Sécurité et santé au travail

L’OIT contribue à améliorer la sécurité et la santé du personnel dans les mines d’Ukraine

OIT Infos s’est entretenu avec Kenichi Hirose, spécialiste principal de la protection sociale à l'OIT-Budapest, et Iryna Peksheva, coordinatrice nationale du projet à Kiev, au sujet du nouveau projet de l’OIT visant à améliorer les conditions de sécurité et de santé pour les mineurs ukrainiens. En juin, ils ont visité trois mines afin d’évaluer la sécurité et d’identifier les domaines d’action prioritaire.

Editorial | 13 juillet 2017
© Wiking Husberg
OIT Infos: Les minerais et les produits miniers sont la pierre angulaire de la plupart des industries et l’exploitation de mines ou de carrières est présente, sous une forme ou une autre, dans presque tous les pays du monde. Malgré des efforts considérables déployés dans de nombreux pays, les taux de décès, de blessures et de maladies demeurent très élevés chez les mineurs, dans le monde entier. Quelle est la situation actuelle des travailleurs des mines d’Ukraine?

L’industrie minière est une activité majeure en Ukraine: elle emploie 220 000 travailleurs. On compte plus de 200 mines réparties dans les régions de Donetsk, Louhanks et Dniepr à l’Est, dans les régions de Lviv et Volyn à l’Ouest et dans la région de Zaporijia au Sud. Toutefois, les mines sont l’un des secteurs industriels les plus dangereux. Beaucoup trop de mineurs sont victimes d’accidents du travail, en particulier des accidents graves et mortels, ainsi que de maladies respiratoires professionnelles.

En 2014, il y a eu 2 034 accidents du travail dont 99 cas mortels dans les mines de charbon ukrainiennes, et 220 accidents du travail dont 12 cas mortels dans les mines d’or et les mines non métalliques. Plus de 80 pour cent des cas de maladies professionnelles déclarés surviennent dans l’industrie minière et métallurgique. En mars 2017, huit mineurs ont été tués et plus de 20 autres grièvement blessés dans une explosion à la mine de charbon de Stepova, dans l’Ouest de l’Ukraine. Le coût de ces accidents du travail est immense, pour les travailleurs, leurs familles, et pour les employeurs et la société dans son ensemble.

L’industrie minière ukrainienne a été profondément affectée par le conflit armé qui a éclaté fin 2013. Comme deux tiers des mines se situent dans une zone qui échappe au contrôle du gouvernement, dans les régions de Donetsk et de Louhansk, le secteur a dû réduire ses activités de manière drastique. Certaines mines ont été fermées. En outre, presque toutes les institutions qui conduisent des recherches sur l’ingénierie minière et la sécurité ou qui fournissent des services techniques sur les équipements de sécurité se trouvent dans ces régions, ce qui empêche les sociétés minières d’obtenir les services techniques dont elles ont besoin.

En raison de la chute des prix de l’or et du charbon, de nombreuses entreprises minières ont subi des pertes financières, en particulier les mines d’Etat, les moins rentables. Le conflit armé en cours a encore exacerbé la situation. En 2015, les arriérés de salaires dans l’industrie minière s’élevaient à 557 millions d’UAH (l’équivalent d’un mois de salaire) pour 80 000 travailleurs. Comme de nombreuses entreprises manquent de trésorerie, elles ne peuvent pas allouer suffisamment d’argent à la sécurité des mines.

OIT Infos: Quels sont les grands problèmes liés à la sécurité dans les mines que vous avez visitées?

En juin, nous avons effectué une mission d’évaluation des besoins, conjointement avec un expert de la sécurité et la santé au travail, Wiking Husberg, et des fonctionnaires de l’inspection du travail de l’Etat qui sont en charge d’inspecter les mines. Nous avons visité la mine d’or à ciel ouvert d’Ingulets et la mine d’or souterraine de Yevraz Sukha Balka dans la ville de Kryvy Rih (région de Dniepropetrovsk), ainsi que la mine de charbon souterraine de Stepova dans le village de Gluhiv (région de Lviv). Pendant notre visite, nous avons aussi organisé des réunions avec des groupes de discussion formés de travailleurs et de dirigeants.

A Yevraz Sukha Balka, l’équipe de mission de l’OIT s’est rendue sur les sites d’exploitation minière souterrains, à une profondeur de 1 340 mètres. Les travailleurs du fond reçoivent un équipement personnel de protection (vêtements et chaussures de protection, protection oculaire, bouchons d’oreille, lampe frontale, casque et appareil respiratoire de sauvetage). Ils doivent aussi subir un contrôle d’alcoolémie préalable.

Pourtant, le danger est omniprésent. Les trains électriques qui transportent l’or extrait utilisent des conducteurs électriques aériens. Quand un train arrive, chacun doit s’arrêter et se plaquer sur la paroi du tunnel pour le laisser passer tout près. Les câbles pendent à portée de main avec un panneau indiquant: «Attention quand vous levez la main». De nombreuses opérations – forage, étayement du plafond, manutention des matériaux, boisage du puits – se font encore manuellement. Le travail s’effectue dans des positions pénibles pour le corps, avec des équipements lourds, et les mineurs sont exposés à trop de bruit, de poussière, d’humidité et de vibrations.

Deux accidents miniers mortels se sont produits (et il y a eu un accident dans la mine voisine de Kryvy Rih) pendant notre mission d’une semaine en juin. L’une des inquiétudes les plus fréquemment exprimées par les mineurs auxquels nous avons parlé de sécurité était la qualité insuffisante de l’équipement de protection individuelle. Par exemple, les appareils respiratoires sont utilisés à maintes reprises et mal entretenus.

OIT Infos: Pourriez-vous nous décrire les principaux objectifs du projet d’assistance technique de l’OIT?

L’objectif global est de réduire le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles par le développement systématique de politiques de sécurité et santé au travail (SST) modernes, qui s’appuient sur les capacités renforcées des partenaires sociaux. Nous pensons que ce projet peut avoir une véritable influence sur l’amélioration des conditions de santé et de sécurité dans l’industrie minière ukrainienne, en mettant l’accent sur l’élaboration et la mise en œuvre de politiques de SST, conformément aux directives de l’Union européenne et à la convention (n° 176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995, qui a été ratifiée par l’Ukraine en 2011, en renforçant les capacités des partenaires sociaux à mettre en œuvre des mesures concrètes de SST sur le lieu de travail, et en promouvant une culture de la sécurité et de la prévention grâce au partage de bonnes pratiques.

Le projet peut contribuer à renforcer la prévention des accidents du travail grâce à une application plus efficace des systèmes d’évaluation des risques et de gestion de la SST. Il est financé par le gouvernement canadien et sera mis en œuvre de mai 2017 à mars 2020.