Nouvelle étude du BIT :Le chômage des jeunes atteint un niveau record

Une récente étude du BIT montre que, depuis dix ans, le chômage des jeunes a monté en flèche: la moitié des chômeurs de la planète ont moins de 24 ans. Selon les Tendances mondiales de l'emploi des jeunes 2004 ( Note 1), le taux de chômage mondial des jeunes atteignait 14,4 pour cent en 2003, c'est-à-dire que le nombre total de jeunes chômeurs a augmenté de 26,8 pour cent au cours de la décennie écoulée. Les jeunes ne représentent que 25 pour cent de la population d'âge actif mais 47 pour cent des 186 millions de chômeurs recensés dans le monde en 2003. Aujourd'hui, 88 millions de jeunes de 15 à 24 ans sont sans travail.

GENÈVE - "Le chômage des jeunes est un gaspillage de ressources", peut-on lire dans le nouveau rapport du BIT. Réduire de moitié le taux actuel de chômage des jeunes rapporterait 1,4 trillion de dollars, soit 4 pour cent du PIB mondial de 2003. En outre, un tel niveau de chômage constitue une menace pour la société, car elle accroît la fragilité des jeunes, faisant naître en eux un sentiment d'exclusion et d'inutilité qui les pousse à " des activités nuisibles pour eux-mêmes et pour la société".

"Tant que le potentiel des jeunes ne sera pas exploité de manière productive, ni eux ni la société ne pourront prétendre à un avenir satisfaisant", affirme Juan Somavia, Directeur général du BIT. "A l'évidence, offrir du travail décent aux jeunes et mettre ainsi fin à la crise de l'emploi des jeunes est l'un des principaux enjeux de notre époque."

Les auteurs des Tendances mondiales de l'emploi des jeunes 2004 expliquent que la montée du chômage dans le monde touche durement les jeunes et surtout les jeunes femmes. Et lorsqu'ils trouvent du travail, les jeunes sont en général astreints à des horaires lourds, n'obtiennent que des contrats de courte durée ou conclus à l'amiable, sont peu rémunérés et ne se voient offrir au mieux qu'une protection sociale restreinte, aussi bien sur le plan de la sécurité sociale que sur celui des avantages sociaux. Un quart des 550 millions de travailleurs pauvres du monde sont des jeunes, c'est-à-dire que 130 millions de jeunes - et leur famille - n'ont aucun espoir de franchir le seuil de pauvreté de 1 dollar par jour. La majorité de ces jeunes travailleurs pauvres sont des femmes. Dans ces conditions, les jeunes restent de plus en plus longtemps à la charge de leur famille ou courent le risque d'être exploités.

En 2003, c'est dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord et dans celle de l'Afrique subsaharienne que le taux de chômage des jeunes était le plus élevé, atteignant respectivement 25,6 et 21 pour cent. Et c'est en Asie de l'Est (7 pour cent) et dans les pays industrialisés (13,4 pour cent) qu'il était le plus bas. La seule région qui a enregistré un recul sensible du taux de chômage des jeunes est celle des pays industrialisés, où il est tombé de 15,4 pour cent en 1993 à 13,4 pour cent en 2003.

Les auteurs du rapport font observer que la population des jeunes augmente plus rapidement que le nombre d'emplois offerts aux jeunes. En effet, cette population a augmenté de 10,5 pour cent à l'échelle mondiale au cours de ces dix dernières années, pour atteindre 1,1 milliard, alors que l'emploi des jeunes n'a augmenté que de 0,2 pour cent, ce qui représente environ 526 millions de jeunes employés. Le ratio emploi/population des jeunes a régressé dans toutes les régions, sauf celle du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord et celle de l'Afrique subsaharienne. En 2003, parmi les jeunes qui étaient aptes au travail, moins d'un sur deux avait un emploi en 2003, contre un peu plus d'un sur deux en 1993.

Les jeunes ont plus de mal que les adultes à trouver du travail: en 2003, leur taux de chômage mondial était 3,5 fois plus élevé. Bien que, dans la plupart des pays, les taux de chômage des jeunes et des adultes évoluent dans le même sens, il semble qu'en situation de crise économique, le chômage des jeunes augmente plus rapidement que celui des adultes.

Le handicap des jeunes est plus prononcé dans les pays en développement, où la part de ceux-ci dans la population active est sensiblement plus élevée que dans les pays du monde industrialisé. Quatre-vingt-cinq pour cent des jeunes de la planète vivent dans des pays en développement, où leur taux de chômage est 3,8 fois plus élevé que celui des adultes, contre 2,3 fois dans les pays industrialisés.

