Traduction du Greffe, seul
le texte anglais fait foi.
VINGT-SIXIEME SESSION ORDINAIRE
Fixation d'indemnit¿P>
Jugement No 176
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF,
Vu le m¿ire, en date du 16 mars 1970, par lequel le sieur Goyal, Prahlad Saran, faute d'accord entre les parties, demande au Tribunal de c¿s de fixer l'indemnit¿ue doit lui allouer l'Organisation des Nations Unies pour l'¿cation, la science et la culture, aux termes du jugement No 136 du Tribunal, la r¿nse de l'Organisation, en date du 12 juin 1970, la r¿ique du requ¿nt dat¿du 30 ao¿t 1970, la duplique de l'Organisation du 10 d¿mbre 1970, ainsi que la communication du requ¿nt dat¿du 9 f¿ier 1971;
Vu l'article VIII du Statut du Tribunal;
Vu le jugement no 136 rendu par le Tribunal de c¿s le 3 novembre 1969;
Apr¿avoir examin¿es pi¿s du dossier, la proc¿re orale sollicit¿par le requ¿nt n'ayant pas ¿ admise par le Tribunal;
Vu les pi¿s du dossier, d'où ressortent les faits suivants :
A. A la suite du jugement no 136 rendu par le Tribunal de c¿s, l'UNESCO demanda au sieur Goyal, le 27 novembre 1969, de lui fournir toutes informations n¿ssaires quant ¿a nature et ¿a dur¿de tout emploi obtenu par celui-ci depuis le 18 avril 1968 et le montant de ses gains. Le 12 d¿mbre 1969, le sieur Goyal adressa ¿'Organisation un relev¿omparant les gains qu'il retirerait de son emploi actuel au British Council, ¿ew Delhi, jusqu'au 31 d¿mbre 1990 (le requ¿nt est n¿e 1er janvier 1936) avec les gains (y compris les allocations et les versements au titre de la pension) qu'il aurait perçus pendant la m¿ p¿ode s'il avait continu¿'¿e employ¿ar l'UNESCO. La diff¿nce ¿it de 74.919 - 35.115 = 39.804 dollars des Etats-Unis, somme ¿aquelle il ajoutait 8.000 dollars d'indemnit¿n r¿ration de la suspension ill¿le de ses fonctions. L'Organisation r¿ndit, le 5 f¿ier 1970, que bien que les gains obtenus par le requ¿nt dans son nouvel emploi eussent ¿ de 11.412,41 roupies pour la p¿ode du 13 mai 1968 au 30 novembre 1969, le Directeur g¿ral avait d¿d¿e lui offrir une indemnit¿e 13.355 roupies, soit l'¿ivalent de douze mois de salaire, y compris les allocations familiales, et d'y ajouter 6.677,50 roupies, soit six mois de salaire et d'allocations familiales, ¿itre de r¿ration. Un ch¿e de 2.671 dollars (20.032,50 roupies) ¿it joint ¿a lettre.
B. Le sieur Goyal renvoya le ch¿e, le 24 f¿ier 1970, en d¿arant qu'il ¿it insuffisant. Il signalait que ses accusations contre l'un de ses coll¿es en raison desquelles il avait perdu son emploi avaient ¿ reconnues fond¿, que l'Organisation avait donc le devoir de le r¿t¿er et que, ne voulant pas le r¿t¿er, elle se devait de lui accorder une forte indemnit¿u l'abaissement consid¿ble de sa situation professionnelle et sociale ayant r¿lt¿e la cessation de son engagement. Il informait l'Organisation de son intention de demander au Tribunal de fixer l'indemnit¿
C. Dans sa requ¿, le sieur Goyal fait valoir qu'il avait quitt¿n poste bien r¿n¿ au minist¿ de l'Int¿eur du gouvernement de l'Inde pour prendre un emploi ¿'UNESCO et qu'il ne pouvait esp¿r y ¿e r¿t¿¿aintenant en raison de son âge. Il r¿firme la culpabilit¿u coll¿e qu'il a d¿nc¿d¿nciation qui a entraîn¿a fin de son propre engagement, et fait valoir qu'¿nt donn¿es excellentes notes de service, il aurait pu raisonnablement escompter de continuer d'¿e employ¿ar l'UNESCO jusqu'¿'âge de la retraite. Il rappelle le caract¿ injurieux de la façon dont son sup¿eur l'a trait¿n le chassant brusquement du bureau de l'UNESCO ¿ew Delhi. Il pr¿nd que non seulement ses perspectives d'emploi futur sont tr¿amoindries (son emploi actuel comporte une r¿n¿tion inf¿eure de moiti¿nviron ¿elle de son emploi ¿'UNESCO), mais encore sa r¿tation a ¿ atteinte et il a ¿ moralement tr¿¿anl¿Conform¿nt au paragraphe 4 a) et b) du jugement no 136, il fournit les indications suivantes :
a) le montant net de sa r¿n¿tion dans son emploi au sein de l'Organisation ¿it de 149 dollars des Etats-Unis par mois;
b) la nature et la dur¿de son emploi depuis le 18 avril 1968 et ses gains nets ont ¿ de 77 dollars, par mois, du 13 mai 1968 au 12 mai 1969, et de 80 dollars, par mois, du 13 mai 1969 ¿a date de la requ¿.
