure d’information «Amiante: vers une interdiction mondiale» traduite en huit langues. Elle est disponible gratuitement sur le site de l’AISS www.issa.int.

Produits chimiques dangereux

Depuis 2005, la Commission spéciale de prévention et les 11 sections internationales ont organisé quelque 30 séminaires techniques, internationaux et régionaux, y compris un séminaire organisé en février 2008 par la Section internationale de la chimie au cours duquel 350 participants de 16 pays africains, américains et européens ont eu un échange approfondi sur le nouveau Système unifié de classification et d’étiquetage des produits chimiques.

Protection contre les maladies de la peau

Une hausse du nombre de maladies de la peau irritatives, allergiques et dégénératives a été enregistrée dans certains pays européens. Pour y répondre, la Section des services de santé de l’AISS a tenu un atelier sur la prévention des maladies de peau dans le secteur des services de santé en avril 2008 à Dresde, en Allemagne. Elle a organisé un forum pour que les experts de la prévention des maladies de la peau puissent échanger des idées, partager leurs problèmes et leurs meilleures pratiques et débattre des stratégies de prévention.

Une électricité sûre

Un séminaire récent, accueilli par la Section Electricité de l’AISS, s’est tenu à Santiago, au Chili, et a permis à plus de 160 experts de la prévention et la sécurité électriques d’Amérique latine, des Etats-Unis, du Canada et d’Europe de discuter des dernières questions, tendances et avancées en matière de sécurité et de santé dans l’industrie électrique.

Prévention des maladies professionnelles

Au cours des trois dernières années, la Commission technique sur l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles a organisé un cycle de séminaires sur les maladies professionnelles (MP) en Amérique latine, Afrique et Asie. A cette occasion, un certain nombre de défis communs ont été identifiés, y compris le problème de la sous-déclaration des MP, le déficit de praticiens bien formés et de ressources pour une prévention efficace, la faible conscience parmi les travailleurs et les employeurs de ces maladies et de leurs mécanismes de déclaration, et l’absence de mise à jour de la liste des MP dans certains pays. La Commission technique prévoit des séminaires sur la gestion du handicap et l’impact des changements démographiques sur la santé des travailleurs, jeunes ou vieux; elle contribuera aussi aux forums régionaux, ainsi qu’au Forum mondial sur la sécurité sociale qui doit se tenir en Afrique du Sud en 2010.

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Au cours des deux prochaines années, les sections de prévention de l’AISS organiseront au moins 10 réunions régionales, colloques et ateliers sur une variété de domaines de la sécurité et de la santé au travail, y compris les risques encourus par les travailleurs les plus âgés, la poursuite de la campagne pour l’interdiction de l’amiante et une réunion consacrée à la prévention dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne.

L’avenir: une sécurité sociale dynamique

Le rôle clé de la sécurité sociale dans la création de sociétés plus équitables exige un concept de sécurité sociale plus large, plus dynamique, embrassant les approches proactives et préventives qui sont d’avant-garde dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail.

Pour aider les institutions de sécurité sociale à répondre aux défis socio-économiques actuels, l’AISS a développé le concept stratégique de sécurité sociale dynamique, qui plaide pour des systèmes de sécurité sociale plus durables et plus accessibles, basés sur des réponses intégrées, proactives et novatrices.

La sécurité et la santé au travail sont au cœur de la sécurité sociale dynamique. Les stratégies de santé et de sécurité dynamiques peuvent réduire de manière substantielle les niveaux d’accidents et de maladies liés au travail, éviter des souffrances inutiles et contribuer au progrès économique et social.

La sécurité sociale dynamique: la clé de la nouvelle AISS

Le concept stratégique de sécurité sociale dynamique énonce la vision de la sécurité sociale de l’AISS visant à garantir des systèmes de protection sociale accessibles et durables, qui n’offrent pas seulement une protection mais qui adoptent aussi des approches préventives, appuient la réhabilitation et la réintégration, et contribuent à créer des sociétés qui n’excluent personne socialement et soient économiquement productives.

La complexité actuelle des risques pour la santé exige ces mesures plus innovantes. Par exemple, la forte augmentation des maladies chroniques montre que la prévention sur le lieu de travail devrait s’engager dans de plus vastes activités de promotion de la santé. Pour avancer, les points fondamentaux suivants devraient servir de repères à une sécurité sociale dynamique intégrée, centrée sur la santé de la main-d’œuvre.

1. La santé des travailleurs doit être reconnue comme un atout stratégique pour les entreprises et pour la société.

La santé des travailleurs est vitale pour la formation du capital humain et pour forger la compétitivité et les capacités d’innovation.

2. La santé des travailleurs est une responsabilité sociétale; un investissement accru de la part de la société est indispensable.

La santé des travailleurs est de plus en plus déterminée à la fois par des facteurs professionnels et non professionnels. Au regard de ces énormes défis, entreprises et sociétés doivent augmenter leur investissement dans la santé des travailleurs.

3. La santé des travailleurs doit être prise en charge par toutes les branches de la sécurité sociale.

Les approches préventives innovantes qui investissent dans la santé des travailleurs doivent être développées et mises en place largement dans les différentes branches de la sécurité sociale et les efforts pour créer des approches intégrées impliquant plusieurs acteurs de la sécurité sociale doivent être intensifiés.

4. La santé des travailleurs doit compter – pour tous les travailleurs.

Tous les travailleurs doivent se voir conférer le droit de bénéficier de mesures pour protéger leur santé, mais aussi et surtout dans le secteur informel en plein essor, dans les petites et moyennes entreprises, et chez les travailleurs indépendants qui doivent être couverts et avoir accès aux programmes de prévention.

