Journée mondiale des droits de l’homme - 10 décembre

Un salaire pour vivre: un droit de l’homme

Alors que l’ONU célèbre les vingt ans de la Journée mondiale des droits de l’homme sur le thème «20 ans au travail pour vos droits», OIT Info se penche sur les problèmes auxquels font face les travailleurs mal rémunérés et qui sont au cœur des droits économiques et sociaux.

Article | 9 décembre 2013
GENÈVE (OIT Info) – Aux Philippines, Mark Castañeda se bat pour subvenir aux besoins de sa famille avec l’équivalent d’à peine plus de 10 dollars par jour (458 pesos) même s’il travaille à plein temps.

Il est employé dans une savonnerie et gagne un salaire qui ne couvre que les besoins élémentaires. S’il tombe malade, il n’a pas d’assurance médicale pour préserver son revenu.

«Ma femme, mon enfant et bien sûr mes grands-parents sont ici avec moi. Ils comptent sur moi, sur mon travail.»


 
A l’autre bout du monde, Lorna Chesney, mère divorcée, vit en Irlande du Nord et travaille à temps partiel au collège du quartier.

«La vie est assez rude parce que mon salaire est vraiment bas. Il y a même eu une époque où, quand j’ouvrais le réfrigérateur, je ne trouvais absolument aucune nourriture, et il n’y avait d’ailleurs pas grand-chose dans le buffet non plus … alors j’ai réfléchi, qu’est-ce que j’avais à vendre? Je suis revenue avec mon alliance et une vieille cafetière en argent que mon père m’avait offerte et j’ai pensé que je n’avais qu’à les vendre, ce que j’ai fait. J’ai tiré six livres de mon alliance», explique-t-elle.

Mme Chesney a eu sa propre agence immobilière – avant la crise économique – mais elle a fait faillite et maintenant son salaire se monte à un peu plus de 245 dollars par semaine. Avant, elle était relativement aisée mais maintenant elle n’a même pas les moyens de faire ce qu’elle voudrait avec sa fille.


 

Un droit fondamental

«L’un des droits humains fondamentaux est le droit à une rémunération qui permette de vivre dignement. Le préambule de la Constitution de l’Organisation internationale du Travail (OIT) identifie l’existence d’une rémunération adéquate comme l’une des conditions pour une paix durable et universelle basée sur la justice sociale», rappelle Patrick Belser, économiste principal à l’OIT. «Bien qu’il n’existe pas de montant universellement accepté qui définisse une telle rémunération, il peut être décrit comme le salaire rémunérant un travail à plein temps qui permette aux gens de mener une vie décente considérée comme acceptable pour la société», ajoute-t-il.

Ces idéaux ont été formulés en 1919, pourtant près d’un siècle plus tard des millions de «travailleurs pauvres» se battent pour joindre les deux bouts.

Dans le monde en développement, en particulier, de nombreux travailleurs comme Mark Castañeda estiment qu’ils n’ont jamais vraiment gagné une rémunération adéquate pour vivre. Le rythme de la croissance économique dans les économies émergentes ou en développement ces dernières années n’a pas généré du «travail décent» pour tous – un travail qui réponde aux aspirations des gens dans leur vie professionnelle, en leur apportant un revenu décent.

Même dans les économies avancées, où le revenu moyen est bien plus élevé, l’aspiration à une rémunération adéquate n’est pas toujours satisfaite. Beaucoup de personnes comme Lorna Chesney ont perdu leur emploi ou leur revenu au cours de la crise économique mondiale et, quand elles ont trouvé à nouveau du travail, elles gagnaient moins qu’auparavant. Cette tendance a contribué au creusement des inégalités dans de nombreux pays.

Maintenant que la reprise est là – même lente – beaucoup de ceux qui gagnent un salaire décent ont peur de le perdre. Ils sont sur le fil du rasoir et, s’ils sont déstabilisés, cela risque de les pousser vers la pauvreté.

Paul Mansfield, qui réside dans le New Jersey aux Etats-Unis, est l’un de ceux, nombreux, qui vit avec cette crainte de perdre son emploi. Il travaille pour la même société d’impression depuis 25 ans, en tant que directeur de production. La société fonctionne à perte et, s’il a réussi jusqu’à présent à conserver son emploi, il se demande pour combien de temps encore.


 

Solutions

Dans les pays pauvres, la capacité de rémunération des entreprises est si faible que les salaires sont souvent inférieurs à ce qui peut être considéré comme suffisant pour vivre dignement. Selon M. Belser, une partie de la solution consiste pour les gouvernements à mener des politiques qui soient propices à la croissance économique et à une productivité accrue, y compris en améliorant les possibilités d’instruction et de formation.

«Mais le fait qu’ils soient des travailleurs pauvres dans des pays riches montre que la croissance économique à elle seule ne suffit pas. Les syndicats peuvent aussi contribuer à obtenir un salaire équitable pour les travailleurs mal payés», explique-t-il. «C’est l’une des raisons pour lesquelles l’OIT s’emploie à renforcer les syndicats à l’échelle mondiale. Ils sont indispensables pour permettre aux travailleurs et aux employeurs de négocier des augmentations de salaire et des améliorations des conditions de travail, et pour s’assurer que les augmentations de salaire aillent de pair avec la productivité. En outre, l’OIT encourage les gouvernements à travers le monde à fixer des salaires minimaux qui prennent en compte non seulement les facteurs économiques mais aussi les besoins des travailleurs et de leur famille.»

«Les initiatives en faveur d’un salaire vital, comme celles lancées par le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, ainsi que les mesures adoptées par les multinationales pour instaurer des salaires vitaux dans leurs chaînes d’approvisionnement ont été également utiles. Toutefois, elles ne doivent pas être considérées comme des substituts aux droits syndicaux, aux salaires minimaux ou aux négociations collectives», ajoute M. Belser.

Des études ont montré que verser aux employés un salaire équitable peut être profitable aux employés comme aux employeurs. Cela motive le personnel à travailler davantage et mieux et contribue à créer la paix au travail et une productivité plus élevée.

Cette année marque le vingtième anniversaire de la Journée des droits de l’homme de l’ONU. Les Nations Unies ont mis en avant, entre autres, «les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques, et le droit au développement». Le salaire équitable est au cœur des ces aspirations.