Il demande au Tribunal de fixer l'indemnit¿otale ¿7.804 dollars.
D. L'Organisation estime, dans son m¿ire en r¿nse, que sa proposition de payer au requ¿nt une somme de 20.032,50 roupies constitue une offre g¿reuse et plus qu'¿itable, qui tient compte des r¿es statutaires ou juridictionnelles qui r¿ssent la mati¿, de l'importance des fautes qu'elle a commises et de l'importance du pr¿dice subi par le requ¿nt :
1) elle rappelle que le Tribunal de c¿s n'a jamais accord¿'indemnit¿¿ssant deux ann¿ de traitement, sous r¿rve d'une seule exception et que le Statut du Tribunal administratif des Nations Unies dispose que l'indemnit¿our pr¿dice subi ne peut ¿e sup¿eure au montant net du traitement de base du requ¿nt pour une p¿ode de deux ans, sauf les cas exceptionnels où l'indemnit¿eut ¿e plus ¿v¿
2) les indemnit¿sont particuli¿ment ¿v¿ lorsqu'il s'agit de cong¿ement de fonctionnaires titulaires de contrats de dur¿ind¿rmin¿ or, dans le cas du requ¿nt, il ne s'agissait ni d'un licenciement, ni d'un renvoi, mais du non-renouvellement d'un engagement de dur¿d¿nie, qui ¿it d'une ann¿
3) l'Organisation a calcul¿e montant de l'indemnit¿u'elle offre, ¿avoir dix-huit mois de traitement :
a) en partant de l'hypoth¿ que, dans le cas où les ¿nements ayant entraîn¿e non-renouvellement de l'engagement du sieur Goyal ne se seraient pas produits, son contrat aurait ¿ renouvel¿our une nouvelle ann¿
b) en tenant compte du fait que dans l'affaire Agarwala (jugement no 121), le Tribunal a fix¿ huit mois de traitement l'indemnit¿ayable au requ¿nt "au titre du pr¿dice que lui a caus¿a façon brutale dont il a ¿ trait¿façon qui ¿ivaut par ses modalit¿¿n renvoi sans pr¿is, et au titre de l'atteinte port¿ainsi ¿a r¿tation et ¿es chances de trouver un autre emploi";
4) l'Organisation ajoute qu'elle a d¿d¿e ne pas renouveler l'engagement du requ¿nt ¿a suite du jugement No 136 :
a) parce que le sieur Goyal a manqu¿ ses obligations de fonctionnaire, puis d'ancien fonctionnaire de l'UNESCO, en signalant ¿'attention des autorit¿indiennes des accusations contre un membre du personnel du bureau de l'UNESCO ¿ew Delhi, accusations qui ont entraîn¿es poursuites judiciaires et m¿ une interpellation au Parlement et qui, apr¿enqu¿, se sont r¿l¿ sans fondement;
b) parce que le sieur Goyal ne peut raisonnablement pr¿ndre qu'il e¿t ¿ employ¿ar l'UNESCO jusqu'¿'âge de la retraite, les engagements dans les bureaux hors-si¿ ¿nt d¿b¿ment limit¿dans le temps, car ces bureaux peuvent ¿e ferm¿¿out moment, et qu'en lui offrant une indemnit¿e dix-huit mois de traitement l'Organisation a fait abstraction de la r¿n¿tion perçue par le requ¿nt dans son nouvel emploi.
E. Dans sa r¿ique, le sieur Goyal conteste toute l'argumentation de l'Organisation. En particulier, il affirme que la d¿nciation aux autorit¿indiennes provenait d'une autre personne que lui, fait valoir que certains de ses anciens coll¿es du bureau de New Delhi y sont employ¿depuis quelque vingt ann¿ et soutient qu'il ¿it donc en droit d'escompter lui-m¿ que son emploi serait renouvel¿uccessivement d'ann¿en ann¿jusqu'¿'âge de la retraite. Il pr¿nd que son engagement ¿it sur le point d'¿e transform¿n un emploi permanent et souligne que son emploi pr¿nt est de beaucoup inf¿eur ¿elui qu'il occupait au bureau de l'UNESCO. Enfin, il rappelle le caract¿ plus que sommaire de son renvoi : il lui avait fallu quitter sur le champ le bureau de l'OMS sans m¿ terminer de prendre la dict¿d'une lettre.
