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Jugement n° 4674

Décision

1. La décision attaquée du 16 août 2019 et la décision du 20 octobre 2017 de révoquer la requérante sont annulées.
2. L’OPS versera à la requérante des dommages-intérêts pour tort moral d’un montant de 40 000 francs suisses.
3. L’OPS versera à la requérante des dommages-intérêts pour tort matériel d’un montant de 120 000 francs suisses.
4. L’OPS versera à la requérante la somme de 10 000 francs suisses à titre de dépens.
5. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Synthèse

La requérante conteste la décision de la révoquer pour faute.

Mots-clés du jugement

Mots-clés

Requête admise; Licenciement; Faute

Considérant 5

Extrait:

[I]l convient de rappeler le rôle des rapports ou des avis des organes de recours interne dans l’examen par le Tribunal des questions soulevées dans une requête. Il a été exposé de différentes façons, par exemple récemment dans le jugement 4644, au considérant 5:
«[Si l’avis de l’organe de recours interne] présente une analyse équilibrée et avisée [...] ses constatations et conclusions méritent la plus grande déférence (voir, par exemple, les jugements 4488, au considérant 7, 4407, au considérant 3, et 3858, au considérant 8).»
En effet, assez récemment également, en ce qui concerne l’avis donné tant par un organe de recours interne que par un organe d’enquête créé en application des règles de l’organisation concernée, le Tribunal a déclaré ce qui suit dans le jugement 4237, au considérant 12:
«Selon la jurisprudence du Tribunal (voir, par exemple, les jugements 3757, au considérant 6, 4024, au considérant 6, 4026, au considérant 5, et 4091, au considérant 17), “lorsqu’un organe de recours interne a examiné et apprécié les preuves et a abouti à des constatations de fait, le Tribunal n’exercera son contrôle qu’en cas d’erreur manifeste (voir le jugement 3439, au considérant 7)”.
En outre, lorsqu’une enquête est menée par un organe d’enquête dans le cadre d’une procédure disciplinaire, “il [n’]appartient pas [au Tribunal] de réévaluer les preuves réunies par un organe d’enquête dont les membres, ayant rencontré et entendu directement les personnes concernées ou impliquées, ont pu évaluer immédiatement la fiabilité de leurs déclarations. C’est pour cette raison qu’il fait preuve de réserve avant de mettre en doute les conclusions d’un tel organe et de revoir l’appréciation des preuves recueillies. Il n’interviendra qu’en cas d’erreur manifeste (voir les jugements 3682, au considérant 8, et 3593, au considérant 12).” (Voir le jugement 3757, au considérant 6.)»
Il est vrai qu’en l’espèce le Comité d’appel n’a pas entendu les témoins. Il a toutefois examiné un grand nombre de pièces documentaires, y compris les comptes rendus d’entretiens, puis a formulé des constatations de fait fondées sur celles-ci. L’avis du Comité d’appel présente, en ce qui concerne certains éléments pertinents, une analyse équilibrée et avisée, et mérite la plus grande déférence conformément à la jurisprudence du Tribunal.

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 3439, 3593, 3757, 3858, 4024, 4026, 4091, 4237, 4407, 4488, 4644

Mots-clés

Preuve; Rapport de l'organe de recours interne

Considérants 9-10

Extrait:

Une des difficultés auxquelles se heurte cette thèse est que, bien qu’il puisse être vrai, sur la base des constatations du Comité, que la requérante aurait dû savoir, et avait peut-être effectivement déduit, que «certains»* de ses actes constituaient un harcèlement, le Comité n’a pas conclu que cela était vrai pour l’ensemble des actes visés par l’accusation de faute ni que cela avait été prouvé à sa satisfaction. Il ne s’agit pas d’un cas où chaque acte fautif allégué a été identifié, séparément, comme justifiant la sanction de révocation. C’était la conduite dans son ensemble «créant un environnement de travail hostile sur une longue période»* qui sous-tendait la décision de révocation. En outre, deux ans se sont écoulés entre le moment où la requérante a fait pleurer un membre du personnel et le dépôt de la plainte contre elle par l’association du personnel en septembre 2016. Le grief de la requérante relatif à l’absence d’avertissements concernait les incidents qui s’étaient produits sur l’ensemble de la période de neuf ans visée par les accusations, à savoir principalement avant 2014.
Dans la décision attaquée, la Directrice a, de fait, réitéré cette analyse viciée du Comité, bien qu’elle ait, de manière significative, omis le mot «certains» (mentionné plus haut) lorsqu’elle a déclaré: «le Comité a conclu “que vos actes dépassaient si clairement les limites que [vous] ne pouviez pas ne pas savoir qu’ils étaient inappropriés”». Comme il vient d’être dit, le Comité n’est pas parvenu à une telle conclusion générale en ce qui concerne la conduite dans son ensemble, sur laquelle la Directrice s’est fondée pour confirmer la révocation de la requérante en rejetant son recours. Ce vice substantiel dans l’analyse de la Directrice est d’autant plus grave qu’elle avait déclaré que l’affirmation de la requérante selon laquelle le directeur de l’administration et la directrice du Département de la gestion des ressources humaines «toléraient» sa conduite ne pouvait pas être utilisée pour sa défense alors que ses actes violaient de manière si flagrante la Politique en matière de harcèlement. Cette observation n’est pas motivée, sauf dans la mesure où elle reposait sur une prétendue adoption de la conclusion du Comité. Or celui-ci n’est pas parvenu à une telle conclusion générale [...].