Le rapport indique en outre que, sur le plan mondial, le taux d'activité des jeunes a reculé de près de quatre points de pourcentage, en partie parce que les jeunes prolongent leurs études ou abandonnent toute recherche d'emploi. En 2003, c'est en Asie de l'Est (73,2 pour cent) et en Afrique subsaharienne (65,4 pour cent) que ces taux étaient le plus élevés et dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (39,7 pour cent) qu'ils étaient le plus faibles.

L'Afrique subsaharienne et la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord sont les seules régions dans lesquelles la proportion de jeunes qui travaillent ait augmenté. En Afrique subsaharienne, la persistance de la pauvreté oblige tous ceux qui sont aptes au travail à accepter tout emploi qui se présente, et au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les jeunes femmes commencent à entrer sur le marché du travail même si, dans l'ensemble, elles conservent leur rôle traditionnel au sein de la famille.

Non seulement les jeunes ont moins de chances de trouver un emploi, mais encore ils font l'objet d'une discrimination fondée sur l'âge, le sexe et le profil socio-économique. Partout dans le monde, le taux d'inactivité des jeunes femmes est plus élevé et leur ratio emploi/population est inférieur à celui des jeunes hommes. Dans la plupart des pays, le groupe dominant se tire mieux d'affaire que les membres de minorités ethniques et, en règle générale, les jeunes qui proviennent de familles peu fortunées risquent davantage de se trouver au chômage.

Dans les régions en développement, qui comptent le plus grand nombre de jeunes en âge de travailler, le destin de ceux qui arriveront prochainement sur le marché du travail dépendra à la fois du taux de croissance économique et du contenu de cette croissance en emplois. Dans les pays industrialisés, l'évolution démographique pourrait entraîner un recul du chômage des jeunes - mais cela ne se fera pas automatiquement. Seule un ensemble de mesures ciblées et cohérentes permettra aux jeunes de surmonter leur handicap par rapport aux travailleurs plus âgés et plus expérimentés.

De telles mesures ont été définies par le Réseau pour l'emploi des jeunes (YEN), mis en place par le Secrétaire général des Nations Unies dans la foulée du Sommet du Millénaire, qui regroupe les Nations Unies, la Banque mondiale et l'OIT au siège de laquelle il a son secrétariat. Ce réseau recherche des solutions aux problèmes liés à l'emploi des jeunes en mettant à profit les compétences, l'expérience et le savoir de différents partenaires recrutés aux échelons mondial, national et local.

Le YEN aide un groupe de pays qui se sont portés volontaires à élaborer un plan d'action national pour l'emploi des jeunes. A ce jour, dix pays ( Note 2) sont ainsi devenus des "pays leaders", expérimentant des solutions novatrices pour résoudre les problèmes liés à l'emploi des jeunes.

Dans le cadre de ce partenariat, le rôle du BIT consiste à offrir une assistance technique et à aider les pays à définir leur politique nationale. Pour ce faire, il a récemment publié un manuel( Note 3) qui reprend les considérations de base et présente les différentes options possibles, y compris l'adoption d'un plan d'action national, en montrant les avantages et les inconvénients de chacune ainsi que les leçons à en tirer.

Réseau pour l'emploi des jeunes

Le réseau pour l'emploi des jeunes (Youth Employment Network - YEN) est placé sous la direction de l'ONU, de la Banque mondiale et du BIT (secrétariat au BIT). Il est chargé de rechercher, aux échelons international, national et local, des solutions aux problèmes liés à l'emploi des jeunes. Pour ce faire, il incite les pays à se doter d'un plan d'action national pour l'emploi des jeunes, A ce jour, 10 pays (Note 2) se sont engagés à être des " pays leaders ", c'est-à-dire à montrer l'exemple et à inciter d'autres pays à mettre en place un tel plan national, comme le préconisent deux récentes résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies 2.

Aide aux "pays leaders"

Le BIT offre une assistance technique et aide les pays à définir leur politique. Dans ce contexte, il a récemment publié un guide ( Note 3) sur les mesures à prendre pour améliorer les perspectives des jeunes hommes et des jeunes femmes dans le monde du travail. Ce manuel reprend les considérations de base et présente les différentes options possibles, y compris l'adoption d'un plan d'action national, en montrant les avantages et les inconvénients de chacune ainsi que les leçons à en tirer. D'autres instruments du BIT peuvent aider ceux qui élaborent les politiques à mieux comprendre la problématique de l'emploi des jeunes et la pensée des jeunes de l'époque contemporaine; ce sont, par exemple, la publication intitulée Les tendances de l'emploi des jeunes 2004, présentée dans le présent numéro de Travail, et les enquêtes sur le passage de l'école à la vie active ( Note 4).

