Article

Questions et réponses sur la réalité cachée des enfants employés comme domestiques

Récemment approuvées, la convention n° 189 et la recommandation n° 201 de l'OIT sur le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques ont pour but de protéger et d'améliorer les conditions de vie et de travail de millions de travailleurs à travers le monde qui n'ont guère – voire pas – de droits au travail. Il s'agit souvent d'enfants qui passent de longues heures à travailler comme employés de maison, accomplissant des tâches ménagères de nettoyage, repassage, cuisine, garde d'autres enfants ou jardinage, plutôt que d'aller à l'école. Nouvelles du BIT s'est entretenu avec des spécialistes du BIT, Martin Oelz (TRAVAIL) et Jose M. Ramirez (IPEC), sur la situation actuelle des enfants travailleurs domestiques et sur les répercussions positives que peuvent avoir ces nouvelles normes dans leur vie.

Article | 8 août 2011

Comment définissez-vous le «travail domestique des enfants» et combien d'enfants environ appartiennent à cette catégorie dans le monde?

Le terme «travail domestique des enfants» fait référence à des tâches domestiques exécutées par des enfants (c'est-à-dire des personnes de moins de 18 ans) au domicile d'un tiers ou d'un employeur. Compte tenu de sa nature dissimulée, il est impossible de disposer de chiffres fiables pour mesurer l'étendue du travail domestique des enfants. Cependant, les dernières données fournies par le Programme d'information statistique et de suivi du BIT sur le travail des enfants (SIMPOC) montrent qu'à l'échelle mondiale au moins 15,5 millions d'enfants (âgés de 5 à 17 ans) étaient employés comme domestiques en 2008. Cela représente près de 5 pour cent des enfants économiquement actifs dans cette tranche d'âge. Un peu plus de la moitié d'entre eux appartiennent à la tranche des 15 à 17 ans, tandis que le reste, soit 7,4 millions, sont âgés de 5 à 14 ans. Le nombre de filles dépasse de très loin celui des garçons parmi les employés de maison. L'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine sont les régions les plus touchées par ce problème.

Pourquoi le travail domestique des enfants est-il un problème «dissimulé» et pourquoi est-ce si difficile de s'y attaquer?

Ce phénomène est souvent caché et difficile à affronter en raison de ses liens avec des modèles culturels et sociaux. Dans de nombreux pays, le travail domestique des enfants est non seulement accepté sur le plan social et culturel mais il est aussi perçu de manière positive comme un type de travail protégé, non stigmatisé, et préféré à d'autres formes d'emploi, en particulier pour les filles. La perpétuation des rôles et responsabilités traditionnellement dévolus aux femmes, au sein et à l'extérieur du foyer, de même que la perception du service domestique comme un «apprentissage» des filles pour leur vie adulte et pour le mariage contribuent également à la persistance du travail domestique parmi les formes du travail des enfants. On parle de travail des enfants quand les enfants sont en dessous de l'âge minimum d'emploi (normalement 15 ans) et quand, quel que soit leur âge, le travail accompli est dangereux. En d'autres termes, quand la nature du travail ou les circonstances dans lesquelles il est exécuté risquent de mettre en danger la santé, la sécurité ou la moralité d'un enfant.

Quelles sont les causes profondes de ce phénomène?

Le travail des enfants a de nombreuses causes profondes mais, de manière générale, nous pouvons les classer en deux catégories de facteurs «endogènes et exogènes». Parmi les premiers, se trouvent la pauvreté et sa féminisation, l'exclusion sociale, le manque d'instruction, la discrimination fondée sur le genre ou l'ethnie, la violence subie par les enfants dans leur propre foyer, le déplacement, l'exode rural, la perte des parents du fait d'un conflit et/ou d'une maladie. Dans la deuxième catégorie, nous pouvons évoquer le creusement des inégalités sociales et économiques, la servitude pour dette; une perception selon laquelle l'employeur serait simplement une famille élargie offrant par conséquent aux enfants un environnement protégé; le besoin croissant pour les femmes d'avoir un «substitut» domestique qui permette à un plus grand nombre d'entre elles d'accéder au marché du travail; et l'illusion selon laquelle le service domestique donnerait aux enfants une chance de s'instruire.

Citez-nous quelques-uns des dangers auxquels sont confrontés les enfants qui travaillent comme domestiques?

Les dangers liés au travail domestique des enfants nous préoccupent gravement. Le BIT a identifié plusieurs dangers auxquels les travailleurs domestiques sont particulièrement exposés et la raison pour laquelle il peut être considéré comme l'une des pires formes de travail des enfants. Les risques les plus répandus auxquels s'exposent les enfants dans cette activité concernent: des journées de travail longues et éprouvantes, l'usage de produits chimiques toxiques, le transport de lourdes charges, le maniement d'ustensiles dangereux comme des couteaux, des hachoirs, des casseroles brûlantes, un logement et une nourriture insuffisants ou inappropriés, des traitements humiliants ou dégradants, y compris des violences verbales ou physiques, et des abus sexuels. Les risques sont démultipliés lorsque les enfants vivent au domicile de leur employeur. Ces dangers doivent être appréciés dans un contexte de privation des droits fondamentaux de l'enfant, tels que par exemple l'accès à l'éducation et aux soins de santé, le droit au repos et aux loisirs, au jeu et à des activités récréatives, le droit d'être protégé et d'avoir des contacts réguliers avec ses parents ou ses semblables. Ces facteurs peuvent avoir un impact physique, moral et psychologique irréversible sur le développement, la santé et le bien-être des enfants.

En quoi les nouvelles convention et recommandation sur le travail décent pour les travailleurs domestiques peuvent-elles contribuer à combattre le travail domestique des enfants?

La nouvelle convention n° 189 complète les dispositions de deux autres conventions fondamentales de l'OIT sur le travail des enfants: la convention (n° 138) sur l'âge minimum et la convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants. La nouvelle convention (n° 189) prévoit explicitement que les États Membres de l'OIT devraient fixer un âge minimum pour les travailleurs domestiques qui soit cohérent avec les dispositions des conventions n° 138 et 182 et ne soit pas inférieur à l'âge minimum établi par les lois et réglementations nationales pour les travailleurs en général. La nouvelle recommandation n° 201 renforce cela en appelant à identifier, à interdire et éliminer les travaux dangereux pour les enfants et à mettre en œuvre des mécanismes pour suivre la situation des enfants qui travaillent comme domestiques.

Les enfants impliqués dans le travail domestique depuis leur très jeune âge n'ont généralement pas eu accès, ou insuffisamment, à l'éducation. De même, les enfants travailleurs domestiques au-dessus de l'âge minimum légal ont une moindre chance de poursuivre leurs études. La nouvelle convention invite donc les États Membres à prendre des mesures pour garantir que le travail accompli par les travailleurs domestiques de moins de 18 ans ayant dépassé l'âge minimum d'accès à l'emploi ne les prive pas de l'éducation obligatoire ou n'interfère pas avec leurs possibilités de poursuivre leurs études ou leur formation professionnelle.