F. Dans sa duplique, l'Organisation maintient ses conclusions tendant ¿e que le Tribunal d¿are que l'offre faite par elle au sieur Goyal, en date du 5 f¿ier 1970, ¿it une offre ¿itable.
CONSIDERE :
1. L'obligation qu'a l'Organisation d'accorder une r¿ration au requ¿nt r¿lte du jugement No 136, qui la lui a impos¿¿eux titres. Elle doit, en premier lieu, lui payer une indemnit¿u titre du non-renouvellement de son engagement le 30 juin 1968; ¿et ¿rd, l'Organisation a offert de lui verser 13.355 roupies repr¿ntant douze mois de salaire de base. En second lieu, une indemnit¿ui est due au titre du tort moral que lui a caus¿a suspension ill¿le de ses fonctions, c'est-¿ire une r¿ration pour le trouble caus¿ar la mani¿ dont il a ¿ trait¿t pour l'atteinte port¿ainsi ¿a r¿tation et ¿es chances d'obtenir un autre emploi. A cet ¿rd, l'Organisation lui a offert une indemnit¿e 6.677 roupies repr¿ntant six mois de salaire de base.
2. Dans ses conclusions l'Organisation fait ¿t de la disposition du Statut du Tribunal administratif des Nations Unies selon laquelle l'indemnit¿ue ledit Tribunal peut accorder ne doit pas, normalement, d¿sser l'¿ivalent de deux ann¿ du salaire net de base de l'int¿ss¿L'Organisation d¿are que le Tribunal administratif de l'Organisation internationale du Travail a observ¿e m¿ maximum dans le pass¿¿n exception pr¿ et elle soutient que la r¿ration payable au requ¿nt en l'esp¿ devrait ¿e fix¿au prorata de deux ann¿ de salaire, c'est-¿ire du maximum normal. Etant donn¿u'il s'agit, dans la pr¿nte affaire, d'un non-renouvellement et non d'un cong¿ement, l'Organisation soutient que le montant total de dix-huit mois de salaire qu'elle a propos¿e verser repr¿nte une offre g¿reuse.
3. Le Tribunal ne peut accepter cette façon de traiter la question. Il a pour devoir, ¿'instar de tout autre tribunal, sauf quand ses statuts en disposent autrement, de fixer la r¿ration ¿n montant qui lui paraît ¿itable au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Si un tel montant ¿itable devait d¿sser un plafond impos¿il en r¿lterait n¿ssairement que la somme accord¿serait inf¿eure ¿elle ¿aquelle le requ¿nt aurait droit. Certes, le principe de la responsabilit¿imit¿se retrouve dans de nombreux syst¿s de droit . La raison r¿de en ceci que, dans certains domaines d'activit¿on consid¿ qu'il est dans l'int¿t public de fixer un plafond ¿a responsabilit¿¿ulant d'une faute, la personne l¿e ayant le loisir de s'assurer, si elle le d¿re, pour les dommages en exc¿nt. A la connaissance du Tribunal, ce principe n'a pas, d'une mani¿ g¿rale, trouv¿lace dans les rapports entre employeurs et salari¿ Il est d'ailleurs loin d'¿e clair qu'il r¿sse les rapports entre les Nations Unies et leurs agents puisque le Statut du Tribunal administratif des Nations Unies contient une disposition en pr¿sion de cas exceptionnels. Dans la mesure où il r¿t ces rapports, il ne le fait qu'en vertu uniquement d'une disposition expresse dudit statut. De m¿ qu'avant de devenir un agent des Nations Unies, toute personne a la facult¿e consulter le Statut du personnel pour connaître ce que seront ses conditions d'emploi, de m¿ elle a la facult¿e se renseigner pour savoir si, en cas de cong¿ement, l'indemnit¿ laquelle elle aura droit ne pourra d¿sser un certain plafond. Un tribunal dans le statut duquel ne figure aucune disposition semblable ne peut imposer ¿n agent une r¿e qui ¿ivaudrait en fait ¿ne condition d'emploi ¿aquelle il n'aurait pas souscrit. D'autre part, si le devoir du Tribunal est de fixer la r¿ration qui est juste compte tenu de toutes les circonstances de l'esp¿, et ni plus ni moins, il ne peut s'acquitter de ce devoir en additionnant simplement tel ou tel nombre d'ann¿ ou de mois de traitement du requ¿nt. Le montant du traitement qu'il percevait est, certes, un facteur important ¿rendre en consid¿tion, mais ce n'est pas le seul facteur. Un autre facteur important est la mesure dans laquelle le requ¿nt a obtenu un autre emploi ou est parvenu ¿imiter d'une autre mani¿ la perte subie par lui.
