Colombia in 2016
  • Superficie: 1141,748 km2
  • Population: 48,320,000
  • Capitale: Bogotá
  • 4ème pays producteur d'huile de palme dans le monde
  • Statistiques clés

Le contrat direct ouvre une nouvelle ère dans le secteur de l’huile de palme de Colombie

Notre impact, leurs histoires

Les travailleurs de l’industrie agroalimentaire de l’huile de palme en Colombie ont obtenu des accords de formalisation à l’issue d’une négociation tripartite complexe. Pour José Guarín, c’est l’occasion de réaliser ses rêves. Il reste encore beaucoup à faire dans ce secteur mais ce succès est un bon début.

Un rêve devenu réalité



Minas, Colombie

Quand on arrive au hameau de Minas, dans la zone colombienne de El Cesar, on voit des palmeraies à perte de vue. Sur les chemins qui traversent les plantations se déplacent de nombreux travailleurs chargés de couper et ramasser les fruits dont sortira le produit final : l’huile de palme.

La Colombie est le quatrième producteur d’huile de palme du monde, avec une production d’environ un million trois cent mille tonnes par an. L’industrie crée 35 000 à 40 000 emplois directs.
« Je coupe tous les jours 250 régimes environ. Trois tonnes en moyenne », raconte José Guarín. Equipé d’une lame attachée au bout d’une perche pour atteindre les fruits, il se déplace sous les palmiers jusqu’à l’endroit choisi. « Être coupeur, ça veut dire que je dois sélectionner les régimes qui sont mûrs, les couper, et  les descendre du palmier pour la transformation ».

« Il faut se mettre dans un endroit sûr en sachant que je vais faire tomber les feuilles qui sont sous le régime et ensuite le régime » explique-t-il. Les fruits tombent avec fracas par terre, où un autre travailleur les ramasse pour les mettre dans un chariot tiré par un cheval. Vers midi, il fait trop chaud et la récolte se termine. Les régimes vont vers la zone de production de l’huile, à l’autre bout de la plantation.



Guarín est un des 225 travailleurs de l’entreprise Palmas del Cesar S.A. qui ont reçu une bonne nouvelle à la fin de l’année dernière : suite à un accord tripartite, ils ont obtenu un contrat direct avec le producteur d’huile de palme, après avoir travaillé des années par le biais d’un intermédiaire. 

Ce contrat est devenu possible grâce à la signature d’un accord de formalisation des emplois sous l’égide du ministère du travail colombien, après une intense négociation avec l’entreprise propriétaire et le syndicat Sintrainagro, mobilisé pour en finir avec des formules considérées comme des relations professionnelles « ambigües ou déguisées ».

L’OIT a soutenu ce processus par le biais d’un programme de promotion des accords de formalisation de l’emploi dans cette zone de la Colombie, dans le cadre du projet de coopération technique « Promotion du respect des normes internationales du travail en Colombie, financé par le Département du travail des Etats-Unis (USDOL).

Pour moi, la formalisation me donne la possibilité de réaliser les rêves que j’ai depuis des années… Je peux commencer à travailler à un projet de vie. »

José Guarín, Coupeur de palmiers et président de SINTRATERCERIZADOS
Guarín est aussi président de SINTRATERCERIZADOS, le syndicat qui rassemble les travailleurs engagés par des intermédiaires. Il vit avec sa femme, ses enfants, ses frères et son père à San Alberto, à quelques kilomètres de la plantation.

Il explique « pour moi, le contrat direct est un succès. Depuis 2006 où j’ai commencé à travailler, j’avais un contrat en coopérative ou d’autres formes d’intermédiaires, qui m’interdisait de m’affilier à un syndicat ; je n’ai jamais pu discuter de mes avantages sociaux. Je ne pouvais pas discuter des garanties du travail. Je n’avais aucune possibilité de m’organiser pour défendre mes droits. Maintenant, je peux dire que je suis affilié à un syndicat et grâce à lui, je peux défendre les droits de tous les travailleurs. »

Un succès important

L’accord de formalisation de l’emploi est un succès important dans le secteur de l’huile de palme où les conflits sociaux sont historiquement légion. Il a été précédé par une grève de trois mois et des négociations difficiles. L’entreprise s’est aussi vu infliger une amende par le ministère du travail, justement en raison de l’existence de relations d’emploi ambigües et déguisées, ce qui a contribué à accélérer la négociation.

