Convention du travail maritime, 2006

Un nouvel horizon pour les gens de mer vietnamiens

La Convention du travail maritime, 2006 est entrée en vigueur. Désormais, les pays qui l’ont ratifiée, comme le Viet Nam, s’apprêtent à la mettre en œuvre.

Reportage | 23 août 2013
Capitaine Tran Minh
HAI PHONG, VIET NAM – (OIT Info) Alors que son porte-conteneur s’engage dans le plus grand port du nord du Viet Nam, Haiphong, en ce début de matinée du mois d'août, le capitaine Tran Minh se réjouit d'aller passer une demi-journée chez lui avant de repartir pour Hong Kong. Il est impatient de voir son second fils effectuer sa première rentrée scolaire à l'école primaire, une étape marquante de sa vie.


«J’ai souvent mauvaise conscience car, depuis qu'ils sont nés, mes deux fils ne m'ont vu qu’en coup de vent, à peu près une fois tous les 15 jours. Je n’ai pas pu être auprès d’eux pour leur premier jour d'école ni m'occuper d’eux comme un père», explique ce capitaine de 35 ans, qui, depuis 13 ans, considère l'océan comme sa «seconde maison». «Mais, au moins, j’ai plus de chance que certains de mes amis marins, qui ne peuvent rendre visite à leur famille qu'une fois par an.»

Ces longues absences loin de la maison sont l’une des nombreuses difficultés qui rendent le métier de marin aussi rude. Les vagues, le vent, les conditions météorologiques extrêmes, les aliments surgelés, le manque de loisirs et d'activités sociales, et l'obligation de travailler de jour comme de nuit sont autant d'éléments qui font partie du quotidien en mer.

«Quand j'étais à l'université, on m’avait parlé des difficultés du métier. Mais c'est seulement quand j'ai commencé ce travail que j'ai réalisé qu'il était beaucoup plus dur que je ne l'imaginais», explique-t-il, en montrant sa paupière gauche meurtrie. «Il y a quelques jours, je suis tombé sur le coin d’une table à cause d’une forte houle qui faisait tanguer le navire.»

Le capitaine Minh reconnaît qu'il a plusieurs fois songé à abandonner son travail à cause des difficultés et de la pression de la famille.

«Si je pouvais trouver un emploi stable à terre, même moins bien payé, je le prendrais», ajoute-t-il.

La nature du métier de marin et la nécessité de protéger les travailleurs exposés aux risques du métier comme Minh ont conduit à l'adoption de la Convention du travail maritime (MLC) en 2006 lors d’une session extraordinaire de la Conférence internationale du Travail de l'Organisation internationale du Travail (OIT). Le Viet Nam a été le 37e pays à ratifier la convention le 8 mai 2013.

«Aux termes de la convention, tous les gens de mer ont droit à un lieu de travail sûr et sans danger où les normes de sécurité sont respectées, à des conditions d'emploi équitables et à des conditions de travail et de vie décentes à bord des navires», explique Cleopatra Doumbia-Henry, directrice du Département des normes internationales du travail de l’OIT.

Le Viet Nam compte environ 32 000 marins titulaires d’une licence.

Selon l'Administration maritime du Viet Nam (Vinamarine), de nombreux gens de mer expérimentés sont considérés comme des travailleurs manuels malgré leurs qualifications. Des incidents ont en outre été signalés, où des membres de l'équipage ont été abandonnés par les armateurs lors d’une saisie du navire. Le Viet Nam ne dispose pas de réglementation spécifique sur le rapatriement ou autres mesures pour les gens de mer confrontés à cette situation.

«Mais les choses vont s'améliorer avec la ratification de la convention du travail maritime», explique Trinh Cuong, directeur du Département de la navigation et des affaires maritimes de Vinamarine.

Mise en œuvre

Le 25 juillet 2013, le premier ministre vietnamien, Nguyen Tan Dung, a approuvé le plan national de mise en œuvre de la convention, qui exige une mise à jour de toute la législation maritime domestique d'ici 2015; une évaluation complète et une certification de tous les navires vietnamiens avant la fin 2013; la mise en place d'un mécanisme de consultation tripartite associant les représentants du gouvernement, des armateurs et des gens de mer d’ici la fin de l’année; et l'investissement dans des structures publiques d'information et de loisirs pour les gens de mer dans les ports maritimes d'ici 2020.

«Je félicite le gouvernement vietnamien d'avoir ratifié la convention et salue ses efforts considérables pour mettre ses navires en conformité avec les standards internationaux, ainsi que son engagement ferme à protéger ses gens de mer», déclare le directeur du bureau de pays de l’OIT pour le Viet Nam, Gyorgy Sziraczki.

Mais le chemin à parcourir est encore long pour le gouvernement et les 1700 navires battant pavillon vietnamien. En effet, de nombreux armateurs vietnamiens sont contraints de vendre leurs navires et de réduire leurs coûts pour faire face à la crise financière mondiale, aussi, certains s'inquiètent de devoir satisfaire à toutes ces nouvelles dispositions à la date prévue.

«La convention est un excellent instrument, et nous voulons tous faire de notre mieux, mais cela exige des ressources financières et une synchronisation des politiques de la part du gouvernement», explique Hoang Xuan Hien, chef du contentieux de l’entreprise Bien Dong Shipping Ltd., dont le siège est à Hanoï.

Toutefois, Mme Doumbia-Henry croit qu'une fois que les premiers obstacles auront été surmontés, il est «dans l'intérêt manifeste du pays d'être en mesure de jouir des avantages qu'entraînera la ratification, notamment une meilleure protection des gens de mer et l’établissement de règles du jeu équitables pour les navires des pays en développement qui satisfont aux prescriptions de la convention».

Dans l'intervalle, précise M. Sziraczki, l'OIT sera «aux côtés du pays pour l’aider à renforcer ses capacités et lui fournir une assistance technique, afin de lui permettre de résoudre les problèmes et de donner vie à la convention».