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Les partenariats public-privé au service d’une meilleure couverture par l’assurance

Haïti, le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental, a connu plus que son lot de catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme. Dans un pays comme Haïti, non seulement la microfinance est pourvoyeuse d’emplois et de revenus, mais elle devient une stratégie de secours et de survie après une catastrophe. Reportage de Sarah Bel, chargée de l’information au Fonds pour l’innovation en micro-assurance, sur le rôle essentiel que jouent les partenariats public-privé pour accroître la qualité et l’accès aux produits d’assurance pour les travailleurs à faible revenu.

Article | 10 avril 2010

LES CAYES, Haïti (BIT en ligne) – Josette Lazarre est une infirmière de 48 ans, mère de trois enfants, qui a perdu son mari dans le séisme de 2010.

Quand des pluies torrentielles se sont abattues sur Haïti en juin 2011, provoquant des coulées de boue, des inondations et la destruction des biens, Josette a perdu toute sa marchandise – des fournitures médicales comprenant des tablettes de purification de l’eau, des solutions de réhydratation orale et des médicaments.

Heureusement, elle avait souscrit la Kore W, le terme créole pour «Renforcez-vous», une assurance qui protège les petits entrepreneurs dans l’éventualité d’une catastrophe naturelle, fournie par Fonzoke, la plus grande institution de microfinance du pays. Elle a rapidement reçu son remboursement (environ 125 dollars), son crédit en cours a été annulé et elle a obtenu un nouveau prêt.

«Cela m’a permis de redémarrer, a déclaré Josette. Fonzoke m’a procuré les premières fournitures médicales et une formation pour monter mon officine pharmaceutique et la faire tourner». Forte de ce soutien, Josette a pu répondre rapidement quand l’épidémie de choléra a frappé sa communauté.

500 millions d’adhérents à la microassurance

A l’échelle mondiale, le nombre de régimes d’assurance qui protègent les entrepreneurs à bas revenus comme Josette a considérablement augmenté au cours des cinq dernières années.

Une recherche récente menée par le Fonds pour l’innovation en microassurance de l’Organisation internationale du Travail et par la Fondation Munich Re estime que 500 millions de personnes à faibles revenus dans le monde ont dorénavant accès à des produits d’assurance accessibles et sont couverts contre les accidents, les maladies, le décès de proches, les catastrophes naturelles ou les pertes d’actifs, ce qui représente un essor considérable au cours des dernières années.

Malgré cette ampleur nouvelle, la répartition régionale de la microassurance n’a pas véritablement changé et l’Asie reste le fer de lance de la croissance.

Environ 80 pour cent des clients vivent en Asie, 15 pour cent en Amérique latine et 5 pour cent en Afrique. A l’échelle mondiale, quelque 60 pour cent des clients de la microassurance sont indiens. Ils sont couverts par le biais de régimes de santé de masse qui fournissent une protection sociale à plus de 50 millions de familles; l’assurance vie et les assurances agricoles ou du bétail concernent plus de 160 millions de personnes à faibles revenus, souvent financés en partie par les pouvoirs publics. En Chine, au moins 40 millions de personnes à bas revenus peuvent avoir accès à l’assurance, essentiellement par le biais de compagnies d’assurance d’Etat.

Plusieurs facteurs contribuent à cette progression exponentielle, le plus significatif étant l’engagement des gouvernements à utiliser l’assurance pour atteindre leurs objectifs de politique publique.

Le soutien des pouvoirs publics est un moteur essentiel de la croissance

Certains gouvernements contribuent au développement du marché en mettant en place une réglementation de la microassurance et en soutenant les partenariats public-privé (PPP).

Comme l’affirme Dirk Reinhard de la Fondation Munich Re, «les défis sont souvent trop importants pour être relevés par des acteurs isolés. Nous avons besoin d’approches stratégiques à l’échelle des pays, comme celle qu’ont adoptée les Philippines et qui voit le secteur de l’assurance, le gouvernement, les bailleurs et les organisations représentant les clients unir leurs forces».

Plusieurs pays, notamment l’Afrique du Sud, l’Inde, le Pérou et les Philippines, ont créé des environnements réglementaires propices à l’insertion financière en supprimant les obstacles et en instaurant des primes pour que les assureurs aillent sur ce marché. En 2005, par exemple, le législateur indien a promulgué les «règles de la microassurance» qui ont réduit les exigences de certification pour être agent de microassurance et qui définissent ce qu’est un produit de microassurance.

Cette réglementation favorable a légalisé des canaux de distribution alternatifs pour permettre aux assureurs de diversifier leurs méthodes de diffusion. Une réglementation du même type a également été récemment approuvée au Brésil.

Les PPP sont une bonne manière d’exploiter les forces des diverses parties prenantes afin de monter en gamme et de faire appliquer des normes de qualité et d’efficacité. De manière générale, les gouvernements peuvent garantir un financement, attirer des réassureurs pour protéger contre la sécheresse et les catastrophes naturelles, fournir des infrastructures (par exemple des installations de soins médicaux), maintenir un portefeuille de risques stable et promouvoir l’éducation à l’assurance. Le secteur privé est intrinsèquement perçu comme davantage capable d’innover, d’améliorer l’efficacité et de répondre aux besoins des clients.

En Inde, l’un des plus grands partenariats public-privé est le Rashtriya Swastya Bima Yojana (RSBY), le programme national d’assurance hospitalière pour les ménages à bas revenus, un régime qui est géré par des compagnies d’assurance publiques et privées. Dans ce cadre, par exemple, ICICI Lombard, la plus grande compagnie d’assurances générales du secteur privé en Inde dispense une couverture santé à plus de 7 millions de familles.

«Sans l’autorité du gouvernement indien, le mouvement de croissance serait rétrogradé d’extraordinaire à juste remarquable», a déclaré Craig Churchill, qui dirige le Fonds de l’OIT pour l’innovation en microassurance.

Qualité ou quantité?

La tendance optimale, c’est que davantage de familles à bas revenus aient accès à une plus grande variété de produits de qualité pour gérer les risques.

La croissance de la microassurance a reposé jusqu’à présent sur quelques pays engagés mais dans de nombreuses régions elle n’est pas encore implantée.

Puisque davantage de responsables politiques et d’inspecteurs d’assurance suivent l’exemple des pays pionniers et s’inspirent de leurs expériences, le rayonnement de la microassurance devrait connaître un nouvel élan. Même dans les pays où la microassurance existe déjà, elle devrait s’étendre encore si les responsables politiques augmentent leurs subventions aux primes et renforcent leur engagement au sein des PPP pour atteindre leurs objectifs de politique publique avec des budgets limités.

Le principal enjeu pour développer ce marché se situe du côté de la demande: il s’agit de créer des conditions encourageant les ménages à bas revenus à opter naturellement pour l’assurance parmi les outils de gestion des risques dont ils disposent. Mais les gouvernements, les assureurs et les fournisseurs de soins médicaux (dans le cas de l’assurance maladie) doivent aussi conserver la confiance du marché en proposant des indemnisations efficaces et à des services de qualité de manière à tirer parti d’un nouvel effet d’entrainement.