Renforcer le rôle des hommes et des garçons dans la promotion de l'égalité entre les sexes peut contribuer à la prévention du VIH/SIDA

Depuis longtemps, on estime que renforcer les capacités des femmes est un élément crucial de la lutte contre le VIH/SIDA. Cela étant, de nouveaux éléments font apparaître un autre aspect important de cette question, à savoir que le rôle des hommes et des garçons dans la promotion de l'égalité entre les sexes peut contribuer à la prévention de l'infection par le VIH. BIT en ligne s'est entretenu avec Linda Wirth, directrice du Bureau du BIT de l'égalité entre hommes et femmes, à propos de ces questions et de la toute première initiative intergouvernementale destinée à y faire face.

Article | 25 mai 2004

En quoi l'inégalité entre les sexes est-elle préjudiciable aux hommes?

L'inégalité porte préjudice aux femmes et aux filles – mais aussi aux hommes et aux garçons – et rend les uns et les autres vulnérables, de façons différentes, à l'infection par le VIH. De fait, dans les patriarcats, les hommes y paient un lourd tribut et subissent d'énormes désavantages en matière notamment de sécurité et de santé au travail, étant donné que les hommes sont bien plus nombreux que les femmes dans les secteurs dangereux comme les exploitations minières. Ils sont davantage exposés à l'alcoolisme, aux maladies sexuellement transmissibles, aux violences et aux homicides, et risquent davantage de faire l'objet de peines d'emprisonnement. De plus, dans l'économie formelle, ils sont soumis à une pression énorme et doivent passer beaucoup de temps sur le lieu de travail.

Dans certains groupes professionnels, il en résulte que la vie est presque entièrement consumée par le «travail». L'aspect négatif du déséquilibre entre vie professionnelle et vie familiale est qu'il reste peu de temps pour la vie de couple et les enfants, que les femmes supportent l'essentiel des tâches familiales non rémunérées et qu'il est difficile dans ces conditions d'être non seulement le soutien économique de la famille, mais aussi un bon père.

Les rôles rigides assignés aux hommes et aux femmes et ce que l'on attend d'eux limitent aussi l'expérience culturelle des hommes. Dans le domaine de l'éducation, les hommes prédominent dans les matières «techniques» et les sciences naturelles, mais ils sont sous-représentés dans les études littéraires, les sciences sociales et les services humains. Les masculinités axées sur le pouvoir sont souvent liées à l'ethnocentrisme, au rejet d'autres cultures et à des entraves inflexibles et rigides au changement. Dans les zones de conflit, partout dans le monde, les masculinités militaires dominantes et violentes créent des formes extrêmes d'oppression des femmes et des filles.

Quels sont certains des avantages que l'égalité revêt pour les hommes?

Souvent, la réticence des hommes à ce que les femmes soient leurs égales se fonde sur les «avantages patriarcaux» que l'inégalité comporte pour eux, par exemple des avantages matériels et le pouvoir. Ces avantages formels sont, entre autres, des revenus généralement plus élevés que ceux des femmes et, parmi les avantages informels, le fait que les tâches domestiques et la prise en charge d'autres membres de la famille sont dévolues aux femmes. Néanmoins, nombreux sont les hommes favorables à l'égalité et beaucoup participent à des activités de sensibilisation intellectuelle, à des alliances organisationnelles et politiques et à des campagnes pour promouvoir l'égalité et mettre un terme à la violence à l'encontre des femmes.

Dans les sociétés et les familles «justes en matière d'égalité», plus d'hommes peuvent espérer des relations plus étroites, confiantes et respectueuses avec les femmes et avec les autres hommes. Ils ont davantage la possibilité de partager la joie de s'occuper de l'éducation des enfants et d'y participer, aussi bien en tant que parent que dans un cadre professionnel. Progresser dans l'égalité contribue aussi beaucoup à réduire les conflits et la violence. Les hommes, qui sont victimes de nombreuses formes de violence individuelle et institutionnelle – principalement infligées par d'autres hommes – ont beaucoup à gagner dans un monde plus pacifique et sans violence.

Les initiatives visant les hommes et les garçons auront-elles pour effet de réduire les ressources et les efforts consacrés au renforcement des capacités des femmes et des filles?

Comme l'a souligné en mars 2004 Kofi Annan, le Secrétaire général de l'ONU, dans son rapport à la Commission de la condition de la femme, «la collaboration avec les hommes et les garçons doit s'inscrire dans le contexte global de la promotion de l'égalité des sexes. Un renforcement du soutien apporté aux hommes et aux garçons ne doit pas entraîner un relâchement de celui dont les femmes et les filles ont besoin».

Les principes mentionnés dans ce rapport, qui ont été définis en vue de politiques et de programmes sur le rôle des hommes et des garçons dans l'égalité entre les sexes, sont notamment les suivants: collaborer avec les organisations de femmes et les mouvements féministes, et rendre compte à celles-ci de l'action menée; veiller à ce que le financement des activités de collaboration avec les hommes et les garçons en vue de l'égalité entre les sexes ne soit pas au détriment du financement actuel ou futur des activités de renforcement des capacités des femmes et des filles; et élaborer des politiques intégrées plutôt que des mesures isolées et parallèles en faveur des femmes ou des hommes. L'observation de ces principes permettrait de s'assurer que les politiques en matière d'égalité se concentrent sur les relations entre hommes et femmes et non sur les femmes ou les hommes séparément.

