Conférence mondiale sur les peuples autochtones

Que signifie la rencontre des représentants des peuples autochtones et des dirigeants mondiaux pour l’OIT?

Une réunion historique a lieu dans le cadre de l'Assemblée générale de l'ONU afin de promouvoir de nouvelles ratifications de la Convention de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux.

Editorial | 18 septembre 2014
Commentaire par Martin Oelz, juriste à l’OIT.
La Conférence mondiale sur les peuples autochtones s'ouvre à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York. Pour la première fois dans la même enceinte, plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement vont rencontrer des représentants des peuples autochtones venus du monde entier.

Cette rencontre historique fait suite à d’autres étapes importantes au cours des trente dernières années qui ont abouti à la reconnaissance des droits des peuples autochtones et à leur participation au niveau international. Il s’agit notamment de l’adoption de la convention (n° 169) de l’OIT sur les peuples indigènes et tribaux, 1989, la création de l’Instance permanente sur les questions autochtones de l’ONU et l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007).

A New York, les dirigeants politiques mondiaux ne vont pas seulement réaffirmer leur engagement envers les droits des peuples indigènes mais ils vont aussi s’engager à prendre des mesures spécifiques au niveau national pour que les peuples autochtones puissent exercer leurs droits. La Conférence devrait amorcer un processus de renforcement des travaux du système des Nations Unies sur les peuples autochtones au niveau national.

Le projet de document final soumis pour adoption à la Conférence mondiale revêtira une importance particulière pour l’OIT qui est l’institution hôte de la convention n° 169 – un instrument international juridiquement contraignant, spécifiquement consacré aux peuples indigènes. Depuis son adoption il y a 25 ans, la convention n° 169 a été un facteur de transformation en profondeur vers plus de démocratie, de respect des droits de l’homme, de sociétés inclusives et de paix dans de nombreux pays, en particulier en Amérique latine et dans les Caraïbes.

La Déclaration des Nations Unies de 2007 a amplifié le mouvement global et l’engagement en faveur des droits des peuples autochtones. Mais il reste beaucoup à faire pour promouvoir la ratification de la convention n° 169 en Europe, en Afrique et dans la région Asie-Pacifique. Parmi les 22 ratifications enregistrées par l’OIT jusqu’à présent, seules 7 émanent de pays de ces régions.

Un consensus s’est dégagé pendant les négociations préparatoires au document final de la Conférence mondiale selon lequel les chefs d’Etat devraient favoriser de nouvelles ratifications de la convention. Cette avancée pourrait servir de catalyseur. Les responsables politiques et les peuples indigènes de pays comme le Bangladesh, la Finlande, El Salvador, l’Indonésie, le Panama, les Philippines et la Suède ont discuté et même activement envisagé la ratification. Le gouvernement de la République du Congo a récemment adopté un plan d’action national (2014-2017) qui prévoit la ratification de la convention n° 169 comme élément décisif pour améliorer la situation des peuples indigènes victimes d’exclusion et de pauvreté (lien vers le blog de Morse).

La convention stipule que l’Etat a pour obligation de consulter les peuples indigènes sur toutes les mesures administratives et législatives qui les concernent, notamment l’approbation de l’exploration et de l’exploitation des ressources naturelles situées sur les terres qu’ils occupent traditionnellement. La convention appelle aussi à mettre en place des mécanismes efficaces leur permettant de participer à la prise de décision.

Dans la plupart des pays, l’application de ces dispositions est un processus continu et de longue haleine qui requiert un appui, un échange d’expériences et des encouragements constants. Mais il s’agit d’investissements essentiels pour bâtir des relations fructueuses entre peuples indigènes et gouvernements, pour permettre le développement durable et la pleine réalisation des droits des peuples autochtones et de leurs légitimes aspirations.

Du point de vue de l’OIT, il convient de soutenir les activités économiques des peuples indigènes, ainsi que leur émancipation politique. Reconnaître et protéger leurs droits fonciers, c’est fondamental pour protéger leurs moyens de subsistance et leurs économies communautaires.

Comme l’a souligné l’OIT pendant la phase préparatoire à la Conférence mondiale, les métiers, compétences et savoirs traditionnels des peuples indigènes sont des atouts qui peuvent servir de base à la création d’emplois indépendants, d’entreprises et de coopératives. Les projets d’infrastructures locaux élaborés et mis en œuvre avec la pleine participation des communautés indigènes peuvent entraîner la création de petites entreprises et d’emplois au sein de la communauté.

Mais ici aussi il reste des obstacles à franchir. Le manque d’accès aux terres et autres ressources, ainsi qu’aux droits sociaux élémentaires, signifie souvent que des hommes et des femmes de ces peuples, en particulier les jeunes, n’ont d’autre choix que de partir, ailleurs dans le pays ou à l’étranger. Les femmes indigènes s’expatriant pour devenir travailleuses domestiques en sont une illustration.

Un autre problème grave est le manque d’accès à l’éducation et à la formation professionnelle conçues et mises en œuvre en coopération avec les peuples indigènes, conformément à leurs cultures et à leurs besoins. Ce problème, qui touche particulièrement les filles, place les jeunes indigènes dans une position très délicate sur le marché du travail. Sans tenir compte du fait qu’ils travaillent en zone rurale ou urbaine, les hommes et les femmes indigènes ont tendance à ne trouver que des emplois informels ou précaires où ils sont exposés à des discriminations et autres violations de leurs droits. De ce fait, ils se retrouvent également exclus de toute forme de protection sociale.

La semaine prochaine à New York, l’OIT va participer à la Conférence mondiale pour partager ses expériences de collaboration avec les gouvernements et avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, les peuples indigènes et la famille des Nations Unies afin de favoriser la ratification et l’application de la convention n° 169 et de promouvoir la justice sociale et le travail décent pour tous.