Territoires arabes occupés

L’OIT réclame des mesures d’urgence pour fournir des emplois décents aux travailleurs palestiniens

Cinquante ans d’occupation ont engendré un chômage généralisé et un marché du travail fragmenté et inefficace dans les territoires arabes occupés, faisant de la réactivation du processus de paix une impérieuse nécessité, selon un rapport annuel de l’OIT.

Communiqué de presse | 31 mai 2017
© Tbass Effendi
GENÈVE (OIT Infos) – La réalité quotidienne des travailleuses et travailleurs des territoires arabes occupés, et de leurs familles, est dominée par une multitude d’obstacles résultant de 50 ans d’occupation israélienne, indique l’Organisation internationale du Travail (OIT) dans un nouveau rapport.

L’édition 2017 de «La situation des travailleurs des territoires arabes occupés» énumère les facteurs déterminants de la détérioration constante dans les territoires occupés: des restrictions sévères à la liberté de circulation et à l’activité économique, un blocus prolongé de la Bande de Gaza, un processus de paix enlisé, ainsi qu’une intensification des activités de colonisation israéliennes.

Le rapport annuel du Directeur général, qui sera soumis à la Conférence internationale du Travail en juin, examine la situation de l’emploi et du marché du travail et des droits des travailleurs en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est et Gaza, et dans le Golan syrien occupé.

«Tous les efforts visant à renforcer le marché du travail se heurtent à la dure réalité, du fait du contrôle que l’occupation exerce sur les frontières palestiniennes, l’accès à la terre, à l’eau et aux ressources naturelles», déclare le Directeur général, Guy Ryder, dans la préface de son rapport.

«Les possibilités de travailler, de cultiver la terre, de produire et de créer des emplois dans les territoires occupés sont fortement restreintes», déplore M. Ryder.

La promotion et l’application de la justice sociale et du travail décent doivent se poursuivre car elles sont les pierres angulaires des efforts de paix.»

Guy Ryder, Directeur général de l'OIT
Le rapport plaide pour la réactivation du processus de paix en vue de parvenir à une solution en faveur de deux Etats.

«L’un des objectifs des accords d’Oslo était d’établir le bon fonctionnement des marchés du travail tant en Israël que pour les Palestiniens. Cela ne reste guère plus qu’une aspiration lointaine», poursuit M. Ryder. «La promotion et l’application de la justice sociale et du travail décent doivent se poursuivre car elles sont les pierres angulaires des efforts de paix», dit-il.

Un chômage omniprésent

La Cisjordanie et Gaza connaissent tous deux une croissance économique mais la mission de l’OIT qui s’est rendue dans la région pour étayer ce rapport a constaté qu’elle restait bien inférieure à son potentiel. La croissance actuelle ne suffit pas à améliorer les moyens de subsistance et ne se traduit guère en création d’emplois.

«Aucun autre indicateur ne reflète peut-être autant la précarité des moyens de subsistance des Palestiniens que les indicateurs liés au marché du travail», affirme le rapport.

Dans les territoires arabes occupés, le chômage demeure omniprésent, plus élevé que dans tout autre pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, et plus du double de la moyenne régionale.

Plus d’un quart de la main-d’œuvre palestinienne est au chômage; parmi les jeunes, les sans emploi sont plus de 40 pour cent. Moins de la moitié des Palestiniens de plus de 15 ans sont économiquement actifs et deux tiers des jeunes sont exclus du marché du travail. Moins d’une femme sur cinq travaille.

La situation est particulièrement dramatique pour les deux millions de Palestiniens vivant à Gaza, qui est coupée du monde par terre, air et mer depuis dix ans. Le chômage y demeure supérieur à 40 pour cent et la majorité des jeunes de la population active – 60 pour cent – sont sans emploi. Parmi les diplômés, le chômage est quasi généralisé. Les Gazaouis n’ont pas la possibilité d’aller ailleurs pour travailler. «La situation générale de l’économie et du marché du travail est étouffante», ajoute le Directeur général de l’OIT.

