Journée mondiale de la santé mentale

Remarques de Guy Ryder, Directeur Général Organisation internationale du Travail à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale : «La santé mentale sur le lieu de travail»

Déclaration | 11 octobre 2017
Bonjour à tous. Merci d’être présents aujourd’hui pour célébrer avec nous la Journée mondiale de la santé mentale, journée placée plus précisément – et très opportunément du point de vue de l’OIT – sous l’angle de la santé mentale sur le lieu de travail. C’est là une question qui mérite l’attention de tous, et tout particulièrement de l’Organisation internationale du Travail.

Puis-je aussi saluer la présence parmi nous de l’Ambassadeur du Portugal qui, avec nos collègues du Brésil, a contribué très activement à porter ces questions sur le devant de la scène internationale. Nous vous en remercions, M. l’Ambassadeur, et nous nous félicitons de votre présence.

Chers collègues,

Malgré quelque réticence, je commencerai par citer des chiffres sur le coût des problèmes de santé mentale au travail. Si j’hésite, c’est parce que nous ne devrions pas mesurer le problème à l’aune de son coût économique. C’est au regard de l’expérience humaine qu’il convient de l’apprécier. Comme toutes les questions de santé humaine, c’est au regard du bien-être de la personne qu’il convient d’aborder ces questions. Ayant dit cela, force est de constater que le coût purement économique des problèmes de santé mentale est tout simplement énorme.

J’ai lu pas plus tard qu’hier, que dans mon pays le nombre de journées de travail perdues pour cause d’anxiété, de dépression et d’autres troubles mentaux s’élève à pas moins de 15 millions par année. Dans le monde industrialisé de l’OCDE, ce coût est estimé à environ 3,5 pour cent du PIB. Ceux qu’il faudrait encore convaincre du lien étroit qui existe entre le bien-être mental au travail, l’efficacité économique et le succès des entreprises n’ont qu’à lire les chiffres.

A l’approche du centenaire de l’OIT, je suis frappé par la place des questions de santé mentale dans l’avenir du travail. Alors que nous nous tournons vers l’avenir, des analyses et des commentaires pour le moins préoccupants sont portés à notre connaissance. L’une des perspectives les plus élaborées sur l’avenir du travail, du moins à mon avis, nous vient d’Allemagne, et figure dans le Livre blanc: «Re-imagining work» (Réinventer le travail). Et voilà la conclusion de cette étude sur les questions dont nous sommes venus parler ici aujourd’hui. Je cite: «il est clair que les cas de maladie mentale sont en forte augmentation ces dernières années»… Ainsi en va-t-il dans le monde du travail allemand – parallèlement à la transformation progressive du monde du travail.

Là est bien la question: il apparaît que la direction que prend le monde du travail, les transformations liées à la technologie, les nouvelles méthodes de travail, etc., accroissent le risque de développer une maladie mentale. Cette vulnérabilité accrue découle de la difficulté grandissante à déterminer où s’arrête la vie privée et où commence la vie professionnelle; le travail se déroule dans un environnement de plus en plus complexe où les questions d’ordre cognitif acquièrent chaque jour plus d’importance. Il devient de plus en plus difficile de trouver un équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Vu la situation, si nous n’accordons pas encore la priorité voulue aux questions de santé mentale au travail, au rythme où se produisent les mutations aujourd’hui à l’œuvre, il est urgent de nous atteler à cette tâche, d’une importance absolue.

Le BIT a une double responsabilité à cet égard. En tant qu’employeur, et, je l’espère, comme toute autre organisation, nous avons la responsabilité de garantir que le milieu de travail, les méthodes de travail et le comportement des responsables hiérarchiques sont sensibles à cette problématique, et favorisent un climat de travail où chacun se sent à l’aise, épaulé, encouragé. Nous disposons d’un certain nombre de structures et de fonctions pour faire en sorte que tel soit bien le cas.

Je ne saurais prétendre que tout est parfait, mais j’estime que l’OIT peut se targuer de prendre la question au sérieux. Il me semble que nous ne ménageons pas nos efforts dans ce sens. Mais ce n’est pas parfait et nous savons bien que des problèmes de cet ordre existent chez nous comme dans toutes les autres organisations. Cette responsabilité nous incombe au premier chef et c’est notre priorité.

La deuxième facette de cette double responsabilité touche bien sûr à notre rôle dans le monde du travail. Le monde du travail qui nous entoure. Il me paraît surprenant que, au niveau international, les problèmes d’ordre psychologique, les questions de santé mentale et de stress, retiennent moins l’attention que d’autres risques pour la santé et la sécurité. Si l’on considère notre corpus de normes internationales du travail, ainsi que les activités que nous menons, les réunions d’experts que nous organisons, on observe, à mon avis, un déséquilibre marqué dans notre façon d’aborder toute la panoplie des questions de bien-être au travail. Je le répète, l’orientation des mutations à l’œuvre dans le monde du travail devrait nous inciter à nous tourner résolument dans la bonne direction.

Ainsi donc, chers collègues, je me réjouis à la fois de constater que vous êtes tous là aujourd’hui et que cette Journée mondiale de la santé mentale est consacrée à ces questions. Je constate aussi avec plaisir que ces questions occupent plus de place aujourd’hui dans le débat politique qu’elles ne le faisaient par le passé – du moins autant que je me souvienne. Je pense que cela nous donne une raison d’être optimistes, et, surtout, que cela devrait renforcer notre détermination à attaquer cette problématique de front et de façon plus pertinente que par le passé.

Nous sommes tous conscients du problème de la stigmatisation. Nous comprenons tous les réticences qu’il peut y avoir à s’exprimer en public sur sa propre expérience. Vous le savez, il y a des silences qu’il faut briser. Il nous incombe de jouer un rôle à cet égard. Et je ne doute pas que la réunion d’aujourd’hui et, bien sûr, les messages que vont nous apporter les intervenants invités nous aideront sur cette voie. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres, et j’ai hâte d’écouter les messages de ce panel.

Merci