L'innovation est essentielle pour la sécurité sociale

Les pays lusophones d'Afrique prévoient d'élaborer des systèmes de sécurité sociale. L'OIT signale que pour élargir la couverture de sécurité sociale il faut faire preuve de créativité.

Article | 14 avril 2004

MAPUTO, Mozambique – Les cartons d'ordinateurs empilés contre les murs de certains bureaux de l'Institut national de la sécurité sociale du Mozambique sont un signe évident du processus d'informatisation qui permettra d'améliorer la prestation d'un service essentiel pour la lutte contre la pauvreté menée dans ce pays du sud-est de l'Afrique.

Mais le défi va bien au-delà de la modernisation de l'infrastructure. Si les ordinateurs permettent de faciliter l'enregistrement de plus de 280 000 travailleurs affiliés et d'accélérer le recouvrement des montants dus par les entreprises débitrices, problème chronique pour la stabilité financière de l'Institut, le BIT a établi que, pour améliorer la couverture de sécurité sociale des 16 millions de Mozambicains, il faudra mettre au point une stratégie basée sur l'innovation.

Conformément aux estimations de l'Organisation internationale du Travail (OIT), les systèmes institutionnels de sécurité sociale existant en Angola, au Cap-Vert, en Guinée-Bissau, au Mozambique et à Sao Tomé-et-Principe, à savoir les pays africains ayant le portugais comme langue officielle (PALOP), couvrent moins de 10 pour cent de la population active.

Ce faible taux de couverture s'explique principalement par le fait que les systèmes existants ne s'appliquent qu'aux travailleurs salariés, surtout du secteur public, dans un continent où le revenu de la majorité des familles provient de l'économie informelle.

«Chacun doit avoir accès à la sécurité sociale», a déclaré Joaquim Chissano, Président du Mozambique, à l'occasion du lancement récent à Maputo de la Campagne mondiale sur la sécurité sociale et la couverture pour tous en faveur des pays PALOP. «Pour notre gouvernement, la sécurité sociale ne représente pas un coût mais un actif, un facteur qui contribue à instaurer une société plus équilibrée», a ajouté le Président.

Le directeur exécutif du Secteur de la protection sociale du BIT, M. Assane Diop, a souligné à Maputo que la sécurité sociale doit être considérée comme «un élément clé de la lutte contre la pauvreté». Il a signalé en outre aux représentants des PALOP présents pour le lancement de cette campagne mondiale que dans un continent où la majorité des gens travaillent dans l'économie informelle «le problème du faible taux de couverture devrait être abordé sur une base communautaire en faisant appel à des techniques qui n'excluent personne».

Avec la collaboration du gouvernement du Portugal, l'OIT a entamé il y a cinq ans le programme PROSOCIAL de coopération technique pour le développement des systèmes de protection sociale dans les PALOP.

Dans une première phase, le projet s'est surtout employé à renforcer l'élaboration de politiques nationales de sécurité sociale. «Une vision de l'avenir était nécessaire», a expliqué Alessandro Giuliano, spécialiste du BIT qui a coordonné la mise au point du projet PROSOCIAL dans les PALOP.

La deuxième phase était centrée sur les instituts de la sécurité sociale, leurs activités, les fonctions qu'il conviendrait d'assumer pour augmenter la couverture et les prévisions pour l'avenir.

Quant à la troisième étape, dont l'application dans les PALOP coïncide avec le lancement de la campagne mondiale, c'est celle de la réalisation, qui consiste non seulement à mettre au point des mécanismes juridiques visant à promouvoir une politique de sécurité sociale mais aussi à prendre des mesures destinées à renforcer les instituts, en enclenchant des processus de formation et d'informatisation.

«Les nouvelles structures doivent être mises en place pour étendre la sécurité sociale aux groupes exclus, et cela par des politiques novatrices», a indiqué M. Giuliano. En Afrique, où l'économie informelle est très développée et hétérogène, il importe de créer des systèmes spécifiques.

Il faut ajouter cependant qu'une partie importante de la population n'a pas les moyens de prendre en charge sa protection sociale. Selon le rapport « Le travail décent au service du développement de l'Afrique» présenté à la fin de 2003 par M. Juan Somavia, Directeur général du BIT, ce continent compte près de 300 millions de personnes vivant dans une extrême pauvreté, avec un dollar ou moins d'un dollar par jour.

Les systèmes de microassurance représentent des expériences novatrices qui sont actuellement envisagées pour étendre la couverture aux personnes les plus démunies, dans le cadre du projet intitulé Stratégies et techniques contre l'exclusion sociale et la pauvreté (STEP), appuyé également par le Portugal.

«Les gouvernements ont la volonté de chercher des formules qui leur permettraient d'élargir la couverture de sécurité sociale, mais les débuts sont toujours très difficiles», a déclaré M. Giuliano.

Tous les PALOP sont confrontés aux problèmes de l'exclusion sociale qui témoignent de la grande ampleur de la pauvreté. Dans des pays comme l'Angola et le Mozambique, qui de surcroît sont les plus peuplés, les difficultés sont aggravées par les séquelles de conflits qui ont nui à des économies à forte vocation rurale et qui ont entraîné d'importants déplacements de population.

Le document portant sur la stratégie de lutte contre la pauvreté en Angola indique que 68 pour cent de la population est pauvre et que l'objectif est de réduire cette proportion de moitié d'ici 2015. En outre, le taux de chômage atteint 46 pour cent dans les villes.

La Campagne mondiale sur la sécurité sociale et la couverture pour tous en faveur des PALOP, mise en route à Maputo, sera également lancée à Dakar puis à Kinshasa.

Le BIT a fait observer dans le cadre de la campagne mondiale que 20 pour cent à peine des travailleurs dans le monde ont accès à une sécurité sociale appropriée.

Pour de plus amples renseignements concernant la campagne mondiale sur la sécurité sociale et la couverture pour tous, voir le site: www.ilo.org/french/protection/socsec/pol/campagne/index.htm

Pour obtenir des informations sur l'inclusion sociale dans les PALOP, voir le site: www.inclusao-palop.org/index.htm.

Pour consulter le document intitulé «Le travail décent au service du développement de l'Afrique», voir le site: www.ilo.org/french/standards/relm/rgmeet/10afrm/dg-rep2.pdf