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Redonner de l’éclat à un artisanat ancien: la formation des jeunes dans l’industrie du cuivre en Inde

En Inde, le faible niveau d’instruction, le manque de qualifications, de diplômes ou de certificats dans un domaine technique limitent considérablement les chances de trouver un emploi lucratif pour un grand nombre de jeunes gens. Un nouveau programme de développement des compétences et de formation propose cependant une alternative. Neelam Agnihotri, chargée de communication au Bureau de l’OIT à New Delhi, nous adresse un reportage sur cette initiative qui offre aux jeunes de nouveaux emplois dans l’industrie traditionnelle et séculaire de l’artisanat du cuivre à Moradabad, dans le Nord de l’Inde.

Article | 27 mars 2012

MORADABAD, Inde (Nouvelles de l’OIT) – L’industrie du cuivre est un brillant exemple d’un commerce local au lustre mondial. A Moradabad, plus de 25 000 petites unités de fabrication produisent 80 pour cent de l’artisanat du cuivre, représentant près de 33 pour cent de l’artisanat indien qui va ensuite se retrouver dans des ateliers plus importants, être vendu à des fabricants, à des exportateurs et finalement aux commerçants du monde entier.

Après avoir obtenu son diplôme, Mohammad Kashif, jeune homme de 23 ans, a commencé à travailler dans l’une de ces petites unités de production d’objets en cuivre que possède son père. Au début, Mohammad ne faisait qu’utiliser la foreuse mais, bientôt confronté à de multiples tâches, il s’est rendu compte que seule une formation théorique pourrait l’aider à gérer l’entreprise efficacement.

Il a d’abord opté pour un module de formation directement lié à son travail et a fait bon usage de cet apprentissage. Il n’a pas seulement appris à organiser son travail de manière systématique, il a pris conscience de l’importance d’adopter une posture ergonomique correcte et d’installer un meilleur éclairage.

«Grâce à cette formation théorique, nous avons modifié notre façon de travailler. Par le biais d’une approche professionnelle, nous avons réussi à augmenter la productivité de notre unité de plus de 50 pour cent», explique M. Kashif. Sa réussite l’a encouragé à opter pour une formation sur des modules complémentaires.

M. Kashif a eu de la chance comparé à d’anciens artisans comme Dilshad Hussain. Ce graveur sur cuivre, âgé de 60 ans, qui s’est vu conféré le titre de maître artisan par le gouvernement de l’Inde en 2005, a dû suivre un long et fastidieux parcours pour acquérir par lui-même les qualifications nécessaires pour ce travail. Né dans une famille de graveurs sur cuivre, où l’artisanat se transmet traditionnellement d’une génération à l’autre, il a abandonné l’école primaire à l’âge de 10 ans pour aider son père au travail et apprendre le métier.

Comme M. Dilshad, la plupart des artisans indiens n’ont suivi aucune formation théorique et ont peu ou pas d’instruction. Ils acquièrent leurs compétences sur le tas en tant qu’apprentis, un processus qui dure plusieurs années et atteint souvent un plateau où l’on ne peut plus espérer de nouveaux progrès.

Initiative de développement des compétences pour former un million d’Indiens

La situation de la formation est particulièrement difficile dans l’économie informelle tentaculaire de l’Inde. C’est pourquoi le gouvernement a adopté une stratégie à plusieurs volets pour s’attaquer aux problèmes qui se posent.

L’un d’eux est l’Initiative de développement des compétences (SDI en anglais) destinée à former un million de personnes à des qualifications professionnelles adaptées à la demande sur une période de cinq ans (2008-2012). Par la suite, un million de personnes supplémentaires seront formées chaque année pour favoriser la formation qualifiante, la certification et l’élévation des qualifications dans le secteur informel. La formation intitulée Compétences employables modulaires (MES en anglais) propose des cours flexibles à court terme aux personnes qui ont un niveau d’instruction limité et ne peuvent pas se passer très longtemps d’un emploi rémunéré.

A la fin de leur formation, les stagiaires sont évalués par des organismes indépendants et se voient décerner par la Direction générale de l’emploi et de la formation des certificats reconnus par le gouvernement. Les organismes de formation professionnelle comme les instituts gouvernementaux de formation professionnelle, les écoles polytechniques et les instituts de formation privés doivent être enregistrés auprès de leur gouvernement local pour pouvoir dispenser une formation dans le cadre du système MES.

Développer des profils de carrière

La formation contribue aussi au développement de profils de carrière puisque les compétences acquises de la sorte sont également transférables vers d’autres activités/secteurs permettant une mobilité professionnelle. Jusqu’à présent, plus de 500 stagiaires, 30 formateurs, des instituts de formation, des organismes de formation professionnelle et d’autres acteurs des trois catégories ont bénéficié du programme.

L’OIT collabore avec le ministère du Travail et de l’Emploi et d’autres partenaires pour soutenir la mise en place de la SDI grâce à des programmes pilotes dédiés à trois secteurs: le travail domestique (Dehli), l’artisanat du cuivre (Moradabad, Uttar Pradesh) et la verrerie (Firozabad, Uttar Pradesh).

«Ces programmes considèrent le développement des compétences comme faisant partie intégrante des efforts déployés pour améliorer la productivité et la compétitivité, ainsi que les conditions de travail dans ces secteurs. En proposant des trajectoires professionnelles, les programmes s’efforcent d’établir un modèle pour résoudre les problèmes de qualifications dans l’économie informelle en donnant davantage de visibilité, de structuration et de reconnaissance formelle aux qualifications acquises», explique Paul Comyn, spécialiste principal en matière de compétences au sein de l’équipe Travail décent de l’OIT pour l’Asie du Sud.

Selon M. Comyn, «le développement des compétences est une priorité fondamentale, pas seulement pour le développement socioéconomique de l’Inde, mais aussi pour préserver son rythme de croissance soutenu et intégrer sa jeune population. La formation qualifiante est utile pour améliorer l’employabilité de la main-d’œuvre et lui faciliter l’accès à un travail décent».

L’une des caractéristiques particulières de l’Initiative SDI de l’OIT et du ministère du Travail est que le programme d’études, les modules de formation et le niveau des compétences sont déterminés pour des procédés spécifiques (comme la gravure mécanique ou à l’eau forte du cuivre) pour lesquels il n’existe aucun matériel ou programme de formation théorique disponible. Les modules sont élaborés pas à pas grâce à la mémoire institutionnelle des maîtres artisans, des artisans, des ouvriers, des instituts techniques, des représentants de l’industrie et d’autres.

Dilshad Hussain est l’un des artisans qui ont pris part à la mise au point du programme. Il est passionné par son métier et voyage beaucoup pour aller former de jeunes artisans. Etre associé au programme de l’OIT lui a fait réaliser l’importance d’une formation qualifiante théorique. «Ce que j’ai acquis en plus de 40 ans, j’aurais pu l’acquérir plus tôt si j’avais pu suivre une formation qualifiante formelle et systématique», conclut Dilshad Hussain.