"Dites non au travail, oui aux livres": Réalisons nos rêves

Le train s'immobilise dans un bruit strident au milieu du terminus bondé. C'est le signal qu'attendent les porteurs pour se précipiter sur les passagers, entourés d'une nuée d'enfants vendant des boissons fraîches et des tasses de thé fumantes. Il n'y a pas si longtemps, Ramu, 10 ans, aurait été parmi ces enfants qui travaillent dans les petites boutiques aux abords de la gare.

Article | 16 juin 2004

HYDERABAD, Inde - Le train s'immobilise dans un bruit strident au milieu du terminus bondé. C'est le signal qu'attendent les porteurs pour se précipiter sur les passagers, entourés d'une nuée d'enfants vendant des boissons fraîches et des tasses de thé fumantes. Il n'y a pas si longtemps, Ramu, 10 ans, aurait été parmi ces enfants qui travaillent dans les petites boutiques aux abords de la gare.

Aujourd'hui, grâce à une initiative financée par le BIT, il est fier de dire: "Il faut que je travaille bien à l'école pour devenir quelqu'un d'important plus tard".

Shivaleela, fillette de 12 ans, a des rêves analogues. Autrefois, elle faisait la plonge pour une société de restauration offrant ses services aux petits hôtels situés au voisinage de la gare. "Maintenant que je vais à l'école" dit-elle, "j'ai aussi une chance de réaliser des choses dans ma vie."

Hyderabad, fondée il y a 400 ans, est l'une des plus grandes technopoles en expansion de cette nation de plus d'un milliard d'habitants. La ville est surnommée "Cyberabad" - "la ville la plus câblée en Inde" -, et le gouvernement travaille main dans la main avec le secteur privé pour en faire une ville de renommée mondiale.

L'un des programmes mis en place à cette fin s'intitule "Initiative du 1er octobre"; il est ainsi dénommé car c'est un 1er octobre que plus de 500 propriétaires d'hôtels de l'Etat d'Andhra Pradesh ont pris la décision, lors d'une rencontre, de ne plus employer d'enfants dans leurs établissements. Cette décision ne s'est pas matérialisée du jour au lendemain, mais après 18 mois d'efforts déployés par les propriétaires de grands hôtels pour convaincre le personnel d'adopter une position commune contre le travail des enfants.

Cette opération a aussi bénéficié de l'appui du Projet de l'OIT pour l'élimination du travail des enfants dans l'Andhra Pradesh et d'un consortium d'associations d'employeurs, du nom de CEASE Child labour, qui a fait campagne pour faire prendre conscience à ses membres propriétaires d'hôtels de la nécessité de ne plus recourir au travail des enfants dans l'hôtellerie. En Inde, l'hôtellerie s'entend non seulement des grands - et moins grands - établissements traditionnels, mais aussi des échoppes où l'on vend du thé ou du café, des petits établissements d'hébergement et des cafés-restaurants situés en bord de route.

M. C.S. Reddy, PDG de CEASE Child labour a déclaré que "l'intégration de la question du travail des enfants en tant qu'aspect fondamental dans toutes les activités des associations membres fait désormais partie de notre Charte".

Les associations d'hôteliers ont été promptes à mettre la Charte en application et ont établi un schéma directeur pour mettre un terme à la pratique du travail des enfants dans toute l'industrie hôtelière et aider les enfants qui travaillaient dans ce secteur à se réinsérer en les scolarisant.

"Les hôteliers ont vivement encouragé tous les autres employeurs à se réunir et à prendre des mesures analogues dans leurs branches d'activités respectives", a dit M. P. Joseph, coordonnateur du programme de l'IPEC en Andhra Pradesh.

Lentement, après beaucoup d'efforts individuels et collectifs, et de ferveur, les associations au niveau des districts ont commencé à changer d'attitude et à prendre position contre le travail des enfants - ce qui a abouti à l'Initiative du 1er octobre et a été salué par tous les partenaires sociaux, gouvernement, travailleurs et employeurs.

M. N.M. Adyanthaya (groupe des travailleurs) a déclaré au magazine Travail: "Ce projet sur le travail des enfants servira sans doute de modèle à d'autres programmes de l'OIT, et pourrait même faire école auprès de la plupart des nations, compte tenu du contexte de la mondialisation. La réussite de tout programme passe par la motivation des personnes qui y prennent part."

"Pour la première fois, les syndicats nationaux de tout le pays partagent le même point de vue, et le travail des enfants est une des questions pour lesquelles tous les centres nationaux du mouvement syndical sont tombés d'accord pour éliminer la menace que cette pratique représente. Tous les responsables syndicaux ont uni leurs efforts et, par le biais du programme CEASE, les employeurs et les confédérations syndicales ont instauré un 'partenariat pratique', le BIT jouant le rôle de catalyseur."

Le représentant des employeurs, M. I.P. Anand a fait observer que "si l'on ne prend pas de mesures dans le domaine de la formation professionnelle pour appuyer l'élimination du travail des enfants, ce fléau ne va pas cesser de réapparaître. Le BIT doit élaborer des projets pilotes et les exécuter, de façon sélective, notamment dans les zones rurales et défavorisées."

"Nous contribuons à la mise au point d'un programme scolaire et d'un projet d'enseignement post-primaire, dans l'optique d'ouvrir des centres de formation dans les hôtels à une, deux ou trois étoiles. Ces centres permettront aux enfants qui ont été soustraits au travail de recevoir une instruction élémentaire et une formation professionnelle continue, adaptée aux capacités des uns et des autres, et d'obtenir un emploi le moment venu. Nous collaborons et mettons tout en œuvre pour que cela puisse se concrétiser."

M. Joseph, le coordonnateur de l'OIT pour ce projet à Hyderabad, affirme, quant à lui, que: "Le BIT veille à travailler de concert avec les responsables locaux pour donner à des milliers d'enfants comme Ramu et Shivaleela une chance de devenir quelqu'un ou de faire des choses dans la vie et de réaliser ainsi leurs rêves".