En Cisjordanie, les restrictions à la liberté de circulation et à l’activité économique, et la prédominance des colonies israéliennes, ont provoqué une fragmentation du marché du travail et entravé le développement d’une économie palestinienne viable et dynamique, souligne le rapport.

Les effets du travail en Israël et dans les colonies

Le rapport observe également que l’absence d’alternatives a poussé un nombre grandissant de femmes et d’hommes palestiniens à chercher du travail en Israël et dans les colonies. Les salaires des Palestiniens travaillant en Israël sont en moyenne deux fois plus élevés que ceux versés en Cisjordanie. Environ un quart des salaires perçus par les Palestiniens de Cisjordanie provient d’un emploi en Israël ou dans les colonies israéliennes de Cisjordanie.

Pourtant, beaucoup des 100 000 travailleurs palestiniens dans l’économie israélienne sont en proie à de difficultés et à l’exploitation, en particulier du fait d’intermédiaires peu scrupuleux qui réalisent des profits disproportionnés en mettant en contact les demandeurs d’emploi palestiniens avec des employeurs israéliens. Selon les scénarios, le rapport estime que même si seuls 40 pour cent des Palestiniens travaillant dans l’économie israélienne étaient victimes de ces intermédiaires, cela représentait une «taxe de courtage» de 380 millions de dollars en 2016, avec près de 17 pour cent du montant des salaires perçus par les Palestiniens en Israël prélevés par les intermédiaires. Cependant, le rapport note que les autorités israéliennes cherchent aujourd’hui à résoudre certaines de ces questions urgentes et ont l’intention de réformer les systèmes de permis de travail et de paiement des salaires.

Le rapport plaide aussi pour des mesures d’urgence afin de remédier aux situations souvent humiliantes que connaissent les Palestiniens aux points de passage israéliens, du fait de l’affluence et des temps d’attente interminables.

Leur situation professionnelle et les perspectives sur le marché du travail étant de plus en plus sombres, la frustration des jeunes Palestiniens risque d’engendrer de la radicalisation et de la violence, avertit le rapport.

Les obstacles à l’édification d’un Etat

L’édification d’un Etat est toujours en cours côté palestinien mais le rapport souligne que les institutions palestiniennes sont suffisamment solides pour soutenir l’Etat émergent, même si de nouveaux investissements dans les capacités de gouvernance sont nécessaires.

Toutefois, l’édification de l’Etat demeure considérablement entravée par les divisions internes persistantes, ainsi que par la baisse des fonds alloués par les donateurs internationaux.

Les récents progrès enregistrés dans le territoire palestinien occupé, comme l’élaboration du Programme politique national et la promulgation de la loi sur la sécurité sociale pour les travailleurs du secteur privé, risquent de rester sans effets sans un financement extérieur indispensable à leur mise en œuvre.

Les Palestiniens «ont besoin d’un solide soutien budgétaire et d’un appui constant en matière de développement et d’aide humanitaire, notamment pour soulager les souffrances des Gazaouis; les donateurs doivent être conscients que l’Autorité palestinienne, et bien entendu un Etat palestinien viable, ne sont pas en mesure d’assurer leur autonomie financière», soutient le rapport.

«La 'génération d’Oslo', née après le traité de 1993, constitue la majorité de la population. Elle a besoin d’espoir et d’une voie à suivre. Le prix des tensions est tout simplement trop élevé. La communauté internationale doit rester mobilisée pour instaurer la paix au Moyen-Orient et édifier un Etat à part entière pour les Palestiniens», conclut le rapport.

Le rapport annuel de l’OIT sur la situation des travailleurs des territoires arabes occupés a été préparé par les membres d’une mission de l’OIT qui s’est rendue en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est et Gaza, en Israël et dans le Golan syrien occupé. Le rapport sera soumis à la Conférence internationale du Travail de l’OIT qui s’ouvrira à Genève le 5 juin 2017.