Traduction du Greffe, seul
le texte anglais fait foi.
CINQUANTE-HUITIEME SESSION ORDINAIRE
Jugement No 744
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF,
Vu la requ¿ dirig¿contre l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), form¿par M. John Snell, le 23 juillet 1985, la r¿nse de la FAO dat¿du 14 octobre, la r¿ique du requ¿nt du 26 novembre et la duplique de la FAO en date du 30 d¿mbre 1985;
Vu l'article II, paragraphe 5, du Statut du Tribunal, l'article 27 j) ii) de l'Accord de si¿ conclu entre l'Organisation et le gouvernement italien, les articles 301.081 et 301.083 du Statut du personnel de la FAO, les articles 302.81, 302.82 et 302.83 du R¿ement du personnel de la FAO et les dispositions 348.22 et 348.112, ainsi que l'annexe D ¿a disposition 103, du Manuel de la FAO;
Apr¿avoir examin¿e dossier, la proc¿re orale n'ayant ¿ ni sollicit¿par les parties, ni ordonn¿par le Tribunal;
Vu les pi¿s du dossier, d'où ressortent les faits et les all¿¿suivants :
A. Le requ¿nt, ressortissant des Etats-Unis, est entr¿u service de la FAO ¿ome en 1981 et, ¿artir de janvier 1984, il a exerc¿es fonctions de secr¿ire g¿ral de l'Association du personnel du cadre organique (APS), organisme reconnu aux termes de l'article 302.81 du R¿ement du personnel. Ainsi qu'il est dit ¿'article 27 j) ii) de l'Accord de si¿ conclu entre la FAO et le gouvernement italien, les fonctionnaires et les membres de leur famille disposent d'un magasin, l'¿nomat, où ils peuvent acheter "en quantit¿aisonnable" des marchandises "sans taxes". Il a ¿ cr¿la Commission de l'Economat, où l'administration et le personnel sont repr¿nt¿ Selon la disposition 348.22 du Manuel de la FAO, l'Organisation g¿ l'Economat "en consultation avec la Commission permanente mixte pour l'Economat". La FAO estima que les membres du personnel consacraient trop de temps aux achats ¿'Economat pendant les heures de bureau et annonça, par la circulaire 84/7 du 13 f¿ier 1984, qu'il avait ¿ d¿d¿"apr¿consultation de la Commission mixte de l'Economat" de modifier l'horaire d'ouverture. Le requ¿nt trouva celui-ci peu commode et, le 15 mars, il s'adressa au Directeur g¿ral. N'ayant reçu aucune r¿nse, il saisit le Comit¿e recours le 13 juillet. Les membres de cet organisme se montr¿nt divis¿ Pour la majorit¿le comit¿'¿it pas comp¿nt pour connaître du recours, qui entrait dans le domaine des relations avec le personnel. Dans le rapport du comit¿at¿u 19 mars 1985, la majorit¿ecommanda le rejet du recours et, par une lettre du 24 avril, qui constitue la d¿sion attaqu¿ le Directeur g¿ral adjoint informa le requ¿nt que le Directeur g¿ral acceptait la recommandation.
B. Le requ¿nt affirme qu'il s'agit dans son cas de l'inobservation des dispositions du Statut et du R¿ement du personnel de la FAO, ainsi que du mandat de la Commission de l'Economat, mandat d¿ni en vertu de ces textes. Les services de l'Economat sont une prestation en faveur du personnel aux termes de l'annexe D de la disposition 103 du Manuel, relative aux "privil¿s de l'Economat", et de la disposition 348 du Manuel concernant les "facilit¿mises ¿a disposition du personnel. Il est dit en particulier, ¿a disposition 348.112, que les repr¿ntants du personnel doivent ¿e consult¿avant toute modification de ces facilit¿ Du reste, cette consultation constitue un droit inscrit dans le Statut du personnel. Le requ¿nt affirme avoir un int¿t personnel ¿ouvoir acc¿r ¿'Economat, possibilit¿ue la FAO a gravement restreinte en r¿isant le nombre des heures d'ouverture de l'Economat, qui est ainsi encombr¿e façon insupportable pendant lesdites heures Il ne peut plus acheter des marchandises "en quantit¿aisonnable".
