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Jugement n° 4659

Décision

1. La décision du Secrétaire général d’Interpol du 24 décembre 2018 et celle du 6 février 2020, en ce qu’elle porte sur le renvoi du requérant, sont annulées.
2. Interpol versera au requérant des dommages-intérêts pour préjudice matériel selon les modalités indiquées aux considérants 10 et 11 du jugement.
3. L’Organisation versera au requérant une indemnité pour tort moral de 25 000 euros.
4. Elle lui versera également la somme de 8 000 euros à titre de dépens.
5. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Synthèse

Le requérant conteste la décision de le renvoyer pour faute grave.

Mots-clés du jugement

Mots-clés

Requête admise; Renvoi sans préavis

Considérant 4

Extrait:

Le Tribunal relève qu’il n’est pas contesté que le rapport d’enquête préliminaire n’a effectivement jamais été communiqué dans son intégralité au requérant, fût-ce dans une version expurgée dans la mesure requise par le respect de l’exigence de confidentialité de certains éléments de l’enquête, liée notamment à la préservation des intérêts de tiers. Il est vrai que, comme le fait valoir l’Organisation, la procédure disciplinaire proprement dite n'a été engagée que par la notification du mémoire confidentiel du Secrétaire général en date du 26 mars 2018. Mais il n’en reste pas moins que le rapport d’enquête préliminaire constitue également, à l’évidence, un élément important de la procédure suivie en l’espèce, dès lors que les charges initialement retenues à l’encontre du requérant ont été fondées sur ce rapport et que celui-ci avait été communiqué tant à la Commission mixte de discipline qu’à la Commission mixte de recours, lesquelles l’ont pris en considération dans leurs avis respectifs.
Il s’ensuit que l’alinéa 5 de la disposition 10.3.2 du Règlement du personnel, aux termes duquel le fonctionnaire concerné «[a] accès à toutes les pièces et autres éléments de preuve communiqués aux Commissions mixtes», n’a pas été respecté et qu’il y a eu violation des droits de la défense, tels que consacrés par la jurisprudence du Tribunal (voir les jugements 4412, au considérant 14, 4310, au considérant 11, et 3295, au considérant 13).

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 3295, 4310, 4412

Mots-clés

Production des preuves; Procédure contradictoire; Sanction disciplinaire; Procédure disciplinaire; Rapport d'enquête; Confidentialité

Considérant 6

Extrait:

[L]e requérant fait valoir que, en violation de l’alinéa 2 de la disposition 10.3.5 du Règlement du personnel, l’avis de la Commission mixte de discipline ne serait pas signé par ses membres.
Le Tribunal observe que l’avis consultatif de la Commission mixte de discipline officiellement communiqué par l’Organisation ne comporte aucune signature, pas plus que n’y figure d’ailleurs la date à laquelle il a été rendu. Interrogée à ce sujet, Interpol reconnaît que l’avis consultatif ne comporte aucune signature, mais confirme que cet avis «a été transmis par courriel [...] par l’un des membres de la Commission avec en copie le Président et les autres membres de la Commission» et produit à cet égard une copie dudit courriel de transmission.
Le Tribunal relève que l’alinéa 2 de la disposition 10.3.5 du Règlement du personnel prévoit expressément que «[l]’avis consultatif est signé par le président de la Commission mixte ayant statué». Il est manifeste que cette formalité n’a pas été respectée, sachant que les explications fournies par Interpol sont évidemment sans incidence sur ce constat. En outre, le Tribunal estime que la méconnaissance de cette exigence, dont la finalité est de garantir l’authenticité de l’avis de la Commission, constitue une irrégularité substantielle. Cette conclusion s’impose a fortiori en matière de procédure disciplinaire.

