Notre impact, leur histoire

Aider les réfugiés syriens à officialiser leur statut professionnel grâce aux coopératives

L’OIT collabore avec des coopératives agricoles pour aider les réfugiés syriens à obtenir leurs permis de travail pendant la période de grâce de trois mois annoncée par le gouvernement jordanien – un nouveau pas pour faciliter l’accès des réfugiés syriens au marché du travail formel.

Reportage | 27 juin 2016
SABHA, Jordanie (OIT Info) – Depuis qu’il a fui sa ville natale d’Alep en 2012, Abdel Aziz Al Hussein, 26 ans, travaille dans une ferme à Sabha, une ville du Nord de la Jordanie, près de la frontière syrienne. Il est rémunéré six dinars jordaniens (8,50 $ des E.-U.) par jour à ramasser des pêches et des nectarines pendant huit heures pour subvenir aux besoins de sa mère et de ses frères et sœurs.

Il travaille ici depuis des années, sans permis de travail valide, si bien qu’il doit rester sur ses gardes en permanence.

Alors qu’il travaille sans permis valable, Abdel Al Hussein explique qu’il vit avec la peur permanente d’être débusqué par des inspecteurs du travail.
«Quand nous sommes arrivés en Jordanie, la vie était extrêmement difficile. Nous n’avions pas de permis de travail et nous vivions constamment dans la peur d’être pris par des inspecteurs du travail», a déclaré M. Al Hussein. «Nous subissions beaucoup de pression en ce qui concerne le travail. On nous disait qu’il ne fallait pas travailler sans permis et nous craignions toujours d’avoir des ennuis avec les autorités.»

La famille Al Hussein est l’une des dix familles qui vivent dans un camp informel près de la ferme. Jusqu’à très récemment, la majorité des résidents du camp n’avaient pas de permis de travail. Ils disent qu’on les a découragés de solliciter des permis à force d’obstacles, notamment les frais de candidature élevés et le manque de documentation juridique.

Mais le plus grand obstacle, c’était la difficulté de trouver un employeur jordanien pour demander un permis de travail en leur nom.

La période de grâce

Le gouvernement a récemment pris la décision d’accorder aux réfugiés syriens une période de grâce de trois mois pour demander leurs permis de travail. Ainsi, M. Al Hussein et d’autres comme lui ont eu l’occasion de régulariser leur situation professionnelle dans certains secteurs spécifiquement ouverts aux non-Syriens.

En avril de cette année, le ministère du Travail jordanien, conformément aux recommandations de l’OIT, a supprimé les frais de candidature et autorisé les travailleurs syriens à utiliser les cartes d’identité du ministère de l’Intérieur jordanien – au lieu de passeports – pour obtenir leur permis de travail.

La décision fait suite à l’annonce par la Jordanie d’un pacte conclu lors d’une conférence des donateurs organisée à Londres plus tôt dans l’année, par lequel la Jordanie acceptait d’accueillir un certain nombre de Syriens sur son marché du travail, en échange d’un accès élargi au marché européen, de plus d’investissements et de prêts bonifiés.

Le nombre de réfugiés syriens enregistrés en Jordanie dépasse maintenant 650 000, dont la plupart vivent en dehors des camps de réfugiés. Le gouvernement estime que le nombre total de Syriens en Jordanie est supérieur à 1,3 million. Dans les communautés d’accueil, leur présence a alimenté l’économie informelle, tiré les salaires vers le bas, entravé l’accès aux services publics, et accru le recours au travail des enfants.

Dans le cadre de sa réponse à la crise des réfugiés syriens en Jordanie, l’OIT travaille avec le gouvernement en vue d’améliorer l’accès des réfugiés syriens et des membres des communautés d’accueil au marché du travail formel de Jordanie. L’OIT explore les principaux secteurs économiques afin de trouver des moyens concrets pour élargir l’accès des réfugiés syriens au marché du travail, de manière à combler les pénuries de main-d’œuvre, à bénéficier aux communautés qui accueillent les réfugiés et à contribuer à l’économie jordanienne dans son ensemble.

Le travail consiste maintenant à nouer des partenariats avec des coopératives agricoles à Irbid et Mafraq pour faciliter le processus de demande de permis de travail.