Sur le fond, il soutient que la d¿sion n'est pas valable. 1) La Commission de l'Economat est seule comp¿nte pour r¿ire les heures d'ouverture en vertu du paragraphe 3 de son mandat : "Le Directeur g¿ral d¿gu¿ la commission la facult¿e se prononcer sur le fonctionnement courant et sur les dispositions pratiques, notamment dans des domaines tels que ... les heures d'ouverture." Cette d¿gation faisant l'objet d'un accord avec le personnel, le Directeur g¿ral manquerait ¿a bonne foi en tentant de la retirer. 2) Le Directeur g¿ral n'a pas respect¿'article 302.83 : "... Le Directeur g¿ral, avant de promulguer des directives ou instructions administratives sur des questions se rapportant aux conditions d'emploi ou affectant le bien-¿e du personnel, consulte l'(les)organisme(s) repr¿ntatif(s) int¿ss¿)..." Bien que quelques fonctionnaires aient ¿ convoqu¿¿a hâte pour ¿e inform¿de la d¿sion, la commission en tant que telle n'a jamais d¿ttu la question. 3) Il y a ¿lement une erreur de fait en ce sens que la circulaire dit que la d¿sion a ¿ prise apr¿consultation.
Le requ¿nt prie le tribunal d'annuler la d¿sion du 24 avril 1985, d'ordonner ¿a FAO de r¿blir l'ancien horaire d'ouverture de l'Economat et de lui allouer 1.000 dollars des Etats-Unis ¿itre de dommages-int¿ts, ainsi que toute autre r¿ration que le Tribunal jugera appropri¿
C. Dans sa r¿nse, la FAO soutient que la requ¿ est irrecevable. 1) Pr¿ndre qu'il y aurait eu inobservation des dispositions du contrat d'engagement du requ¿nt et des textes r¿ementaires de la FAO n'est qu'une manoeuvre visant ¿orter le diff¿nd devant le Tribunal. En fait, il n'y a eu ni violation du droit que les fonctionnaires ont de s'organiser, ni m¿nnaissance d'un organisme du personnel, ni refus de consulter un organisme reconnu. En particulier, il n'y a pas eu inobservation de l'article 302.83, ¿oins de lui donner une interpr¿tion telle que le Directeur g¿ral devrait se plier ¿out ce qu'un organisme du personnel peut dire. L'annexe D ¿a disposition 103 du Manuel ne conf¿ pas non plus au personnel le droit d'avoir acc¿¿'Economat ¿'importe quel moment de la journ¿ Le mandat de la commission ne fait partie ni des textes r¿ementaires concernant le personnel, ni du contrat d'emploi du requ¿nt. 2) Le requ¿nt n'est pas habilit¿ agir. Il se pourvoit non pas pour faire valoir ses droits de fonctionnaire, mais pour soutenir que les relations entre le personnel et l'administration ne sont pas aussi bonnes qu'elles devraient l'¿e. Or m¿ si tel ¿it le cas, il n'a pas ¿ port¿tteinte ¿on droit d'acheter des marchandises ¿'Economat. Ses pr¿ntions ne sont pas fond¿.
La FAO rel¿ en outre que la requ¿ est de toute façon mal fond¿ Le mandat de la commission mixte ne prive pas le Directeur g¿ral du pouvoir, qu'il tient de la Constitution de la FAO, de modifier les heures d'ouverture de l'Economat. En particulier, l'article 301.0811 a la teneur suivante: "En ce qui concerne les n¿ciations entre les organismes repr¿ntatifs du personnel reconnus et le Directeur g¿ral, il est entendu que celui-ci conservera ... le droit de statuer en dernier ressort sur les questions de sa comp¿nce." Le paragraphe 1 du mandat de la commission dit que celle-ci est charg¿"de formuler des avis sur la politique et sur la gestion g¿rale de l'Economat". Quant ¿a disposition 348.22 du Manuel, elle pr¿se clairement que la commission n'est qu'un organe consultatif. Le requ¿nt interpr¿ donc de mani¿ erron¿le paragraphe 3 du mandat. De surcroît, la modification des heures d'ouverture avait, en fait, pour objet d'am¿orer l'efficacit¿u personnel en pr¿nant des absences pendant les heures de travail; il s'agit l¿'une question qui n'a pas fait l'objet d'une d¿gation de pouvoirs du Directeur g¿ral ¿a commission. Enfin, le requ¿nt all¿e ¿ort que la commission n'aurait pas ¿ consult¿ elle s'est r¿ie le 8 f¿ier 1984, plusieurs jours avant la publication de la circulaire. L'opposition des repr¿ntants du personnel ¿a modification, pour des raisons que le Directeur g¿ral n'a pas jug¿ convaincantes, ne rend pas la d¿sion non valable.
D. Dans sa r¿ique, le requ¿nt d¿loppe ses arguments et s'attache ¿¿ter les conclusions de la FAO sur la recevabilit¿t sur le fond. Pour l'essentiel, il affirme que ses droits de fonctionnaire ont ¿ viol¿et qu'il a, de ce fait, subi un pr¿dice car il lui est d¿rmais moins facile d'acheter des marchandises ¿'Economat; que le Directeur g¿ral a manqu¿ une obligation de n¿cier avec le personnel consacr¿par l'article 301.081 du Statut et par l'article 302.81 et 82 du R¿ement; que le Directeur g¿ral ne peut exercer son autorit¿u'en cas d'¿ec total des n¿ciations avec le personnel; que la proc¿re correcte de n¿ciation avec les repr¿ntants du personnel ¿a commission de l'Economat n'a pas ¿ appliqu¿ et qu'il est sp¿eux d'affirmer qu'il a ¿ tenu d¿ment compte de leur opinion.
