Secteur de la santé

Ebola: Dans le secteur de la santé, le travail décent sauve la vie des soignants

Les normes internationales du travail et les outils de l’Organisation internationale du Travail (OIT), s’ils sont correctement utilisés, sont très efficaces pour protéger les personnels soignants qui sont en première ligne pour traiter les patients porteurs de maladies infectieuses potentiellement mortelles, comme la maladie à virus Ebola, explique Christiane Wiskow, spécialiste principale du secteur de la santé à l’OIT.

Editorial | 1 juillet 2015
Christiane Wiskow, spécialiste principale du secteur de la santé à l’OIT
En mai, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un rapport préliminaire sur les contaminations des travailleurs de santé résultant de l’épidémie Ebola en Afrique de l’Ouest. Il décrit l’impact de la maladie sur les personnels soignants comme catastrophique.

Le rapport, Infections par le virus Ebola des travailleurs de santé en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone : rapport préliminaire (OMS, 21 mai 2015), affirme que 815 cas, confirmés ou probables, de travailleurs de santé contaminés par le virus Ebola ont été déclarés en Guinée, Libéria et Sierra Leone entre janvier 2014 et mars 2015. Deux tiers de ces personnels soignants sont morts de la maladie à virus Ebola (ou l’issue fatale ne fait aucun doute). Pour certaines professions de santé, le risque d’infection est de 21 à 32 fois supérieur à celui de la population générale.

Plus de la moitié des travailleurs de santé infectés étaient des infirmièr(e)s ou des aides soignant(e)s. Les autres catégories de travailleurs affectés sont les travailleurs médicaux (12 pour cent), les employés de laboratoire et le personnel d’appui (par exemple, les concierges et les agents de maintenance), 7 pour cent chacun. Ces maladies professionnelles auraient largement pu être évitées.

Il faut agir pour créer de conditions de travail sûres

Il faut agir avec détermination à l’échelle mondiale pour offrir des conditions de travail sûres aux personnels de santé et s’assurer qu’ils n’auront plus à payer ce terrible tribut en contrôlant les prochaines épidémies de maladies mortelles transmissibles.

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Winnie Romeril / WHO
Le personnel de santé a droit à un environnement de travail sûr et sain. Investir dans des conditions de travail décentes pour ces travailleurs est une condition préalable à des services de santé solides offrant des soins de qualité.

L’OIT défend ardemment la sécurité et la santé pour les travailleurs de santé, y compris en utilisant ses normes et ses outils élaborés spécifiquement à cet effet.

Les outils et les normes de l’OIT protègent les travailleurs de la santé

Voici quelques exemples illustrant la pertinence des outils et des normes de l’OIT pour protéger les travailleurs de santé.
  • Au Liberia, le ministre de la Santé et l’OMS ont utilisé HealthWISE, un outil participatif conjoint qui allie action et apprentissage pour former les travailleurs de santé à l’amélioration de la sécurité au travail pendant une épidémie. La liste des mesures à prendre d’HealthWISE a été adaptée au contexte d’Ebola au Liberia: elle conseille les établissements sanitaires pour établir et vérifier les procédures en matière de prévention et de contrôle de l’infection (PCI) et de sécurité et santé au travail (SST). Il s’agit notamment de procédures pour le nettoyage et la désinfection des matériels, de l’hygiène des mains, de l’usage et de l’entretien corrects des équipements de protection individuelle (EPI) et d’un système de suivi et de rapport sur la santé du personnel, comme le contrôle quotidien de la température.
  • En 2014, une note d’information conjointe OMS/OIT Maladie à virus Ebola: sécurité et santé au travaila rappelé aux employeurs leurs responsabilités pour garantir la santé et la sécurité des travailleurs en leur donnant des informations, une formation et un EPI pour prévenir les contaminations professionnelles et autres incidents de santé et de sécurité. Elle énonçait aussi l’obligation des travailleurs de se conformer aux réglementations.
  • Au côté des normes de l’OIT en matière de SST , la convention (n° 149) sur le personnel infirmier, 1977 et la recommandation n° 157 qui l’accompagne donnent des orientations sur les conditions de travail appropriées pour le personnel infirmier. Ces instruments stipulent que les dispositions législatives et réglementaires en matière de SST doivent être améliorées «en les adaptant aux caractéristiques particulières du travail du personnel infirmier et du milieu où il s’accomplit» (C149, article 7). Avec 41 ratifications au total, la convention n° 149 a été ratifiée par la Guinée en 1982, mais pas encore par le Liberia ni par la Sierra Leone.

Les fournitures médicales et les mesures de PCI et de SST sont vitales

Lorsque l’épidémie d’Ebola a éclaté dans les trois pays ouest-africains les plus affectés, le personnel de santé a été confronté à une grave pénurie d’EPI, selon une enquête de Public Service International de 2014.

Le rapport de l’OMS confirme que les taux d’infection des travailleurs de santé étaient plus élevés au début de l’épidémie et ont atteint un pic en août 2014. On peut donc en déduire que l’instauration des mesures de PCI et des stratégies de SST, en plus d’utiliser des fournitures sûres quand elles ont été disponibles, a contribué à diminuer le nombre d’infections chez les travailleurs de santé.

Nombre de cas confirmés et probables de maladie à virus Ebola chez les professionnels de santé (et proportion de cas chez les professionnels de santé parmi tous les cas* enregistrés) dans les trois pays combinés (Guinée, Libéria et Sierra Leone), 1 janvier 2014 - 31 mars 2015



* L'ensemble des cas inclut les cas probables et confirmés qu'ils soient ou pas parmi les personnels de santé.
Source: Infections par le virus Ebola des professionnels de santé en Guinée, Libéria et Sierra Leone., OMS, 2015.
Dans l’absolu, l’idéal serait de prévenir la transmission du virus. Toutefois, si un travailleur de santé est contaminé, il ou elle a besoin d’un meilleur accès au traitement et aux systèmes de soins et d’accompagnement.

Les personnels de santé infectés par Ebola non hospitalisés meurent davantage que ceux qui bénéficient d’un traitement à l’hôpital (74 pour cent contre 61 pour cent), selon le rapport de l’OMS. Certains survivants se battent, non seulement contre la douleur chronique, les maux de tête et les troubles visuels mais aussi contre la stigmatisation et la discrimination dans leurs communautés. Beaucoup d’entre eux ont été traumatisés et ont besoin d’un soutien psychosocial. Comme toutes les personnes affectées par Ebola, les travailleurs de santé et leurs familles ont besoin de mesures de protection sociale complètes qui traitent des conséquences de la maladie, y compris la perte de revenu, à court et long termes.

Le travail décent sauve des vies

Les travailleurs de santé qui traitent des patients porteurs de maladies potentiellement mortelles ne devraient pas avoir à mettre indûment leur vie en danger dans l’exercice de leur mission. Les établissements de santé dotés de systèmes de gestion de SST efficaces, d’employeurs bien informés et de travailleurs convenablement formés et qui disposent de l’équipement et du matériel médical nécessaire sont essentiels pour minimiser les risques. Un personnel de santé protégé et soutenu est indispensable pour dispenser des soins efficaces, en particulier dans les situations d’urgence.