Mots-clés

Faute; Décision définitive; Motivation; Au-delà de tout doute raisonnable

Considérants 16-18

Extrait:

Certes, en cas de services non satisfaisants, il ressort de la jurisprudence du Tribunal que l’organisation a l’obligation d’informer le membre du personnel que ses services ne donnent pas satisfaction et de l’avertir dûment que ses prestations doivent être améliorées, faute de quoi, il risque d’être licencié. Dans le jugement 3911, le Tribunal a déclaré ce qui suit:
[...]
Il n’existe pas de démarcation nette qui permette de distinguer ou de séparer une conduite constitutive de services non satisfaisants de certains actes pouvant être qualifiés de faute. Un même comportement peut être les deux à la fois. C’est ce qui ressort du jugement 4540. Il est clair qu’il y aura des situations où une conduite constitutive de faute qui ne pourrait pas simplement être qualifiée de services non satisfaisants peut aboutir à une révocation sans avertissement. C’est évidemment le cas pour le vol, la fraude ou une agression grave contre un collègue causant de réels dommages corporels. Il s’agit là d’un cas extrême. Toutefois, dans des circonstances telles que celles de la présente affaire où, de manière générale, la plainte porte essentiellement sur le style de gestion d’un membre du personnel (en l’occurrence, un style de gestion ferme qualifié de harcèlement par l’Organisation), on pouvait s’attendre à ce que la personne concernée reçoive un avertissement ou des conseils lui indiquant que son style de gestion devait être modifié, peut-être même radicalement et rapidement, faute de quoi, elle pourrait être révoquée. Cela est d’autant plus vrai dans le cas où il peut être remédié au comportement et que certains aspects de celui-ci ne sont pas graves isolément, même s’ils pourraient l’être cumulativement. Ainsi qu’il a été relevé précédemment s’agissant de la présente affaire, il ne s’agit pas d’un cas où chaque acte fautif allégué a été désigné séparément comme justifiant la sanction de révocation. C’est la conduite dans son ensemble «créant un climat de travail hostile sur une longue période»*qui sous-tendait la décision de révoquer la requérante.
Le moyen avancé par la requérante selon lequel elle n’aurait reçu aucun avertissement ou conseil, alors qu’elle aurait dû en recevoir, est fondé. La décision de la révoquer doit donc être annulée.

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 3911, 4540

Mots-clés

Faute; Services insatisfaisants; Avertissement; Harcèlement

Considérant 19

Extrait:

Comme pour une décision de suspension d’un fonctionnaire (voir, par exemple, le jugement 4452, au considérant 7), la décision de placer la requérante en congé administratif avec traitement était une décision discrétionnaire, qui ne peut donc faire l’objet que d’un contrôle restreint. Un tel contrôle se limite à la question de savoir si la décision émane d’une autorité incompétente, viole une règle de forme ou de procédure, repose sur une erreur de fait ou de droit, omet de tenir compte d’un fait essentiel ou est entachée de détournement de pouvoir.

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 4452

Mots-clés

Congé administratif

Considérant 23

Extrait:

Il ne serait pas opportun d’ordonner la réintégration. Il semble évident que la confiance nécessaire entre la requérante et l’OPS ne pourrait être recréée ou créée de façon à maintenir à l’avenir l’emploi de l’intéressée au sein de l’Organisation (voir, par exemple, les jugements 4456, au considérant 18, 4310, au considérant 13, et 3364, au considérant 27). En outre, la requérante était titulaire d’un contrat de durée déterminée (qui semble avoir expiré entre-temps) et ce n’est que dans des cas exceptionnels que la réintégration peut être ordonnée dans ce contexte (voir, par exemple, le jugement 4063, au considérant 11). Or le cas d’espèce n’est pas un cas exceptionnel.

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 3364, 4063, 4310, 4456

Mots-clés

Réintégration

Considérant 24

Extrait:

La requérante a droit à des dommages-intérêts pour tort moral. Des preuves médicales attestent de l’état émotionnel dans lequel elle se trouvait au moment de sa révocation. Elle souffrait de stress, d’anxiété et de dépression. Il ne fait guère de doute que la résiliation de l’engagement dans les circonstances établies en l’espèce a dû être une source de stress et même de traumatisme.

Mots-clés

Licenciement; Indemnité pour tort moral



 
Last updated: 12.10.2023 ^ top