E. Dans sa duplique, la FAO d¿loppe ses arguments sur la comp¿nce du Tribunal et sur la recevabilit¿Elle produit des ¿ments d'appr¿ation pour montrer que les ventes au personnel ¿'Economat ne se sont gu¿ modifi¿ depuis le changement d'horaire d'ouverture et que le requ¿nt n'a subi aucun pr¿dice.
Sur le fond, elle fait observer que la commission a ¿ cr¿ non pas ¿a suite d'un accord avec le personnel, mais par une d¿sion du Directeur g¿ral. Son mandat doit ¿e rapproch¿e l'article 301.083 du Statut et d'autres dispositions qui conf¿nt au Directeur g¿ral l'autorit¿¿nitive en la mati¿. Il y avait bel et bien eu consultation en bonne et due forme. En tout ¿t de cause, le souci de mieux faire respecter les heures de travail imposait une modification de la proc¿re.
CONSIDERE :
En fait
1. Selon l'Accord de si¿ conclu entre l'Organisation et le gouvernement italien, les fonctionnaires de la FAO ont le droit d'importer hors taxes certains articles par l'interm¿aire de l'Organisation. Le service cr¿pour leur permettre d'exercer ce droit est dit l'"Economat". En mars 1979, le Directeur g¿ral a institu¿a commission paritaire de l'Economat charg¿de le conseiller en mati¿ de politique et de gestion g¿rale de l'Economat. Le mandat de cet organisme a ¿ n¿ci¿t convenu entre l'administration et le personnel.
2. En f¿ier 1984 ou aux environs de cette date, le Directeur g¿ral parvint ¿a conclusion que la possibilit¿fferte au personnel de faire des achats durant les heures de bureau donnait lieu ¿es abus. Le 8 f¿ier ¿4 heures, le Sous-directeur g¿ral charg¿e l'administration et des finances s'adressa ¿ertains repr¿ntants du personnel lors d'une r¿ion pendant laquelle il proposa de modifier l'horaire d'ouverture de l'Economat de façon ¿n restreindre l'usage durant les heures normales de travail. Les repr¿ntants r¿ndirent qu'il convenait de faire cette proposition ¿a commission paritaire. Plus tard la m¿ apr¿midi, une s¿ce de cette commission fut convoqu¿ d'une mani¿ qui ne ressort pas du dossier sans pr¿is ¿it ni ordre du jour. La question fut discut¿ Le 9 f¿ier, le Sous-directeur envoya au pr¿dent de la commission paritaire un m¿randum intitul¿Modification de l'horaire de l'Economat". Il y disait qu'¿a suite de la s¿ce tenue avec la commission de l'Economat, le 8 f¿ier, les commentaires des membres avaient ¿ pris en consid¿tion et que le Directeur g¿ral avait d¿d¿e modifier les heures d'ouverture ainsi qu'il ¿it dit plus loin dans le m¿randum. Il esp¿it que la commission appuierait la d¿sion, qui devait entrer en vigueur le 14 f¿ier. Les 11 et 12 f¿ier tombant sur le samedi et le dimanche, le Sous-directeur publia le 13 f¿ier la circulaire 84/7, conçue selon les termes de son m¿randum du 9 f¿ier.
3. Le 15 mars 1984, le requ¿nt - qui est le secr¿ire g¿ral de l'Association du personnel du cadre organique - en appela de la d¿sion communiqu¿dans la circulaire 84/7. Le 19 mars 1985, le Comit¿e recours recommanda, ¿a majorit¿le rejet de l'appel au motif que la r¿amation ne portait pas sur un grief individuel, mais relevait du domaine collectif des relations professionnelles. Donnant suite ¿ette recommandation le 24 avril 1985, le Directeur g¿ral prit la d¿sion, attaqu¿par le requ¿nt, de rejeter le recours.