5. La santé des travailleurs exige partenariats et innovation.

Aujourd’hui, les risques pour la santé sont plus complexes et nécessitent des mesures plus innovantes et des partenariats entre tous les acteurs impliqués dans la santé des travailleurs. Il n’est plus temps d’agir en ordre dispersé – coopération et partenariats vont relancer l’impact des investissements dans la santé des travailleurs.

Ce n’est qu’à travers le changement et l’innovation que la sécurité sociale pourra relever les défis de la mondialisation et contribuer à la justice sociale et à un développement économique équitable. Elle doit être dynamique, intégrée et proactive – une définition qui est au cœur de la nouvelle vision stratégique de l’AISS de la sécurité sociale dynamique.

L’AISS ne s’épargnera aucun effort pour coopérer avec ses organisations de sécurité sociale membres et travaillera en partenariat avec d’autres organisations internationales pour faire des lieux de travail dans le monde des lieux plus sûrs et plus salubres pour des millions de personnes qui risquent leur vie tout simplement en faisant leur métier.

Faire briller une lueur d’espoir : une sécurité sociale pour la santé dans l’économie informelle

PUNE, Inde – Le monde de Sunita s’est effondré le jour où son mari, conducteur de cyclo-pousse, a été victime d’une attaque de paralysie.

Encore en train de récupérer du choc causé par la perte de son fils âgé de 15 ans dans un accident de la route, elle n’était pas du tout préparée à ce qui fit l’effet d’une bombe. Reprenant ses esprits, elle réussit tant bien que mal à faire admettre son mari dans une clinique privée, où on lui a rapidement dit que le traitement coûterait 20 mille roupies (environ 500 $) – une somme énorme pour Sunita qui gagne à peine 2000 roupies par mois avec son travail de couturière.

Les personnes comme le mari de Sunita constituent les millions de travailleurs du secteur informel en Inde et dans le monde qui tombent malade en raison du surmenage, du stress et d’un milieu de travail insalubre.

Vasant Narvekar, un gardien de 45 ans qui souffre d’asthme, est un autre exemple. La nature du travail de Vasant suppose d’être dehors, à effectuer des rondes régulières, dans un environnement poussiéreux, pendant près de 12 heures par jour. Avec une famille de quatre personnes à entretenir, il n’a d’autre choix que de continuer à travailler. Il a récemment souffert de graves crises d’asthme et devait être hospitalisé. L’estimation du traitement était de 1 600 roupies, bien plus de la moitié de son maigre salaire mensuel de 3 000 roupies.

Le mari de Sunita travaillait en équipe double pour rembourser l’hypothèque sur son cyclo-pousse. Le stress de travailler de longues heures à son âge (57 ans) a débouché sur une attaque de paralysie.

Dans ce cas, pour Sunita comme pour Vasant, leur appartenance au Plan d’assurance santé leur a été utile. Ce plan, mis en place en 2003 sous l’égide de la Caisse mutuelle de santé au niveau communautaire (HMF), initié par l’Association Uplift India, répond aux besoins médicaux des femmes membres de groupes d’entraide dans les quartiers pauvres de Pune. L’objectif du Plan est de créer un fonds santé à partir de cotisations mutuelles et de créer un réseau de services médicaux qui fournisse un traitement de qualité à des taux abordables pour les plus pauvres à travers un réseau de médecins et d’hôpitaux privés.

Sunita a consulté le docteur du Bureau de l’HMF de son secteur. La lettre de recommandation du médecin l’a aidée à transférer son mari vers un autre hôpital du réseau privé, où il a immédiatement reçu un traitement. Cela n’a pas seulement contribué à lui sauver la vie mais a aussi permis de prévenir de nouvelles complications de son état.

Alors que le coût réel du traitement était de 20 000 roupies, l’hôpital du réseau n’a facturé que 9000 roupies, une économie de 11000 roupies dans un premier temps. Etant membre de l’HMF, Sunita a obtenu une nouvelle remise de 900 roupies de la part de l’hôpital. Grâce à son appartenance à l’HMF, Vasant n’a eu que 1 000 roupies à payer pour son traitement à l’hôpital.

Construite sur la solidarité et l’appartenance, la gestion du risque par l’HMF est supportée par la communauté locale. Le plan est ouvert à tous les travailleurs du secteur informel. A côté d’une couverture médicale, ce plan d’assurance unique couvre les pertes de salaire pour les soutiens de famille au taux de 50 roupies par jour pendant 15 jours.

Depuis plus d’un an, Uplift Health organise une vaste association pour la sécurité sociale dirigée par les communautés (CLASS), dont le but est de promouvoir les droits à la sécurité sociale pour les groupes défavorisés. Soutenue par l’Agence allemande de coopération technique (GTZ) et par le Programme STEP de l’OIT (Stratégies et techniques contre l’exclusion sociale et la pauvreté), les groupes CLASS qui se composent de coopératives, de groupes d’entraide et de syndicats sont maintenant disséminés à travers toute l’Inde.

«Le programme du BIT montre que, avec un soutien approprié, les travailleurs du secteur informel peuvent passer d’une situation de simple survie à une position économique plus solide, améliorant leur contribution à la croissance économique et à l’intégration sociale, et participant au progrès de leurs propres conditions de travail et de vie», conclut Assane Diop, directeur exécutif du Secteur de la protection sociale du BIT.