L'insécurité économique se poursuit en Ukraine: une enquête du BIT révèle que des millions de personnes vivent dans le désarroi

Article | 16 février 2004

KIEV – Selon une nouvelle enquête du BIT, douze ans après l'accession de l'Ukraine à l'indépendance, la population reste enlisée dans la pauvreté et l'insécurité; le revenu mensuel par habitant est inférieur à 100 dollars E.-U. et non moins 40 pour cent des salariés ne perçoivent plus de salaire depuis des mois.

Ces résultats proviennent de la dernière enquête sur la sécurité des personnes effectuée par le BIT et le Comité national statistique de l'Ukraine. Cette enquête, menée auprès de plus de 9 000 adultes, révèle que le salaire moyen est inférieur à ce que la plupart des personnes interrogées considèrent comme le minimum vital.

Pour ce qui est du non-versement des salaires, le pourcentage des travailleurs n'ayant pas perçu de salaire au titre de leur contrat est supérieur en 2003 à celui constaté en 2002 lors de la précédente enquête. Cette année-là, le secteur économique le plus touché était le secteur agricole.

S'exprimant lors d'une conférence internationale organisée par le gouvernement ukrainien, le BIT et le PNUD à Kiev, les 16 et 17 décembre 2003, M. Guy Standing, Directeur du programme de sécurité socio-économique du BIT, a déclaré que «l'aspect le plus dramatique des résultats de cette enquête est le sentiment d'apathie et le pessimisme ressentis par quasiment tous les groupes de la société.»

Les principaux résultats de l'enquête présentés lors de cette conférence sont, notamment, les suivants:

  • Quelque 85 pour cent des adultes estiment que le revenu de leur ménage ne permet pas de couvrir leurs besoins de santé;
  • Quatre adultes sur cinq s'attendent à ce que leur situation financière demeure inchangée ou s'aggrave avec le temps;
  • Un nombre d'adultes plus important qu'en 2002 estiment être dans la gêne: une personne sur vingt seulement pense que le revenu de son ménage progressera au cours de l'année à venir;
  • La plupart des personnes interrogées font très peu, voire aucunement, confiance aux organismes gouvernementaux pour remédier à leur situation;
  • La moitié des personnes sans emploi perçoivent régulièrement une indemnité de chômage, qui représente moins de 50 pour cent de leur précédent salaire;
  • Comme on pouvait s'y attendre, plus des deux tiers des personnes interrogées pourvues d'un emploi ne sont pas satisfaites de leur niveau de rémunération, et plus de la moitié ne sont pas satisfaites des prestations offertes par l'entreprise;
  • Les travailleurs gardent leur emploi essentiellement parce qu'ils pensent n'avoir aucune chance d'en trouver un autre;
  • Seulement un travailleur sur cinq se sent assuré de pouvoir garder son emploi au cours des douze prochains mois;
  • Seule une petite minorité de personnes peut utiliser un ordinateur ou y avoir accès;
  • Une apathie généralisée, voire des réactions anomiques, caractérisent l'attitude de la majorité des travailleurs, et la plupart déclarent qu'ils ne tenteraient rien si leur salaire ne leur était pas versé ou si d'autres événements négatifs affectaient leur emploi.
«En dépit de cette situation, les Ukrainiens semblent avoir préservé un sens de la solidarité sociale», ajoute M. Standing. Interrogées sur diverses questions sociales, une large majorité de personnes jugent les droits de l'homme très importants, au même titre que l'indépendance individuelle et le respect de la loi.

Les sondés sont favorables à une baisse des inégalités et près des deux tiers d'entre eux appuient l'idée d'un revenu minimum pour tous les citoyens ukrainiens. Près de neuf personnes sur dix approuvent le principe de l'égalité des salaires entre les femmes et les hommes, et plus des trois-quarts estiment que les immigrants légaux devraient percevoir le même salaire que les citoyens ukrainiens.

«En résumé, les valeurs sociales et autres subsistent dans une situation économique marquée par l'insécurité», a conclu M. Standing.