Sur la comp¿nce
4. L'article II, paragraphe 5, du Statut du Tribunal dispose que celui-ci est comp¿nt pour connaître des requ¿s invoquant l'inobservation des stipulations du contrat d'engagement des fonctionnaires. Dans ses ¿its, le requ¿nt all¿e notamment que le mandat de la commission n'a pas ¿ respect¿Il s'agit donc de savoir si ce mandat fait partie du contrat d'engagement du requ¿nt. Le Tribunal conclut que tel est bien le cas. Le droit d'importer des marchandises hors taxes par l'interm¿aire de l'Organisation est un droit accord¿ndividuellement aux membres du personnel. Son exercice doit n¿ssairement ¿e r¿ par un accord entre les membres du personnel pris individuellement et l'interm¿aire; un tel accord fait naturellement partie des contrats d'engagement. En outre, le droit accord¿n vertu de l'accord est une prestation dont le fonctionnaire b¿ficie du fait de son emploi et, en tant que tel, il est reconnu de mani¿ appropri¿¿a disposition 103, annexe D, ainsi qu'¿a disposition 348 du Manuel.
5. L'Organisation all¿e que le requ¿nt n'a pas qualit¿our agir. Le Tribunal ne partage pas cet avis. Peu importe que l'inobservation du mandat de la commission, si elle est ¿blie, lui cause ou non un tort particulier. Le mandat a pour objet de r¿r la gestion conjointe de l'Economat; si l'Organisation, en usurpant la totalit¿e la gestion, ne le respecte pas, l'affaire concerne tous les membres du personnel ou n'importe lequel d'entre eux.
Sur la validit¿e la circulaire 84/7
6. La commission paritaire cr¿ aux termes du mandat se compose de huit membres, dont quatre repr¿ntent le Directeur g¿ral et les quatre autres, le personnel, avec un pr¿dent ind¿ndant - nomm¿ar le Directeur g¿ral - qui n'appartient pas ¿a commission et n'a pas le droit de vote. La gestion est r¿rtie conform¿nt ¿'article 2 (qui la confie au Directeur g¿ral, la commission ayant seulement le statut consultatif, pour ce qui est de la politique g¿rale, des questions financi¿s et de l'administration), et ¿'article 3, qui couvre les op¿tions y compris notamment et express¿nt l'horaire d'ouverture". En vertu de l'article 3, le Directeur g¿ral d¿gue ¿a commission le pouvoir de prendre des d¿sions, qui doivent ¿e "transmises, pour ex¿tion, au directeur AFS".
7. La commission paritaire travaille conform¿nt ¿on r¿ement. Elle doit si¿r au moins une fois par mois, la date et l'ordre du jour des s¿ces devant ¿e communiqu¿¿ous ses membres, de pr¿rence cinq jours avant la r¿ion. A la demande ¿ite de trois membres, le pr¿dent peut convoquer une r¿ion d'urgence.
Une proposition tendant ¿em¿er ¿n abus non pas en amenant ceux qui le commettent ¿e discipliner, mais bien en imposant des restrictions ¿'ensemble du personnel requiert ¿demment un examen minutieux. Elle n'est pas de nature ¿r¿ une situation d'urgence. Il est inutile, pour se prononcer en l'esp¿, de d¿rminer si une proposition de ce genre pose des questions au titre de l'article 2, de l'article 3 ou des deux dispositions. Quoi qu'il en soit, la proposition doit ¿e examin¿par la commission paritaire lors d'une s¿ce convoqu¿conform¿nt au r¿ement. C'est une condition essentielle pour la validit¿e toute d¿sion de l'autorit¿omp¿nte. Elle n'a pas ¿ remplie par la proc¿re r¿m¿au paragraphe 3.
Sur les r¿rations demand¿
8. Le requ¿nt demande 1.000 dollars des Etats-Unis en r¿ration des inconv¿ents dont il a souffert personnellement ¿a suite de la modification de l'horaire. L'Organisation a soumis la liste des achats qu'il a faits ¿'appui de son affirmation qu'ils n'ont pas diminu¿n raison du nouvel horaire. Le requ¿nt aura sans doute atteint son objectif principal par l'annulation de la d¿sion entreprise et il n'est pas indiqu¿e quantifier exactement, ¿e stade, le dommage qu'il a subi. Le Tribunal lui allouera la somme symbolique de 100 dollars des Etats-Unis.
Par ces motifs,
DECIDE :
La requ¿ est admise et :
1. La d¿sion du 24 avril 1985 est annul¿
2. Le Directeur g¿ral ordonnera le r¿blissement de l'horaire d'ouverture en vigueur avant le 13 f¿ier 1984;
3. Le requ¿nt recevra 100 dollars des Etats-Unis ¿itre de r¿ration et 1.000 dollars pour ses d¿ns.
(Sign¿
Ainsi jug¿ar M. Andr¿risel, Pr¿dent du Tribunal, M. Jacques Ducoux, Vice-pr¿dent, et le tr¿honorable Lord Devlin, Juge, lesquels ont appos¿eur signature au bas des pr¿ntes, ainsi que nous, Allan Gardner, Greffier.
Prononc¿ Gen¿, en audience publique, le 17 mars 1986.
Andr¿risel
Jacques Ducoux
Devlin
A.B. Gardner