VIH/sida

Par-delà les cloisons: les programmes de lutte contre le VIH/sida dans les entreprises indiennes

Comment l’OIT apporte son appui aux entreprises indiennes pour qu’elles adoptent des programmes de lutte contre le VIH/sida au bénéfice des travailleurs, de leurs familles et de leurs communautés.

Reportage | 29 juin 2015
CHANDRAPUR, Inde (OIT Info) – Quand Deepak Mhaisekar* a appris qu’il était séropositif, ce fut un choc pour lui.

Depuis 2001, M. Mhaisekar travaille pour Maratha Cement Works (MCW), une usine du premier fabricant de ciment d’Inde, Ambuja Cement Ltd. Ce dernier appartient au conglomérat mondial Holcim, l’un des principaux fournisseurs de ciment au monde, qui emploie 80 000 personnes sur ses sites de production implantés dans quelque 70 pays.

M. Mhaisekar a sombré dans la dépression – plus parce qu’il craignait de perdre son emploi que par inquiétude pour sa santé. Il se sentait physiquement en forme à ce moment-là et son traitement antirétroviral (ARV) a commencé il y trois ans seulement.

«Mon statut VIH a été confirmé en 2008 pour la première fois, alors qu’il n’y avait aucun signe ni symptôme lié au VIH. Il a été détecté par hasard lors d’une séance de don du sang organisée par le service de santé professionnelle de MCW», explique-t-il.

Il a confié son statut VIH à sa femme et à ses enfants et les a convaincus de se faire dépister. «Heureusement, ils étaient tous négatifs», nous raconte-t-il avec un grand soulagement.

Ses collègues ne sont toujours pas au courant de son statut sérologique: «Seuls quelques membres de ma famille connaissent mon statut. Je n’ai donc pas eu à subir de discrimination d’aucune sorte jusqu’à présent.»

M. Mhaisekar pense que le fort engagement de l’entreprise en faveur de la non discrimination à raison du VIH et pour encourager la délivrance d’un traitement antirétroviral l’a beaucoup aidé à cet égard. «Cela m’a convaincu que, même si je révélais mon statut, je ne ferais pas l’objet de discrimination», déclare M. Mhaisekar.

Cela nous a éclairé sur le besoin de plus de sensibilisation, de compréhension, et sur la nécessité de démythifier et de traiter les personnes vivant avec le VIH de façon sensible et non discriminatoire.»

Pearl Tiwari, Ambuja Cement Ltd
Parallèlement aux contrôles médicaux, il a reçu énormément de conseils et de soutien de personnes spécialement formées. «Le personnel de l’hôpital m’a beaucoup aidé en m’expliquant les détails techniques du VIH et du sida et quand le traitement ARV a finalement commencé, ces personnes m’ont aidé à surmonter les effets secondaires en m’apportant le soutien moral et le traitement appropriés. Grâce à leur accompagnement, j’ai aussi pu profiter de ma vie sexuelle en prenant les précautions nécessaires».

Tout cela l’a motivé pour continuer à travailler au maximum de ses capacités: «En fait, cette année, j’ai obtenu les notes de 4 et 5 pendant mon évaluation de performance, ce qui signifie excellent et en dit long sur l’effet bénéfique de la politique de l’entreprise. Cela prouve aussi qu’une personne qui vit avec le VIH peut fournir un travail équivalent à celui d’une personne qui vit sans VIH, voire meilleur.»

Un long chemin à parcourir

Pearl Tiwari qui dirige le département de la responsabilité sociale de l’entreprise chez Ambuja Cement Ltd admet que sa société a fait beaucoup de chemin au cours des 10 ou 12 dernières années: «Auparavant, nous manquions d’information et de sensibilité à l’égard du VIH/sida.»

«Notre coopération avec l’OIT et la mise en place d’une politique par l’entreprise nous ont éclairés sur le besoin de plus de sensibilisation, de compréhension, et sur la nécessité de démythifier et de traiter les personnes vivant avec le VIH de façon sensible et non discriminatoire.»

Des travailleurs lors d'une réunion consacrée au VIH.
Elle a aussi aidé l’entreprise «à regarder au-delà de ses grilles, de son périmètre immédiat, et à travailler avec des groupes spécifiques – nos propres chauffeurs, ainsi que des travailleurs du sexe, entre autres, afin de créer une prise de conscience non seulement à l’intérieur de nos usines mais alentour aussi».

Le partenariat entre l’OIT et Ambuja Cement Ltd remonte à 2004. L’OIT avait aidé à préparer une politique de lutte contre le VIH/sida au travail et à former des groupes d’employés comme maîtres formateurs en provenance de toutes les unités d’Ambuja Cement. Chaque année, 15 à 20 employés sont formés par l’OIT comme formateurs. Ils contribuent à sensibiliser aux questions de VIH/sida au sein de la société et dans les communautés avoisinantes.

Ambuja Cement est aussi partenaire de l’OIT dans le cadre de la campagne «Objectif zéro au travail» qui a été lancée en Inde en 2013. S’appuyant sur cette campagne, l’initiative VCT@work est mise en œuvre pour promouvoir le conseil et le dépistage volontaires parmi les travailleurs, en offrant l’accès à des informations et services liés au VIH et au sida. En 2013 et 2014, plus de 6900 et 5400 personnes ont été respectivement touchées par cette sensibilisation.

Selon le Dr Prakash Pokharna, la personne en charge du programme sur le VIH/sida au travail chez MCW, Ambuja Cement Ltd, le programme réussit toujours à atteindre les employés, les travailleurs contractuels, les chauffeurs qui arrivent sur les sites de production et le voisinage. Cette initiative prise par les entreprises a contribué au programme national de contrôle du sida.

D’autres sociétés ont suivi l’exemple d’Ambuja Cement Ltd qui fut l’une des premières en Inde à instaurer une politique relative au VIH et au sida sur le lieu de travail, il y a douze ans. Grâce à l’OIT et à d’autres programmes similaires, l’Inde est parvenue à une réduction générale de 57 pour cent du nombre de nouvelles contaminations au VIH (dans la population adulte) au cours de la décennie écoulée, passant de 274 000 en 2000 à 116 000 en 2011.

«L’industrie cimentière est littéralement la pierre angulaire d’une nation. L’exemple d’Ambuja montre qu’elle peut aussi être le fondement de la responsabilité sociale des entreprises et de politiques de ressources humaines saines en matière de VIH et de sida», conclut Alice Ouédraogo, Directrice du Programme de l’OIT sur le VIH et le sida et le monde du travail (ILOAIDS). «Malgré plusieurs approches innovantes dans des entreprises à travers le monde, le rôle des partenariats public-privé dans la réponse mondiale au VIH et au sida doit encore être pleinement optimisé.»

* Le nom a été modifié pour protéger l’anonymat du travailleur interviewé.