Ces instruments sont actuellement utilisés par les dirigeants de l'un des "pays leaders", l'Indonésie, où un premier plan d'action pour l'emploi des jeunes a été rédigé à l'issue d'une large consultation organisée par le comité directeur du YEN Indonésie. Ont participé à cette consultation les membres du gouvernement, les institutions partenaires du YEN, les organisations de travailleurs et d'employeurs, les organisations non gouvernementales, les jeunes et les milieux universitaires. Ce plan préliminaire, rendu public le 12 août 2004, à l'occasion de la Journée internationale de la jeunesse, servira de base au plan d'action national de l'Indonésie pour l'emploi des jeunes, qui sera présenté en septembre 2004 à l'Assemblée générale des Nations Unies.

Responsabilisation des jeunes

Le YEN considère que la participation des jeunes à l'élaboration et à l'application de ces plans d'action nationaux est essentielle pour la réussite de la politique mise en œuvre. En effet, les pays qui ne coopèrent pas avec les organisations de jeunesse risquent de prendre des mesures qui soient déconnectées de la réalité. C'est là un message dont les pays leaders tiennent compte:

  • En Azerbaïdjan, les ONG de jeunesse ont formé, sous la houlette du Conseil national des jeunes, une coalition qui collaborera étroitement avec le gouvernement de façon à ce que les opinions et les préoccupations des jeunes soient reflétées dans le Plan d'action national.
  • En Namibie, le ministre de l'Enseignement supérieur a invité le Conseil national des jeunes à participer à la création d'équipes de travail qui élaboreront le Plan d'action national.

A l'échelon international, le YEN a formé un Groupe de consultation des jeunes sur lequel s'appuieront ses responsables et ses porte-parole pour relayer les vues des jeunes sur le rôle, le fonctionnement et les priorités du Réseau. Ce groupe de consultation influera sur les décisions et les grandes orientations du Réseau par le truchement du Groupe d'experts de haut niveau du YEN.

En outre, il fera office d'intermédiaire pour les organisations nationales de jeunesse désireuses de participer à l'élaboration du Plan d'action de leur pays. Il facilite la concertation au sein des régions et entre elles, diffuse l'information, donne des conseils pratiques et organise des ateliers de façon à permettre aux jeunes de participer concrètement à l'élaboration des politiques nationales concernant l'emploi des jeunes.

Créer des partenariats

Pour aider les pays à élaborer leur plan d'action national, le YEN entend mettre en place un réseau de réseaux, constitué de responsables politiques, de travailleurs, d'employeurs, de jeunes et d'autres groupes ayant un intérêt et un but commun - la reconnaissance de l'importance fondamentale de la question de l'emploi des jeunes pour la réalisation des objectifs de développement du Millénaire, la réduction de la pauvreté et le développement en général.

En élargissant ainsi au maximum l'éventail des parties prenantes, le YEN tirera profit des compétences, de l'expérience et des ressources de ces différents groupes afin de recenser les pratiques qui méritent d'être diffusées, reproduites et adaptées aux besoins de chaque pays.

Exemples:

  • Le Youth Business China, initiative du Youth Business International (YBI) et de la Fédération de la jeunesse chinoise (ACYF), vient en aide aux jeunes Chinois qui veulent créer une entreprise en mettant à leur disposition le capital de démarrage, un système de parrainage et des services d'appui.
  • La Fondation allemande Dräger, qui a consacré son XVe symposium à l'emploi des jeunes, a fait appel au Réseau YEN pour réunir 400 participants de tous horizons politiques et sociaux, qui ont examiné et évalué des stratégies de création d'emplois pour les jeunes.
  • Le Réseau organise et anime des réunions tripartites sur l'emploi des jeunes à l'occasion desquelles il insiste sur l'efficacité du dialogue social pour rechercher des solutions au problème.
  • Pour des renseignements complémentaires sur l'action du YEN, consulter le site : www.ilo.org/yen


Note 1 - Tendances mondiales de l'emploi des jeunes 2004. BIT, 2004. ISBN 92-2-215997-7.

Note 2 - Azerbaïdjan, Brésil, Egypte, Indonésie, République islamique d'Iran, Mali, Namibie, Rwanda, Sénégal

Note 3 - Improving prospects for young women and men in the world of work. A guide to youth employment. Policy considerations and recommendations for the development of national action plans on youth employment. BIT, 2004. ISBN 92-2-115945-0. Peut être consulté à l'adresse: www.ilo.org/yen

Note 4 - A ce jour, des enquêtes sur le passage de l'école à la vie active ont été conduites en Indonésie, à Bahreïn et au Viet Nam.