Normes internationales du travail

La convention n° 1: Un événement historique pour les droits des travailleurs

Il y a exactement 100 ans, la première Conférence internationale du Travail adoptait la première norme internationale du travail – sur le temps de travail. Alors que l’OIT célèbre ce moment historique, le spécialiste du temps de travail de l’OIT, Jon Messenger, retrace l’histoire de cette convention et de son impact.

Editorial | 13 novembre 2019
© Frans Persoon
Où que nous travaillions et quel que soit notre travail, «le temps de travail» nous concerne tous. Et pourtant, peu de gens se rendent compte que la limitation de nos heures de travail remonte à la première norme internationale du travail de l’OIT – la convention (n° 1) sur la durée du travail (industrie), 1919.

Avant que la guerre n’éclate en 1914, l’une des principales revendications du mouvement syndical international est de limiter la durée du travail – et surtout la journée de huit heures.

A la fin de la guerre, avec la création de l’Organisation internationale du Travail dans le cadre du traité de Versailles, ce sujet ressurgit, car des conflits sociaux très suivis menacent de s’étendre dans plusieurs pays.

À l’article 427 du traité, dans la Constitution de l’OIT, figure la déclaration suivante: «L’adoption de la journée de huit heures ou de la semaine de 48 heures comme but à atteindre partout où elle n’a pas encore été obtenue» est «d’une importance particulière et urgente».

Quelques mois plus tard, ce sujet figure à l’ordre du jour de la première session de la Conférence internationale du Travail (CIT), réunie à Washington en octobre-novembre 1919. A la fin de la conférence, le principe de la journée de travail de huit heures est inscrit dans la première convention adoptée, la convention (n° 1) sur la durée du travail (industrie), 1919.

Si l’on considère que la journée de huit heures avait été rejetée cinq ans plus tôt et considérée comme impraticable et inatteignable en raison de la concurrence internationale, l’adoption de cette première convention est un résultat remarquable – le mouvement syndical obtient la reconnaissance internationale de son objectif le plus important: la journée de travail de huit heures.

Toutefois, la ratification de la convention n° 1 par les Etats Membres n’est pas aussi large que l’espérait le premier directeur de l’OIT, Albert Thomas. Avec la grande dépression, les employeurs rechignent à augmenter le coût du travail. En outre, certains Etats Membres et même certains membres du mouvement syndical, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni, estiment qu’il vaut mieux réduire la durée du travail avec des actions syndicales et la négociation collective plutôt que par la législation. Aujourd’hui encore, seuls 46 des 187 Etats Membres de l’OIT ont ratifié cette convention.

Cependant, malgré le faible nombre de ratifications par les Etats Membres, la convention n° 1 a eu un impact considérable sur l’expansion de la journée de travail de huit heures.

Seuls quatre pays avaient adopté des lois sur la journée de huit heures avant 1919: Cuba en 1919, le Panama en 1914, l’Uruguay en 1915, et l’Équateur en 1916. Entre l’armistice de novembre 1918 et la rédaction du projet de rapport en vue de la CIT de Washington, l’Autriche, le Danemark, l’Espagne, la France, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Suisse et la Tchécoslovaquie adoptent des lois de portée différentes sur la journée de huit heures.

La journée de huit heures s’est aussi répandue au Royaume-Uni et aux États-Unis: plus de 4 millions de travailleurs britanniques sur 12 millions voient leur journée de travail réduite à 8 heures. Aux États-Unis, le nombre de travailleurs couverts par une convention collective sur les 8 heures de travail passe de 172 000 en 1915 à 1,14 millions en 1918.

Albert Thomas indique que «dans les années 1918-19, la journée de huit heures, dans le cadre de conventions collectives ou d’une loi, est devenue réalité dans la majorité des pays industrialisés.»

En 1922, la semaine de 48 heures se généralise, surtout dans l’industrie, dans toute l’Europe et en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans de nombreux pays d’Amérique latine. Le Japon et l’Inde réduisent de façon significative la durée du travail.

En regardant ces premières années, il est clair que l’OIT et la convention n° 1 ont été les moteurs essentiels de la journée de huit heures: elles ont normalisé cette politique du travail, en ont fait la promotion, ce qui a abouti à sa très large application. De nos jours, la journée de 8 heures est la norme dans les pays du monde entier.

L’OIT célébrera le centenaire de la convention n° 1 lors d’un événement au siège à Genève le 14 novembre 2019.