Ce type d’accord permet aux employeurs d’éviter des sanctions pour violation des normes du travail correspondantes, et permet aux travailleurs de bénéficier des avantages d’un contrat direct avec leur véritable employeur.



Fabio González, gérant de l’entreprise Palmas del Cesar, explique « la formalisation est clairement une amélioration, une amélioration fondamentale, ce qui veut dire qu’il y a de nouveaux défis à gérer, mais le premier grand avantage, c’est la paix sociale. »

Dans un entretien dans les bureaux de l’entreprise dans la ville voisine de Bucaramanga, González souligne « la négociation a été un peu difficile. Mais pas seulement pour l’entreprise, ça a été difficile pour le ministère du travail, les travailleurs, les syndicats, parce qu’il y avait beaucoup de choses à intégrer dans cette équation, il y a beaucoup de choses à changer, tout changement suscite des résistances. »

Il est évident que ça a créé un conflit pour nous, mais le conflit finit par faire partie de la solution. »

Fabio González, gérant de l’entreprise Palmas del Cesar
De leur côté, les syndicats considèrent que dans le secteur de l’huile de palme, les entreprises sont traditionnellement réticentes vis-à-vis de la formalisation, et que la décision du gouvernement d’infliger des amendes pour les infractions les a aidé à obtenir les accords.


« Dans le secteur de l’industrie agroalimentaire de l’huile de palme, la situation des travailleurs est assez précaire, et on peut dire avec certitude que 80 pour cent des travailleurs de l’huile de palme en Colombie sont engagés par des intermédiaires sous différentes modalités », affirme René Morales, coupeur de palmiers et secrétaire du comité des plaintes et réclamations de SINTRAINAGRIO.  

« Ça veut dire au moins 30 000 travailleurs embauchés illégalement par des intermédiaires », ajoute Morales.

Il souligne en même temps l’importance de l’accord de formalisation des emplois dans la zone de El Cesar, non seulement parce qu’il garantit la stabilité de l’emploi aux travailleurs, mais parce qu’il favorise la liberté syndicale.

Ici en Colombie, les travailleurs sans contrat direct ne peuvent pas s’affilier à un syndicat. »

René Morales, Coupeur de palmiers, secrétaire du Comité des plaintes et des réclamations de SINTRAINAGRO
Morales also underscored the part played by the ILO programme, as “they themselves visited the area, heard what the subcontracted workers had to say and in what precarious conditions they were working”.

L’appui du gouvernement


Le ministère du travail de Colombie a contribué à l’accord de formalisation de l’emploi à Palmas del Cesar en soutenant les négociations entre employeurs et travailleurs.

« La situation de ces travailleurs va changer, ils passent à un cadre formel, avec un contrat direct » dit le vice-ministre des relations professionnelles et de l’inspection du travail, Enrique Borda.

On peut donc dire qu’avec la coopération directe de l’OIT dans ce projet, nous avons engrangé un succès qui fera date en matière de formalisation. »

Enrique Borda, vice-ministre des relations professionnelles et de l’inspection du travail
Borda ajoute  « nous voudrions reproduire cette expérience de Palmas del Cesar, et c’est ce qu’on fait dans ce secteur de l’huile de palme sur tout le territoire, et aussi dans d’autres secteurs comme les ports et les hydrocarbures ». Le ministère a déjà obtenu la signature de 100 accords de formalisation et espère que 50 de plus seront signés dans les prochains mois, selon Borda.

Les avantages de la formalisation de l'emploie

Cette expérience nous a appris que sans contrat direct, il n’y a pas de travail décent. »

Valkyrie Hanson, Chargée du projet de coopération technique de l’OIT
« Avec un contrat direct, les travailleurs ont un bon salaire, un socle de protection sociale et le respect de leurs droits au travail, y compris la liberté syndicale et la négociation collective » explique Valkyrie Hanson, chargée du projet de coopération technique sur la promotion du respect des normes internationales du travail.

« Un contrat direct et la stabilité du travail, ça change la vie » dit José Guarín.