«Le gouvernement de Jordanie a pris des mesures pour faciliter les demandes des permis de travail par les réfugiés syriens mais, dans un premier temps, cela n’a pas provoqué une hausse significative des permis de travail dans le secteur agricole», a déclaré Maha Kattaa, coordinatrice de la Réponse de l’OIT à la crise des réfugiés syriens en Jordanie. «L’OIT s’est entretenue avec des cultivateurs syriens réfugiés et a constaté que, malgré ces mesures, l’absence de volonté et l’incapacité des employeurs à prendre en charge les démarches administratives étaient les principales raisons de ce démarrage poussif», a précisé Mme Kattaa.

Dès lors, le ministre du Travail, en consultation avec l’OIT, a introduit un nouveau modèle qui consiste à dissocier la demande de permis de travail d’un employeur spécifique dans le secteur agricole, et à permettre aux coopératives de solliciter des permis de travail pour les réfugiés syriens.

L’initiative prévoit la diffusion d’instructions claires aux représentants locaux du ministère du Travail pour leur permettre de délivrer des permis de travail en temps voulu à un plus grand nombre de travailleurs syriens. Elle comprend aussi des campagnes d’information au sein des communautés réfugiées sur la façon de demander un permis de travail, ainsi que sur leurs droits en vertu de la législation du travail.

Le rôle des coopératives

Mansour Al Fawaz, chef de l’Alliance des coopératives agricoles à Mafraq, a expliqué que les coopératives jouaient un rôle crucial dans ce processus.

«Notre rôle, au côté de l’OIT, est de sensibiliser à l’importance des permis de travail à travers des visites de terrains, des messages SMS et d’autres formes de communication», a déclaré M. Al Fawaz. «Nous facilitons aussi le processus en effectuant nous-mêmes les démarches administratives à l’échelon local du ministère du Travail afin que les travailleurs n’aient pas à les faire, ce qui a été une forte incitation pour les travailleurs.»

Salha Al Hussein travaille dans une ferme dans la ville jordanienne de Sabha depuis quatre ans et, jusqu’à récemment, elle ignorait qu’elle pouvait obtenir un permis de travail.
Salha Al Hussein, qui travaille à la ferme de Sabha depuis quatre ans, ne savait pas qu’elle avait droit à un permis de travail jusqu’à ce qu’elle rencontre des représentants d’une coopérative et des fonctionnaires de l’OIT. Elle dit maintenant comprendre quels sont les avantages liés à la possession d’un permis de travail.

«Ils nous ont encouragés à faire acte de candidature. Maintenant, j’ai mon permis, je suis plus à l’aise au travail. Je me sens libre.»

Mohammed Al Zboon, chef des autorités locales du ministère du Travail à Mafraq, a déclaré que son équipe assurait le succès du nouveau modèle grâce à une étroite coordination avec les coopératives locales. Depuis que la période de grâce a commencé, M. Al Zboon et son équipe ont organisé des réunions avec les travailleurs syriens pour les inciter à s’adresser aux coopératives pour qu’elles les aident.

«Cette initiative a renforcé la cohésion sociale entre les réfugiés syriens et la communauté locale. Elle aide aussi les réfugiés à trouver la stabilité dans leur travail et leur vie en Jordanie», a ajouté M. Al Zboon.

Stimuler les demandes de permis de travail

Selon le ministère du Travail, environ 12 000 permis de travail ont été délivrés aux réfugiés syriens depuis avril. Avant l’introduction de ce nouveau dispositif, le nombre de permis accordés aux réfugiés syriens dans le secteur agricole était inférieur à 200. Avec ce nouveau système, le nombre a augmenté pour atteindre 2 500 permis de travail dans le secteur agricole, dont 1 420 permis délivrés par l’intermédiaire des coopératives.

L’OIT déclare qu’elle espère que la période de grâce, qui doit s’achever le 4 juillet, sera prolongée pour permettre à l’OIT de poursuivre son travail de promotion et de soutien aux coopératives et pour atteindre davantage de personnes.

«Nous espérons toucher encore 4 000 réfugiés syriens dans le secteur agricole avant la fin de cette année et nous adresser à des travailleurs d’autres secteurs», a ajouté Mme Kattaa. «Ces efforts font tous partie du processus de formalisation du travail des réfugiés syriens en Jordanie; ils aident le gouvernement jordanien à tenir ses engagements aux termes du Pacte.»