9 août – Journée internationale des populations autochtones 2008 – S’organiser pour sortir de la pauvreté: les populations autochtones des Philippines

Il existe plus de 5 000 peuples autochtones différents qui vivent dans quelque 70 pays dans le monde. Environ 70 pour cent d’entre eux se trouvent en Asie et dans le Pacifique, le plus souvent dans des zones rurales isolées. Beaucoup ont du mal à garder le contrôle de leurs terres et de leurs ressources et sont confrontés à de hauts niveaux de discrimination et de pauvreté. Reportage du BIT en ligne depuis les Philippines où les peuples indigènes ont réussi à s’organiser pour mieux faire entendre leur voix.

Article | 7 août 2008

LAC SEBU, Philippines (BIT en ligne) – Le Lac Sebu est connu comme étant la capitale estivale de la province philippine du Mindanao du Sud en raison de son climat tempéré, de sa vue panoramique et de son héritage culturel riche.

Cependant, au milieu de cette beauté et de cette sérénité, le Lac Sebu a aussi été le théâtre des luttes des populations indigènes pour défendre leur terre, leurs droits et leur culture.

Le Lac Sebu abrite la tribu T’boli – l’un des 110 groupes tribaux et peuples autochtones des Philippines – qui représente 70 pour cent de la population locale. Récemment, des routes ont été aménagées entre l’autoroute nationale jusqu’au Lac Sebu, facilitant son accès aux migrants et aux commerçants venus des villes.

«Mon père possédait 15 hectares de terre. Les colons et les habitants des plaines ont essayé de sympathiser avec lui. Ils nous ont donné des conserves. Puis ils ont demandé à mon père s’ils pouvaient utiliser une petite parcelle de nos terres pour jardiner; nous ignorions qu’ils s’étendraient sur une plus grande surface», explique Blino Odon de la Fédération du domaine ancestral T’Boli du Lac Sebu et de l’Association Lahit du développement tribal.

C’est ainsi que Blino Odon et d’autres membres de la tribu ont perdu leurs terres.

«Nous ne pouvons rien faire. Nous n’avons même pas l’argent pour prendre un avocat ou déposer plainte. Les colons et les habitants des plaines abusent des peuples autochtones. Ils tirent avantage de leur faible niveau d’éducation et ont recours à l’expropriation illégale», ajoute M. Odon.

Les peuples autochtones et tribaux qui finissent «sans terre» sont un phénomène courant.

Au Lac Sebu, les marchands prêtent des fertilisants aux fermiers indigènes et aux paysans tribaux avec de forts taux d’intérêts jusqu’à ce que le prêt atteigne un niveau auquel ils ne pourront plus rembourser leur dette. En échange, les commerçants leur demandent d’hypothéquer leurs terres.

«Les commerçants et les propriétaires ont le sens des affaires. En leur empruntant de l’argent, nous sommes passés du statut de propriétaires fonciers à celui de locataires de nos propres terres», explique M. Odon.

Ainsi, dans presque tous les pays où ils vivent, les peuples indigènes comptent parmi les plus pauvres des pauvres, ils ont les revenus les plus faibles et un accès limité à l’éducation de base, aux soins de santé et autres services. Les peuples autochtones représentent 5 pour cent de la population mondiale et plus de 15 pour cent des plus pauvres du monde.

Récemment, l’Ambassade de Finlande aux Philippines et l’Organisation internationale du Travail ont renouvelé leur engagement à réduire la pauvreté et à promouvoir les droits de l’homme auprès des populations autochtones du Lac Sebu et ont lancé la troisième phase d’un projet déjà en cours.

«Au début, notre peuple a eu des doutes quant à ce projet. Il y avait déjà eu des projets auparavant qui étaient censés nous aider, mais qui n’ont abouti à rien», raconte «Datu» Ponciano Bandalan de Barangay Bakdulong sur le Lac Sebu. «Datu» est un titre royal conféré aux dirigeants respectés ou aux membres de la famille royale.

«Avec ce projet en revanche, notre peuple n’était pas simplement traité comme bénéficiaire. Il était directement impliqué dans la planification et l’identification de ses besoins même lors de la mise en œuvre du projet. Le projet nous a aidés à développer notre communauté», ajoute-t-il.

Datu Bandalan explique que la maison tribale est utilisée pour exposer et vendre des produits indigènes, tels que le Tinalak, une fibre d’abaca teinte et tressée à la main, des ustensiles en cuivre, de l’artisanat, des bijoux et d’autres produits locaux. La maison tribale sert à accueillir des cérémonies traditionnelles, des réunions et même à régler les conflits et les disputes au sein de la communauté.

La tribu T’boli a également pris connaissance de ses droits en tant que peuple autochtone aux termes de la convention no 169 de l’OIT.

Afin de protéger et de promouvoir les droits de quelque 370 millions de personnes appartenant aux populations autochtones et tribales dans le monde, l’OIT a adopté la convention (no 169) sur les peuples indigènes et tribaux, 1989. Elle couvre une grande diversité de sujets, y compris les droits fonciers, l’accès aux ressources naturelles, à la santé, à l’éducation, à la formation professionnelle, les conditions d’emploi et les contacts transfrontaliers.

«Nous nous assurons que les peuples indigènes ont leur mot à dire dans la constitution de leur communauté et dans l’élaboration de leur avenir. Nous les encourageons à s’organiser. Chaque voix compte et les droits sont respectés. Il est important d’être à l’écoute de leurs priorités et de reconnaître leur culture», dit Linda Wirth, Directrice du Bureau sous-régional de l’OIT pour l’Asie du Sud-Est et le Pacifique. «L’OIT est engagée dans la promotion de la ratification de la convention no 169 de l’OIT aux Philippines. Nous pensons qu’il s’agit d’une plateforme pour l’action et le dialogue. C’est une façon de protéger les groupes vulnérables tels que les peuples indigènes et tribaux et de les aider à sortir de la misère à leur façon», ajoute-t-elle.