4. En cons¿ence, pour fixer le montant de l'indemnit¿u titre du non-renouvellement, le Tribunal ne fait pas sienne, pour les raisons indiqu¿ plus haut, la m¿ode de calcul propos¿par l'Organisation. En l'esp¿, il consid¿ que la m¿ode sugg¿e par le requ¿nt fournit une base raisonnable, ¿avoir qu'il convient de se fonder sur la diff¿nce, soit environ 500 roupies par mois, entre le traitement et les allocations qu'il recevait de l'Organisation et ce qu'il perçoit maintenant : mais il ne saurait retenir l'ensemble du calcul op¿ par le requ¿nt. En ce qui concerne la premi¿ p¿ode, c'est-¿ire celle qui a pris fin le 5 f¿ier 1970, date ¿aquelle l'Organisation a offert au requ¿nt de lui verser une indemnit¿u lieu de le r¿t¿er, il n'y a aucune difficult¿Cinq cents roupies par mois pendant dix-neuf mois, dur¿de la p¿ode en question, repr¿ntent au total 9.500 roupies. Il faut tenir compte, d'une part, du fait que le requ¿nt a perçu approximativement 900 roupies (salaire effectif) dans son nouvel emploi au cours de la p¿ode pendant laquelle il percevait encore son salaire de l'Organisation; et, d'autre part, du fait qu'il a perdu certains avantages accessoires, notamment en ce qui concerne les soins m¿caux. Le Tribunal estime que, dans l'ensemble, on peut ¿luer la perte subie ¿.000 roupies. En outre, comme l'Organisation a d¿d¿e ne pas r¿t¿er le requ¿nt, celui-ci a droit ¿n montant suppl¿ntaire en r¿ration. Mais le calcul op¿ ¿e propos par le requ¿nt est inexact, en premier lieu parce qu'il suppose une responsabilit¿ans limite dans le temps et, en second lieu, parce qu'il ne tient pas compte du fait que la r¿ration en cas de non-renouvellement est tr¿diff¿nte de celle ¿aquelle donne droit un renvoi injustifi¿Compte tenu de toutes les circonstances de l'esp¿, le Tribunal estime qu'une somme de 6.000 roupies, soit approximativement la diff¿nce entre une ann¿du traitement qu'il aurait perçu de l'Organisation et ses gains effectifs, constituerait une juste r¿ration. Le montant total de l' indemnit¿ ce titre est fix¿en cons¿ence, ¿5.000 roupies.
5. En ce qui concerne la r¿ration au titre de la suspension ill¿le des fonctions, le Tribunal a examin¿es preuves compl¿ntaires qui ont ¿ fournies au sujet des circonstances dans lesquelles la suspension a eu lieu, mais ne les a gu¿ jug¿ utiles. Pour l'essentiel, le dommage moral all¿¿ar le requ¿nt r¿de dans la suspension brutale et sommaire, fait qui n'est pas contest¿Il serait injuste de fixer l'indemnit¿ue ¿e titre en fonction exclusivement du salaire de base. Le d¿rroi et le pr¿dice moral peuvent ¿e aussi graves pour quelqu'un dont le traitement est peu ¿v¿ue pour un autre dont la r¿n¿tion est consid¿ble. Le montant du traitement constitue n¿moins un crit¿, et le Tribunal estime que les six mois de traitement offerts ¿e titre par l'Organisation repr¿ntent un montant approximativement exact. Le Tribunal fixe l'indemnit¿ue ¿e titre ¿.000 roupies.
Par ces motifs,
DECIDE :
1. L'Organisation versera au requ¿nt une somme de 22.000 roupies.
2. La d¿sion du Directeur g¿ral, en date du 5 f¿ier 1970, est reform¿dans la mesure correspondante.
3. Le surplus des conclusions du requ¿nt est rejet¿
Ainsi jug¿ar M. Maxime Letourneur, Pr¿dent, M. Andr¿risel, Vice-pr¿dent, et le tr¿honorable Lord Devlin. P.C., Juge, lesquels ont appos¿eur signature
au bas des pr¿ntes, ainsi que nous, Spy, Greffier du Tribunal.
Prononc¿ Gen¿, en audience publique, le 3 mai 1971.
(Signe)
M. Letourneur
Andr¿risel
Devlin
Barnard Spy