Développement durable

Une entrepreneuse construit des maisons économiques et écologiques en Zambie

Le Programme d’emplois verts en Zambie mené par l’OIT devrait créer 5000 nouveaux emplois verts d’ici à 2017 grâce à un partenariat entre le gouvernement et le secteur de la construction.

Reportage | 3 juin 2015
© Julien Harneis
LUSAKA (OIT INFO) – La croissance économique de la Zambie, comme celle de nombreux pays en développement, a été constante, en particulier durant les dix dernières années. Elle devrait atteindre 7,4 pour cent en 2015. Mais cette croissance soutenue n’a pas débouché sur des créations d’emploi significatives et les niveaux de pauvreté restent élevés avec plus de la moitié de la population estimée vivant au-dessous du seuil de pauvreté.

Qui plus est, l’essentiel de la croissance économique est acquis à un coût considérable pour l’environnement. Selon les statistiques des Nations Unies, la proportion du territoire couverte par les forêts est passée de 71 à 67 pour cent entre 1990 et 2010. La plupart des Zambiens – 82 pour cent selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – dépend toujours de combustibles traditionnels comme le bois, la houille et le charbon de bois, ou les déchets animaux, pour satisfaire ses besoins quotidiens en énergie. En Zambie, le nombre de décès que l’on peut attribuer à la pollution de l’air par les ménages, pour toutes les catégories d’âge et pour les deux sexes, s’élevait à 8240 en 2012, selon les statistiques de l’OMS publiées en mai 2015, avec plus d’un demi-million d’années de vie perdues en raison des maladies, des handicaps ou des décès prématurés en 2012.

Cela a conduit les autorités à s’intéresser aux liens entre la création d’emplois et l’écologisation de l’économie, ce qui a abouti à la mise sur pied du Programme des emplois verts en Zambie , un projet sur cinq ans de 12,1 millions de dollars élaboré conjointement par le gouvernement de Zambie et l’ONU. Le programme a pour but de soutenir la création d’emplois verts dans les petites et moyennes entreprises du secteur zambien du bâtiment. Il est dirigé par l’Organisation internationale du Travail (OIT), avec le concours financier du gouvernement finlandais.

Une entrepreneuse apprend les techniques de construction respectueuses de l’environnement

Omba Lacey est l’une des entrepreneurs dynamiques de Lusaka qui a rejoint le programme. Elle gère une société de construction de maisons dans la capitale zambienne depuis 2007. L’an dernier, elle a participé à un formation de l’OIT «Créer votre entreprise de construction écologique». Ce fut une révélation pour elle.

«Je n’avais même jamais envisagé d’utiliser des matériaux durables dans mon travail auparavant. Maintenant, je sais que je peux utiliser des matériaux locaux comme des briques d’argile et de terre cuite et du bois pour la construction», explique-t-elle.

La formation a changé l’activité de Mme Lacey. Avec une quinzaine d’hommes et de femmes qui y ont aussi participé, elle a décidé de fonder un consortium vert pour fournir des produits et des services verts.

«Nous avons récemment construit une maison où j’ai pu mettre en pratique ce que j’avais appris. J’ai économisé beaucoup de temps et d’argent en utilisant des matériaux que l’on trouve sur place comme le bois pour la charpente, les encadrements de portes et de fenêtres, des briques de terre compressée pour les murs, la collecte des eaux de pluie pour l’eau et des panneaux solaires pour l’énergie. Le coût de construction d’une maison peut être réduit jusqu’à 70 pour cent, ce qui met aussi les maisons à la portée tous», poursuit-elle..

On lui a aussi appris à ne pas abattre tous les arbres du site de construction et à utiliser le bois des arbres qu’elle a dû couper pour construire la maison.

Auparavant, Mme Lacey aurait importé des matériaux (comme de l’aluminium et de l’acier) d’Afrique du Sud et de Chine; c’était à la fois coûteux et mauvais pour l’environnement.

«Le secteur du bâtiment a joué un rôle central dans la croissance de la Zambie ces dernières années. Il peut contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre en favorisant les matériaux de construction, services, biens et technologies respectueux de l’environnement telles que les économies d’énergie, les énergies renouvelables et la conservation de l’eau», explique Tapera Muzira, conseiller technique en chef du Programme d’emplois verts en Zambie.

«Pour faciliter ce processus, l’OIT met actuellement en œuvre un programme spécifique pour promouvoir les emplois verts dans le secteur de la construction», ajoute-t-il.

Plus de sécurité et de protection sociale

Selon les chiffres de l’OIT de 2012, la Zambie aura besoin de 1,3 million de nouveaux logements avant 2030. Ce qui correspond à la construction d’une maison toutes les deux minutes pour chaque jour ouvré au cours des 19 prochaines années. Le secteur offre donc d’excellentes perspectives de création d’emplois.

«Nous estimons que le programme va favoriser la création de 5000 emplois d’ici à 2017 par le biais de ses partenaires du gouvernement et du secteur. Il va aussi accroître la qualité des 2000 emplois qui existent déjà en améliorant la productivité et les conditions de travail», souligne M. Muzira.

Cependant, le secteur du bâtiment figure parmi les plus touchés par les accidents du travail et les lésions professionnelles, c’est pourquoi le programme de l‘OIT incorpore aussi une composante destinée à promouvoir la sécurité et la santé au travail (SST) dans l’industrie de la construction.

De la même manière, comme le secteur est encore confronté à de nombreux défis en termes de travail décent, avec de hauts niveaux d’emploi informel, de faibles droits à la retraite et la prévalence de nombreux contrats de courte durée – surtout pour les ouvriers qui vont d’un chantier à l’autre – une seconde composante a été ajoutée, qui s’intéresse cette fois à l’extension de la protection sociale aux travailleurs vulnérables du secteur de la construction.

En tant qu’entrepreneur, Mme Lacey pense que, dans l’industrie verte de la construction, la formation et la sensibilisation sont essentielles pour que le secteur contribue à la création d’emplois et au développement durable.

«Davantage de personnes doivent être formées afin que plus d’entrepreneurs comme moi puissent en bénéficier et investir dans des techniques de construction écologiques. Par ailleurs, l’accès au financement devrait être facilité surtout pour acheter des machines adaptées à la construction verte. En tant qu’employeur, je soutiens aussi les efforts déployés pour améliorer la sécurité et la santé au travail et donner aux travailleurs accès à la protection sociale», précise-t-elle.

«La Zambie a besoin de davantage d’emplois de bonne qualité pour une croissance verte et inclusive. Le programme des emplois verts en Zambie offre un bon exemple de ce qui peut être fait dans les pays en développement pour investir dans le développement durable tout en faisant progresser la SST et en élargissant la protection sociale. Nous voulons montrer qu’il est possible de combiner plus d’emplois décents avec des pratiques respectueuses de l’environnement à un coût raisonnable», conclut M. Muzira.


Le 5 juin, l'OIT lancera un nouvel ouvrage intitulé Decent Work, Green Jobs and the Sustainable Economy à l'occasion de la Journée mondiale de l'environnement. Ce livre aborde les solutions que le monde du travail peut proposer pour atteindre un développement durable qui intègre la justice sociale pour tous. Le 11 juin, la Conférence internationale du Travail tiendra un sommet ayant pour objectif d'évoquer la contribution du monde du travail pour aboutir à l'application de l'accord global ambitieux sur le changement climatique qui doit être conclu en décembre à Paris.