Pourquoi parler du rôle des hommes et des garçons? Renforcer les capacités des femmes ne revient-il pas à promouvoir l'égalité entre les sexes?

Souvent, l'objectif de l'égalité entre les sexes est considéré comme une question qui concerne d'abord les femmes. Pendant les années soixante-dix, l'accent était mis sur les seules femmes et l'heure était au Programme de promotion du rôle de la femme dans le développement (Programme RFD). On est passé dans les années quatre-vingt à l'approche «femmes, hommes et développement». Cette nouvelle perspective sur les relations entre les sexes a permis de se préoccuper davantage des hommes et des garçons. Leur rôle pour remettre en question et modifier les rapports de force inégaux est essentiel.

Au fil des ans, on s'est davantage intéressé au rôle que les hommes et les garçons peuvent jouer pour renforcer l'autonomie des femmes au foyer, dans la communauté, sur le marché du travail et sur le lieu de travail. Une meilleure compréhension des rôles des hommes et des femmes et de leurs relations au travail et au foyer peut accroître l'efficacité des mesures et des initiatives destinées à surmonter les inégalités.

La précarité croissante des conditions de vie et des moyens de subsistance de beaucoup d'hommes et de femmes, l'évolution négative de la proportion hommes/femmes dans certaines régions, les effets des restructurations économiques à l'échelle mondiale sur l'économie des ménages et la pandémie du VIH/SIDA touchent principalement les femmes et les enfants, mais aussi beaucoup d'hommes marginalisés. Il est donc essentiel que les hommes et les garçons jouent un rôle dans la promotion de l'égalité entre les sexes.

Comment les hommes – au foyer, sur le lieu de travail, dans la communauté et à l'échelle nationale – peuvent-ils promouvoir l'égalité entre les sexes?

Dans son rapport, M. Annan fait observer que les attitudes et les valeurs des hommes et des garçons, en tant que pères, frères, maris ou amis, ont une incidence directe sur les femmes et les filles qui leur sont proches. Il est très important, pour promouvoir l'égalité dans l'emploi rémunéré, que les hommes partagent les responsabilités familiales – entre autres, tâches ménagères et prise en charge des enfants et des membres de la famille âgés, handicapés ou souffrants. Les hommes qui occupent des postes de décision dans les domaines économique et politique et ceux qui administrent les ressources publiques peuvent faciliter les réformes en faveur de l'égalité. Ils peuvent aussi appuyer les lois destinées à protéger les droits des femmes et des enfants.

Les hommes et les garçons peuvent aussi jouer un rôle crucial dans la lutte contre le VIH/SIDA et contre la violence à l'égard des femmes. L'OIT a défini des mesures destinées à combattre l'inégalité entre les sexes en matière de VIH/SIDA (entre autres, formation sur le lieu de travail pour les hommes et les femmes – séparément et ensemble – à propos de la sexualité, de la violence au travail, des responsabilités familiales et de la santé génésique). La violence et le harcèlement à l'encontre des femmes et des hommes au travail ne sauraient être tolérés et la mise en place de services médicaux sur le lieu de travail est encouragée afin de pouvoir diagnostiquer et traiter les infections sexuellement transmissibles qui accroissent la vulnérabilité au VIH.

Note: La question du rôle des hommes et des garçons dans la promotion de l'égalité entre les sexes a été examinée pour la première fois à l'échelle intergouvernementale dans le cadre de la réunion d'experts que la Division de l'ONU de la promotion de la femme a organisée du 21 au 24 octobre 2003 à Brasilia (Brésil). Cette réunion sans précédent a porté essentiellement sur le rôle des hommes dans l'égalité entre les sexes et sur des questions se rapportant au lieu de travail et au VIH/SIDA. Plusieurs des experts ont soumis des recommandations dans le cadre d'une réunion de haut niveau de délégués gouvernementaux à la 48e session de la Commission de la condition de la femme, qui s'est tenue à New York du 1er au 12 mars 2004. L'OIT poursuit cette action de bien des façons: en décembre 2003, le Programme de l'OIT sur le VIH/SIDA et le monde du travail (ILO/AIDS) et le Bureau de l'égalité entre hommes et femmes ont organisé une réunion au siège à Genève pour informer les fonctionnaires du BIT sur les conclusions de la réunion d'experts de Brasilia. Le Bureau élaborera aussi des documents d'orientation et de formation sur l'intégration des questions relatives aux hommes et à la masculinité dans les activités du BIT, en particulier en matière de sécurité au travail, de migration et de VIH/SIDA.

Pour un complément d'information sur la réunion de Brasilia et sur les documents du BIT soumis à cette occasion, voir www.ilo.org/gender.

Des informations peuvent aussi être obtenues auprès de la Division de la promotion de la femme, Département des affaires économiques et sociales, 2 UN Plaza, DC2-12th floor, New York, NY 10017, Etats-Unis d'Amérique (télécopie: +1212/963-3463) et à l'adresse suivante: www.un.org/womenwatch/daw. On trouvera un résumé de la réunion de Brasilia, des documents et les rapports des experts à www.un.org/womenwatch/daw/egm/men-boys2003, et des informations sur la Commission de l'ONU de la condition de la femme à www.un.org/womenwatch/daw/csw.