Inspection du travail

L’inspection du travail en Europe: lutter contre le travail non déclaré et la traite

Les inspecteurs du travail sont confrontés à de gigantesques défis en Europe. Ils ne veillent pas seulement à garantir des conditions de travail décentes mais ils contribuent aussi à combattre la traite et le travail clandestin. BIT en ligne a mis au point une série de questions et réponses sur le nouveau rapport du BIT qui vise à aider les spécialistes des pays de l’UE à partager les bonnes pratiques et à élaborer des lignes directrices politiques communes pour l’inspection du travail et le travail clandestin.

Article | 12 mars 2010

En quoi la crise économique et sociale mondiale affecte-t-elle l’action de l’inspection du travail?

Les effectifs des inspections du travail sont souvent notoirement insuffisants pour la diversité des tâches qui leur incombent et la crise économique pourrait accroître leur charge de travail; pourtant les inspecteurs du travail sont appelés à remplir des tâches qui exigent une bonne planification et gestion des interventions, ainsi que des ressources financières et humaines. Dans certains cas, la crise a affecté l’administration du travail et, par conséquent, les ressources de l’inspection du travail. Le renforcement des systèmes d’inspection du travail fait dès lors, plus que jamais, partie intégrante de la réponse à la crise comme le préconise le Pacte mondial pour l’emploi de l’OIT, adopté par la Conférence internationale du Travail en juin 2009.

Comment le BIT définit-il le «travail non déclaré»?

Alors que le BIT ne dispose pas d’une définition juridique établie au niveau international du «travail non déclaré», il traite de ce thème quand il se réfère à «l’économie informelle», c’est-à-dire à une activité économique exercée par des travailleurs ou des entités économiques qui – en droit ou en pratique – ne sont pas couverts, ou pas suffisamment, par des contrats en bonne et due forme. En Europe, le «travail non déclaré» comprend généralement des activités légales non rémunérées qui ne sont pas déclarées aux autorités publiques.

Quelles sont les constantes du travail non déclaré dans l’Union européenne?

Le travail non déclaré est présent sur tout un éventail de lieux de travail – des petites entreprises aux grandes sociétés, du secteur des services à celui du bâtiment, de l’industrie à l’agriculture. Des travailleurs ayant des profils et des parcours très différents sont concernés. En raison de cette hétérogénéité, il est très difficile de mesurer et de contrôler le travail non déclaré. En 2007, l’Union européenne a entrepris une étude pour mesurer le travail non déclaré dans l’ensemble de la communauté. Le rapport (Note 1) nous enseigne que les travailleurs non déclarés sont pour la plupart des hommes (62 pour cent) et des jeunes puisque deux tiers d’entre eux ont moins de 40 ans. L’étude révèle aussi que la proportion de travail illégal parmi les non-nationaux est à peu près équivalente à celle des nationaux. Les deux catégories les plus surreprésentées sont les chômeurs et les travailleurs indépendants. Les deux groupes les moins concernés sont les personnes au foyer et les retraités.

Quel est le moyen le plus efficace pour lutter contre le phénomène du travail clandestin?

Il n’existe pas de solution universelle. Cependant, l’objectif général sera et devrait toujours être de décourager le travail non déclaré. Cela suppose d’adopter des stratégies qui combinent plusieurs éléments: une approche bien coordonnée entre les autorités administratives au niveau national et international, et une conjugaison d’actions de sensibilisation, de prévention et de sanctions, ainsi qu’une implication des partenaires sociaux et des autorités judiciaires.

Quelles sanctions pourraient être efficaces?

Les sanctions sont un dernier recours. Elles doivent être élaborées avec soin, être dissuasives et appliquées de manière proportionnée. Dans certains cas, les amendes ne sont pas suffisamment lourdes, et l’employeur préfère prendre le risque d’embaucher des travailleurs clandestins dans la mesure où le coût attendu de la sanction est inférieur au différentiel de coût entre la main-d’œuvre déclarée et celle qui ne l’est pas. A contrario, si les sanctions sont trop sévères, elles peuvent provoquer l’insolvabilité de l’employeur. En un mot, les sanctions doivent être équilibrées.

Le travail non déclaré est étroitement lié aux migrations. Quels sont les principaux défis que rencontrent les inspecteurs du travail dans ce domaine?

La situation devient beaucoup plus complexe quand des migrants sans papiers sont concernés parce que les inspecteurs du travail ne peuvent pas redresser la situation de travailleurs qui n’ont pas de permis de travail. Cette situation constitue un dilemme éthique pour les inspecteurs du travail. D’un côté, ils sont censés protéger les travailleurs. Cependant, d’un autre côté, ils doivent informer la police ou les autorités en charge de l’immigration. Les inspecteurs doivent se concentrer sur la vérification des conditions de travail et l’on ne peut attendre d’eux qu’ils jouent un rôle de contrôleur de l’immigration. A cet égard, ils doivent être familiers des problèmes auxquels sont confrontés les immigrés, tels que la discrimination, la barrière de la langue et les difficultés liées au contexte culturel. En outre, les inspecteurs du travail doivent être formés aux secteurs dans lesquels le travail domestique est prédominant.

Quelles sont les principales composantes de la préparation des inspecteurs du travail à leur future mission?

En résumé, les inspecteurs du travail doivent être qualifiés, bien formés, et disposer de ressources suffisantes et appropriées. Par exemple, ils ont besoin de systèmes de collecte de données et doivent pouvoir partager leurs connaissances et l’information à l’intérieur du pays et au-delà des frontières. Pour faciliter cela, une stratégie détaillée doit être proposée et mise en œuvre au niveau de l’UE afin d’améliorer la coordination entre les inspections nationales du travail, en mettant un accent particulier sur le travail non déclaré et la traite. Des éléments fondamentaux peuvent aussi être tirés de la convention no 81 de l’OIT et des normes internationales du travail relatives à l’inspection du travail.


Note 1 - L’inspection du travail en Europe: travail non déclaré, migration, traite, janvier 2010, Organisation internationale du Travail, Genève 2010. ISBN 978-92-2-123248 (version imprimée), 978-92-2-123249-0 (version électronique); /labadmin/lang--en/index.htm (en anglais).