Travailleurs domestiques

Unis dans la lutte

Contre vents et marées, les travailleurs domestiques du monde entier se regroupent pour obtenir de meilleures conditions de travail.

Reportage | 11 janvier 2013
GENÈVE (OIT Info) – Travaillant chez des particuliers comme cuisiniers, nounous, femmes de ménage, aides soignants ou comme simples employés de maison, les travailleurs domestiques sont plus isolés que la plupart des catégories de travailleurs.

Mais de l’Indonésie au Kenya, de Manille à New York, ils se rassemblent pour créer leurs propres syndicats et pour revendiquer, collectivement, des conditions de travail décentes.

Il a toujours été dit que les travailleurs domestiques étaient trop difficiles à organiser. Ils démontrent que c’était un mythe.»
Déjà 21 organisations à travers la planète se sont affiliées au Réseau international des travailleurs domestiques (IDWN en anglais) et au moins 50 autres organisations similaires seront invitées à les rejoindre et à participer à la conférence inaugurale du Réseau en octobre prochain en Uruguay.

«Il a toujours été dit que les travailleurs domestiques étaient trop difficiles à organiser. Ils démontrent que c’était un mythe», déclare Claire Hobden du département Conditions d’emploi et de travail de l’OIT.

Selon un nouveau rapport de l’OIT, qui propose la première recherche détaillée sur le travail domestique à l’échelle mondiale, au moins 52 millions de personnes sont actuellement employées comme domestiques.

Leur rémunération peut être très faible, les conditions d’emploi précaires et les risques d’abus, y compris de violences physiques et sexuelles, élevés.

Construire un mouvement d’ampleur mondiale


Mais en dépit de leur isolement, ils ont réussi à établir des relations avec les organisations de femmes, les groupes de défense des droits de l’homme, les mouvements coopératifs et les syndicats, constate Elizabeth Tang, coordinatrice internationale pour l’IDWN.

«Au Kenya, par exemple, les syndicats et les organisations de travailleurs domestiques travaillent en étroite collaboration. En Indonésie, où l’on trouve plusieurs centrales syndicales, tous les syndicats s’engagent activement dans le soutien aux travailleurs domestiques», explique Mme Tang.

Les travailleurs domestiques ont des dirigeants fabuleux, très énergiques. Ils ont inspiré l’ensemble du mouvement syndical.»
Pour Barbro Budin de l’UITA (l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration), les alliances de ce type fonctionnent dans les deux sens. Plusieurs représentants des organisations de travailleurs domestiques ont participé au Congrès de l’UITA en mai dernier à Genève et leur force de conviction a été une source d’inspiration pour les autres délégués.

«Les travailleurs domestiques ont des dirigeants fabuleux, très énergiques. Ils ont inspiré l’ensemble du mouvement syndical qui a été témoin de la façon dont ils ont réussi à se constituer en syndicat dans des circonstances extrêmement difficiles», précise-t-elle.

L’une des organisations de travailleurs domestiques qui réussit le mieux est Samahan at Ugnayan ng mga Manggagawang Pantahanan sa Pilipinias (SUMAPI), d’abord établie aux Philippines, en 1995. Elle a joué un rôle fondamental pour encourager le gouvernement philippin à devenir l’un des premiers Etats à ratifier la convention (n° 189) de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, et pour l’accompagner d’une loi spécifique destinée à améliorer la protection de l’emploi des travailleurs domestiques.

Présent dans tout le pays, SUMAPI compte 8 000 membres. Une dirigeante dynamique, aujourd’hui âgée de 19 ans, a décrit son expérience d’enfant domestique au cours de laquelle elle fut victime de harcèlement sexuel et injustement accusée de vol par son employeur.

«J’avais très peur parce que ma communauté m’avait déjà jugée. Les fonctionnaires [du quartier] de Barangay ne m’ont pas crue non plus. Ils m’ont forcé à avouer le vol. Mon employeur a découvert plus tard que c’était sa fille qui avait dérobé l’argent», se souvient-elle. Avec l’aide de SUMAPI, elle tente maintenant de terminer ses études.

Les travailleurs domestiques se sont également organisés avec succès dans les économies développées.

Aux Etats-Unis, par exemple, l’Alliance nationale des travailleuses et travailleurs domestiques opère dans 19 villes et regroupe 10 000 nounous, femmes de ménage et aides soignantes. L’Alliance a réussi à capitaliser sur les succès remportés par les Travailleurs domestiques Unis dans l’Etat de New York, qui s’étaient mobilisés pour s’assurer que l’Assemblée législative de l’Etat adopte une Charte des droits des travailleurs domestiques en 2010 afin d’offrir une sécurité de l’emploi appropriée aux travailleurs domestiques. Des initiatives similaires ont aussi été lancées dans d’autres régions du pays, y compris en Californie.

Selon Elizabeth Tang de l’IDWN, la nouvelle convention de l’OIT sur les travailleurs domestiques a déjà eu un impact positif.

«Le débat a changé de nature: il ne s’agit plus de savoir pourquoi les travailleurs domestiques ont besoin de voir leurs droits protégés mais comment on peut y parvenir», dit-elle.

Les principaux animateurs du débat seront bien évidemment les organisations de travailleurs domestiques elles-mêmes.