Justice sociale

Les normes internationales du travail et les droits humains

Tim de Meyer, conseiller au Département des normes internationales du travail (NORMES) de l'OIT, explique comment les droits et les normes dans le monde du travail sont liés aux droits humains fondamentaux et pourquoi ils sont essentiels pour établir la justice sociale et le travail décent pour tous.

Analyse | 17 novembre 2022
Tim de Meyer

Quel lien peut-on faire entre les normes internationales du travail et les droits de l’homme?

Les normes internationales du travail (NIT) faisaient référence aux droits de l’homme au travail bien avant que la Charte des Nations Unies ne réaffirme sa «foi dans les droits fondamentaux de l’homme au travail» et en «la dignité et la valeur de la personne humaine». La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948 énonce de manière formelle les droits de l’homme qui constitueront le socle du travail décent.

Après la Déclaration universelle des droits de l’homme, les normes internationales du travail ont continué d’influencer la formulation des droits de l’homme au sein de deux Pactes internationaux, l’un relatif aux droits civiques et politiques et l’autre relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

A présent, les normes internationales du travail définissent les droits de l’homme au travail, notamment le droit au travail; le droit à la sécurité sociale; le droit à des conditions de travail sûres et salubres; le droit à des salaires équitables et à une rémunération égale pour un travail égal; le droit au repos, aux loisirs et à une limitation raisonnable des heures de travail ainsi que le droit aux congés payés périodiques; et le droit à la protection de la maternité.

Les normes internationales du travail sont-elles toutes considérées comme faisant partie des droits de l’homme?

Les normes internationales du travail font partie du droit international et forment une partie de l’environnement constitué par les normes et les standards en matière de droits de l’homme au niveau international.

Les normes internationales du travail donnent des précisions sur la mise en œuvre pratique des obligations en matière de droits de l’homme au sein du monde du travail. Par exemple, les Pactes internationaux de l’ONU proclament le droit à la liberté d’association, alors que les conventions (n° 87) et (n° 98) de l’OIT et la compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale fournissent le détail des droits émanant de cette liberté fondamentale en ce qui concerne la liberté de se syndiquer pour les travailleurs et pour les employeurs.

Les organes de l’OIT et de l’ONU chargés du contrôle de l’application des droits qui se renforcent mutuellement se citent régulièrement dans l’énoncé de leurs décisions respectives.

Les normes de l’OIT constituent-elles des droits de l’homme?

L’ensemble des normes de l’OIT contribue à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels ainsi qu’aux droits civiques et politiques. La protection des droits au travail fait partie intégrante des obligations en matière de respect des droits de l’homme.

Certaines normes de l’OIT mentionnent directement les droits de l’homme tandis que d’autres instaurent des seuils destinés aux institutions du marché du travail qu’il est nécessaire d’observer pour respecter les droits de l’homme au travail.

Quels sont les droits que l’OIT désigne comme étant fondamentaux?

La Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, telle qu’amendée en 2022, considère cinq principes comme étant si fondamentaux qu’ils doivent être respectés même si le pays n’a pas ratifié les conventions concernées. Ces principes sont les suivants:
  • la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective;
  • l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire;
  • l’abolition effective du travail des enfants;
  • l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession;
  • et un milieu de travail sûr et salubre (ajouté en 2022).

Comment les droits de l’homme sont-ils reliés à la justice sociale?

La justice sociale apparaît comme la base d’une paix universelle et durable dès la première ligne du préambule de la Constitution de l’OIT, pratiquement de la même manière que la Charte de l’ONU relie les droits de l’homme et les libertés fondamentales au maintien de la paix et de la sécurité au niveau international et à la résolution des problèmes mondiaux d’ordre économique et social. La justice sociale a été confirmée comme constituant un élément indispensable dans la Déclaration du centenaire de l’OIT pour l’avenir du travail de 2019. La Déclaration de 1998 suggère que la justice sociale peut être comprise comme étant l’aspiration «qui offre à chaque homme et à chaque femme au travail la possibilité de revendiquer librement et avec des chances égales sa juste participation aux richesses qu’il ou elle a contribué à créer».

Comment peut-on parvenir à la justice sociale?

On peut parvenir à la justice sociale en plaçant «les droits de travailleurs ainsi que les besoins, les aspirations et les droits de toutes les personnes au cœur des politiques sociales, économiques et environnementales», comme le souligne la Déclaration du centenaire pour l’avenir du travail. A cet effet, une action continue et concertée des gouvernements et des représentants des employeurs et des travailleurs est nécessaire.

Quatre objectifs stratégiques sont essentiels pour parvenir à la justice sociale à travers la promotion du travail décent: promouvoir le plein emploi productif choisi librement, prendre des mesures en faveur de la protection sociale, promouvoir le dialogue social et mettre en œuvre les principes et droits fondamentaux au travail.

Quel est le rôle du dialogue social pour les normes internationales du travail et les droits de l’homme?

Le dialogue social incarne les principes des droits de l’homme liés à la participation et à l’inclusion: les représentants des employeurs et des travailleurs ont le droit de participer aux décisions qui touchent les droits et les intérêts liés au travail. La participation des partenaires sociaux est essentielle pour veiller à ce que leur vécu et leur contribution sur le marché du travail soient pleinement pris en compte et pour s’assurer de leur pleine coopération dans la formulation et la promotion des mesures et des décisions qui sont prises. Souvent au sein du monde du travail, les avancées réalisées vers le respect des droits de l’homme au travail dérivent du dialogue social.

Les entreprises doivent-elles respecter les droits de l’homme au travail?

En 2011, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a approuvé les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme qui stipulent que:

«La responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme porte sur les droits de l’homme internationalement reconnus – à savoir, au minimum, ceux figurant dans la Charte internationale des droits de l’homme et les principes concernant les droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail de l’Organisation internationale du Travail.»

La Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale (Déclaration sur les EMN) est l’instrument de l’OIT qui fournit des orientations directes aux entreprises en matière de politique sociale et de pratiques inclusives, responsables et durables sur le lieu de travail. Les orientations sont fondées de manière substantielle sur les principes contenus dans les normes internationales du travail et sur les obligations qu’ont les États à travers leur adhésion à l’OIT et suite à leurs ratifications des conventions de l’OIT.