Mots-clés

Procédure disciplinaire; Signature; Organe disciplinaire

Considérant 8

Extrait:

En principe, un fonctionnaire licencié pour motif disciplinaire dont le licenciement est annulé a droit, s’il était au bénéfice d’un engagement de durée indéterminée, ce qui était le cas du requérant, à une telle réintégration. Toutefois, le Tribunal peut décider de ne pas l’ordonner si elle n’est plus possible ou si elle est inopportune. Selon la jurisprudence du Tribunal, une réintégration peut s’avérer inopportune dans l’hypothèse où le fonctionnaire concerné ne pourrait établir une relation de travail satisfaisante avec ses collègues et ses supérieurs hiérarchiques (voir les jugements 4622, au considérant 15, et 4540, au considérant 13).
Tel est le cas en l’espèce. En effet, il ressort du dossier que le requérant entretenait des relations conflictuelles avec nombre de ses collègues, de même qu’avec sa hiérarchie, de sorte que sa réintégration au sein des services de l’Organisation soulèverait d’évidentes difficultés. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner la réintégration de l’intéressé.

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 4540, 4622

Mots-clés

Réintégration; Sanction disciplinaire

Considérant 13

Extrait:

S’agissant du préjudice moral, le Tribunal considère que la sanction de licenciement illégalement prononcée a causé au requérant un évident préjudice moral, notamment en ce qu’elle était de nature à le plonger, ainsi qu’il le fait valoir, dans un profond désarroi. Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste réparation de ce préjudice en condamnant l’Organisation à verser à l’intéressé, à ce titre, une indemnité de 25 000 euros.

Mots-clés

Tort moral

Considérant 5

Extrait:

Le Tribunal relève qu’il est fait état dans la décision de renvoi pour faute grave, prise par le Secrétaire général le 24 décembre 2018 et confirmée par la décision attaquée, de ce que la sanction disciplinaire infligée repose sur divers manquements disciplinaires, dont un expressément présenté comme étant particulièrement grave, à savoir la rétention d’informations par le requérant de listes de terroristes étrangers.
Or, le Tribunal constate que, ainsi que le fait valoir le requérant, ce dernier manquement ne figurait pas dans le mémoire confidentiel du 26 mars 2018 ayant notifié à l’intéressé les charges retenues à son encontre, alors qu’il a eu une incidence certaine sur l’appréciation de la gravité de la sanction disciplinaire prononcée. En vérité, il ressort du dossier que le requérant n’a été officiellement informé de cette nouvelle charge que le jour même de son audition par la Commission mixte de discipline, lors de laquelle il a été directement invité à présenter ses observations à ce sujet.
De manière plus générale, le Tribunal constate que, comme le fait valoir le requérant, les droits de la défense de celui-ci ont manifestement été méconnus du fait qu’il n’a pas pu préparer utilement sa défense devant la Commission mixte de discipline, le cas échéant avec l’aide de son conseil, et que, contrairement à ce qui lui avait d’ailleurs été promis à diverses reprises en cours de procédure par le président de la Commission, il n’a pas pu participer activement à l’administration des preuves en critiquant celles recueillies par l’Organisation et en proposant les siennes propres (voir, à cet égard, les jugements 4011, au considérant 9, 3295, au considérant 11, et 1661, au considérant 3).

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 1661, 3295, 4011

Mots-clés

Procédure contradictoire; Sanction disciplinaire; Procédure disciplinaire

Considérant 12

Extrait:

Le requérant sollicite [...] le versement de l’«indemnité de licenciement», soit de l’indemnité de résiliation d’engagement prévue par la disposition 11.1.3 du Règlement du personnel. Mais, ainsi que le relève à juste titre l’Organisation, cette demande, qui a été formulée pour la première fois dans la réplique, est pour cette raison irrecevable (voir les jugements 4487, au considérant 15, 4396, au considérant 7, 4221, au considérant 7, et 4092, au considérant 10).

Référence(s)

ILOAT Judgment(s): 4092, 4221, 4396, 4487

Mots-clés

Nouvelle conclusion; Réplique

Considérant 14

Extrait:

[I]l n’y a pas lieu, en dépit du caractère manifeste de certaines irrégularités constatées, de faire droit aux conclusions du requérant tendant à l’attribution de dommages-intérêts exemplaires ou punitifs. L’octroi de tels dommages-intérêts ne se justifie en effet que dans des circonstances exceptionnelles, qui ne se rencontrent pas en l’espèce.

Mots-clés

Dommages-intérêts punitifs; Dommages-intérêts exemplaires



 
Last updated: 16.01.2024 ^ top